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Rebecca Bablee-De Commarmond: «J’ai été au front comme un bon petit soldat et j’ai été exécutée»

26 septembre 2015, 12:30

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Rebecca Bablee-De Commarmond: «J’ai été au front comme un bon petit soldat et j’ai été exécutée»

Le 3 avril dernier, plus de 150 employés d’Iframac décidaient d’investir leur pouvoir de représentation sur les épaules d’une des leurs, Rebecca Bablee-De Commarmond. Cinq mois plus tard, une solution a été trouvée et tous les employés ont été recasés. Tous, sauf deux : l’ancien assistant vice-président de la marque Mercedes-Benz, Christophe Chong, et elle. Avec le recul, elle estime avoir fait les frais de son jusqu’au-boutisme. Rebecca Bablee-De Commarmond revient sur le cours des évènements. 

 

En cinq mois, cette jeune femme de bientôt 29 ans, comptant huit années de service chez Iframac après trois ans à Ireland Blyth Ltd, a connu toute une palette d’émotions. D’abord l’angoisse de la fermeture de l’entreprise avec 298 personnes menacées d’être laissées sur le pavé. Regain d’espoir avec les garanties données par l’État que ce scénario catastrophe serait évité. La joie retrouvée à l’idée d’une autogestion. Le dégoût face à la lâcheté de certains et aux fuites d’informations. La déception face à l’échec du projet d’autogestion. La satisfaction d’avoir contribué à recaser presque tous les employés de la défunte entreprise, tout en sauvegardant leurs conditions de service. Et finalement la lassitude après s’être battue pour les autres et qu’après tant d’efforts et de sacrifices, elle soit laissée sur la touche. 

 

Les ennuis de Rebecca avec la direction d’Iframac démarrent bien avant le retrait de la licence de la Bramer Bank en avril dernier. Lorsqu’on lui offre une troisième promotion et qu’on l’envoie à Mercedes-Benz, Rs 8 000 sont ponctionnées de son salaire car le calcul des commissions pour la prestigieuse marque est différent de celui de Mitsubishi qu’elle représentait jusque-là. Elle ne se laisse pas faire et rue dans les brancards. «Je me suis entendu dire : ‘Adapt or perish, the door is wide open’. J’ai même pris un avertissement verbal pour avoir pris un congé maladie de trois jours. Lorsque j’ai demandé à avoir l’avertissement par écrit, ils ont refusé. Pas si bête.» 

 

Les mois passent et elle sent bien que les choses ne tournent pas rond : les comptes pour les pièces sont bloqués. Les salaires sont versés avec du retard. Mais elle se dit que les choses s’arrangeront. Jusqu’au 3 avril. Le déclic se fait dans sa tête lorsqu’elle voit un des mécaniciens en pleurs car son compte est bloqué. La fête de Pâques est dans deux jours et il ignore comment l’annoncer aux siens. Elle ne se jette dans la mêlée que lorsque les employés décident de constituer l’Iframac Employees Welfare Association et votent pour qu’elle les représente.

 

À partir de là, elle est de toutes les réunions syndicales. Elle est aux premières loges des soubresauts d’Iframac qui ont été rapportés dans la presse. Du ministre de la Bonne gouvernance, Roshi Bhadain, elle déclare qu’il a tenté de trouver une solution juste et acceptable. Elle ne remet pas en cause sa bonne foi. «Il a voulu bien faire mais il n’a peut-être pas eu le soutien qu’il fallait des uns et des autres.» 

 

Rebecca dit avoir apprécié l’administrateur Yacoob Ramtoola qui s’est toujours montré très humain. Elle chante les louanges d’Ashok Subron, le négociateur syndical, qui a donné de sa personne, de son temps et qui, dit-elle, n’a pas pris un sou dans le cadre de cette affaire. À samedi dernier, elle croyait qu’hormis ceux ayant voté contre l’autogestion et pour la compensation, soit 73 employés, tous les autres seraient recasés chez les différents concessionnaires automobiles. Lorsque la liste tombe, 33 d’entre eux sont unallocated. Subron et elle continuent à négocier et de 33, le nombre passe à 18. Sachant que certains des employés repris par les concessionnaires refuseraient l’emploi, elle suggère que ces 18 soient casés dans les postes laissés vacants. C’est le cas pour 16 d’entre eux. Sauf pour Christophe Chong et elle. «Ils n’ont rien compris. Je ne me battais pas contre la BAI, ni contre le gouvernement, ni contre eux mais pour les employés d’Iframac. Si pour ces gens-là, l’honnêteté, la sincérité et la justice sont mauvaises, tant pis. Je ne vais pas changer ma manière d’être pour autant.»

 

Et si un concessionnaire revenait à de meilleurs sentiments à son égard ? «Après tout ce qui s’est passé, tout ce que j’ai vu, entendu et compris, je n’irai pas chez un concessionnaire. Mon intégrité ne me le permettrait pas.» Réaliste, elle se sait grillée : «J’ai été au front comme un bon petit soldat et j’ai été exécutée. Ma satisfaction est que les employés aient conservé leur emploi et leurs conditions de service.»

 

De quoi l’avenir sera-t-il fait pour elle ? «Je n’en sais rien.»  Se voit-elle dans la peau d’une syndicaliste? «Why not? Je crois que je ne me rends pas encore compte de ce qui m’arrive», dit-elle en louant le soutien qu’elle a eu de son époux Fabien, de ses enfants Ambre et Rohan, de son beau-fils Timéo, de ses parents et beaux-parents. «Sans eux, cela aurait été catastrophique. J’espère seulement que les concessionnaires qui ont assuré qu’ils reprendraient les employés d’Iframac tiendront parole…»