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Pierre Brunet : l’appel de l’image
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Pierre Brunet : l’appel de l’image
Croquer émotions, expressions, scènes et moments de vie : Pierre Brunet en a fait sa passion. Photographe, il est témoin de la vie de la communauté mauricienne en Australie. Cliché sur une vie bien remplie.
Pierre Brunet voit le jour à Rose-Hill, en juillet 1947, mais c’est en Australie qu’il traîne son appareil photo aujourd’hui. Il est de ces Mauriciens, ayant immigré et réussi une vie ailleurs, qui, aujourd’hui, retournent sur un passé qui ne sera jamais oublié.
Pierre Brunet va apprendre la vie à Rose-Hill, non loin du cinéma Buckingham et La boutique Dollar. Il fréquente alors l’école primaire St-Enfant-Jésus, le Lycée Léoville L’Homme et le collège Alex de Boucherville. Dans les années 1960, il fait ses premiers pas dans la photographie. Son père lui achète à l’époque sa première caméra, un appareil d’origine japonaise. C’est ainsi que débute sa passion. À la fin de ses études, la famille emménage à Pointe-aux-Sables. Cette région, qui était moins peuplée alors, lui permet de découvrir la nature: «Je me sentais très proche de la nature. Vous savez, le ciel, le soleil et la mer, comme dit la chanson. Les couchers de soleil et les nuages ont pris une grande part dans ma vie». Il apprécie alors ces moments de vie, qu’il immortalisera sur pellicule, d’autant que son père lui offre alors un nouvel appareil. Un 35 mm d’origine russe.
Au même moment, il rencontre Swaley Peerally, qui sera son mentor et ami. Il est son premier professeur de photographie. Parallèlement, Pierre Brunet travaille à l’Imprimerie et Papeterie Commerciale à Port-Louis. «Je travaillais comme proof-reader, je prenais les commandes des clients et m’occupais aussi des achats pour la papeterie. Parfois j’aidais en assurant les livraisons des cartes de visite ou encore à la collecte des plaques pour l’impression entre autres. J’avais les clés de la boutique d’impression. Donc cela voulait dire premier arrivé… et dernier à partir! Un peu un Jack of all trades! », se remémore-t-il. Il se souvient également de la petite cravate, indispensable au métier!
Photographe en free-lance
Sa passion pour la photographie croît avec les années et au fil d’heureuses rencontres. Jouxtant son lieu de travail, Pierre Brunet découvre un laboratoire de photographie, appartenant à Sapermah, photographe qu’il connaît et respecte. Une autre rencontre, avec un certain Thomas, qui était alors au journal Le Cernéen, allait beaucoup lui apporter. «Il me prodiguait beaucoup de conseils», indique-t-il.
Il fait sa première acquisition de ses propres deniers, une Rolleiflex, qu’il a conservée jusqu’à aujourd’hui. Et c’est alors qu’il devient photographe en free-lance. À cette époque, il remporte un prix d’un concours de photo de l’Alliance française portant sur le thème des hommes au travail. Il poursuit son parcours de photographe amateur au Champs-de-Mars, notamment en fin de saison lorsque les jockeys mauriciens, entraient en compétition. Il conserve encore aujourd’hui ces clichés d’époque.
Dans les années 70, sa vie prend un autre tournant. Il quitte Maurice et met le cap sur l’Australie, avec dans ses valises, flash et caméras, trépied, entre autres. «Ma première impression quand l’avion a atterri à Perth, était simplement «wow!» Je n’avais jamais vu autant de lumière de ma vie», confie-t-il. Il se dirige alors vers Campsie, région qui est un pied-à-terre pour les Mauriciens. Il est accueilli par sa tante. Au départ, le mal du pays le ronge : «À Maurice, j’avais une Ford Anglia. Ici à Sydney, je n’avais rien. Je voulais rentrer à la maison».
L’acclimatation culturelle lui est pénible, surtout les premières semaines en Australie: d’abord la bouffe : «Il n’y avait pas de riz. Seulement des fish and chips. Ayo mama, que faire?». Ensuite la langue. Même si on apprenait l’anglais à l’école, à Maurice, on ne la maîtrisait pas et il y avait l’accent australien de surcroît.
Seul aspect positif de ce début de nouvelle vie, l’accès au travail. Les gens pouvaient cumuler trois jobs, se souvient-il, du moins pour les plus courageux. Il prend de l’emploi dans une usine à Campsie. Cette expérience lui a laissé de nombreux souvenirs : «Ce n’était pas facile. Le patron m’a appelé et m’a demandé : «Peux-tu passer le balai?». Je lui ai dit que je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Il m’a dit : «Regarde comment je fais». Et là, moi je lui ai dit «Non, non, je ne ferai pas ça». Il m’a alors dit que je n’avais pas le choix! Moi Ti Pierre, avec ma petite cravate dans l’ile Maurice pe ballier factory! Nous n’étions pas bien payés mais au moins on pouvait économiser».
Au rythme du créole
S’adaptant tant bien que mal à sa nouvelle vie en Australie, Pierre Brunet ne néglige pas sa passion. Il s’inscrit à des cours du soir en photographie. Ceux-ci sont dispensés par la Technical and Further Education (TAFE). Achetant par la suite la caméra de ses rêves - une Nikon - il commence à faire de petits boulots lors des mariages, des célébrations familiales et aussi grâce à une équipe de foot mauricienne, les Blue Ducks. Les joueurs de l’équipe le surnommaient d’ailleurs affectueusement Bonanza. Fin des années 70, il lance sa petite entreprise, la Mauritius Studio et propose ses services de photographe.
Parallèlement, Pierre Brunet travaille à Qantas. Il débute en tant que storeman puis gravit les échelons, clerk et finalement Heavy Maintenance Planner. Les sept premières années en Australie, il vit en célibataire dans un appartement. Et un beau jour, tout changea. Il rencontre Jacqueline. Il épouse celle qui allait devenir la compagne d’une vie, achète une maison et la famille s’agrandira avec la venue de l’aîné, Éric et une année après, Laura.
Comme bon nombre d’immigrés mauriciens, Pierre essaye de conserver un peu de Maurice chez lui. Il parle le créole à la maison mais la langue maternelle ne sera jamais adoptée par la deuxième génération. Les enfants sont nés en Australie et l’anglais est leur langue maternelle. Le créole, ils la comprennent mais ne la parle pas.
Aujourd’hui retraité, Pierre Brunet peut jeter un regard en arrière. Retrouver ses racines mauriciennes. Il est activement engagé dans la vie communautaire mauricienne en Australie, le club mauricien de soccer, le club de pétanque, l’Aumonerie Catholique Francophone de Sydney et récemment la radio communautaire mauricienne – Pima FM. Il est même passé à l’ère des réseaux sociaux. Facebook et twitter lui permettent de faire le pont entre Maurice et l’Australie.
«J’ai beaucoup de projets en tête. Actuellement, je travaille sur un projet qui vise à faire reconnaitre les talents mauriciens, notamment ceux des artistes et chanteurs d’antan. Beaucoup de vieux artistes comme Maria Sega tendent à disparaître. C’est malheureux! Je voudrais réunir tous les noms et autobiographies», soutient-il.
Comme nombre d’immigrés, il a fait le voyage retour vers l’île Maurice natale à de nombreuses occasions, pour revoir la famille, les amis et se remémorer. «Ayo Mama! Quand la nostalgie se profile, je prends ma chaise et je me rends dans mon arrière-cour sous les tiges de cannes, des manguiers, des bananiers et des goyaviers! Mais je n’ai pas de regrets!» Son arrière-cour en Australie a comme un petit parfum de Maurice. Il y a planté les arbres fruitiers bien de chez nous et il s’y prélasse dans sa chaise longue, le moment de fermer les yeux et retrouver son île natale.
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