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Me Salim Moollan: «Maurice en bonne voie pour devenir le Singapour de l'Afrique»
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Me Salim Moollan: «Maurice en bonne voie pour devenir le Singapour de l'Afrique»
L’avocat aux Essex Court Chambers à Londres est le Monsieur «droit commercial international» de Maurice. Le Conseil des ministres vient de lui accorder sa bénédiction pour qu’il brigue un nouveau mandat à l’United Nations Commission on International Trade Law.
Les gouvernants changent mais vous restez toujours le Monsieur droit commercial international de Maurice…
Je ne me considère pas ainsi. J’ai simplement eu l’opportunité d’apporter mes compétences à l’élaboration d’un projet visant à faire de Maurice l’un des leaders en ce domaine. J’ai été soutenu par des dirigeants et un service public réunis autour d’une même vision, ainsi que de nombreux collègues. Tous ces efforts n’ont cependant de sens que si nos compatriotes – juristes, hommes d’affaires, experts des services financiers – saisissent la balle au bond et font de ce projet pleinement le leur. Le Congrès biennal de l’International Council for Commercial Arbitration avec comme invité d’honneur le Secrétaire Général des Nations unies qui se tiendra en mai 2016 sera une bonne occasion de réunir toutes ces forces vives, et d’ancrer fermement ce projet au sein du barreau et de la communauté des affaires mauricienne.
Quelle a été votre plus grande réalisation pour le pays à ce jour ?
Il y a encore trop à faire pour songer à cela. La signature en mars dernier de la Convention de Maurice sur la transparence a été un moment important.
En quoi Maurice bénéficiera-t-elle de votre nouveau mandat à la présidence de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international ?
Ce nouveau mandat devrait asseoir encore davantage la place de Maurice sur l’échiquier régional et international en ce domaine. Concrètement, après deux années consacrées à la médiation, la Commission devrait maintenant reprendre ses travaux sur la réforme du droit des investissements, un sujet particulièrement important pour notre région.
Les efforts de Maurice dans ce secteur depuis 2008 ont-ils porté leurs fruits ?
Notre travail a été reconnu par la communauté internationale avec la remise à Maurice de deux prestigieux «awards» de la Global Arbitration Review, fin février à Washington. Le Mauritius International Arbitration Centre – MIAC- a ainsi reçu le prix de l’«up-and-coming regional arbitral institution of the year », et la Convention de Maurice sur la Transparence le prix du «best development of 2014 in the field of international arbitration». Nous avions été nommés pour six «awards», ce qui est un record. Il y a encore bien du chemin à parcourir avant de prétendre rivaliser avec les centres établis. Singapour a mis plus de vingt ans pour ce faire. Mais nous sommes en bonne voie pour prendre en Afrique une place similaire à celle qu’a prise Singapour en Asie du Sud-Est.
Et les implications de tout cela ?
Il s’agit d’un projet difficile et de long terme. Il faut tout d’abord créer un cadre juridique et opérationnel de nature à convaincre les parties commerciales d’utiliser Maurice et non Londres, Paris ou Genève comme place d’arbitrage dans leurs contrats. Puis, il faut attendre que ces contrats donnent naissance à des litiges. Le but ultime n’est pas uniquement commercial. Il s’agit aussi de redonner aux pays de la région une voix dans ce domaine afin qu’ils n’aient pas simplement à subir des mécanismes pour résoudre leurs litiges «imposés» par d’autres. Qu’ils deviennent de véritables acteurs du système, et non de simples usagers.
L’ouverture du Centre international d’arbitrage de Maurice est annoncée pour janvier prochain à Ebène. De quoi s'agit-il exactement ?
Notre centre d’arbitrage international (MIAC) est opérationnel depuis 2013. L’ouverture annoncée est celle d’un centre d’audiences pour l’arbitrage international. S’il est possible de tenir des audiences dans des centres de conférence ou des hôtels, comme nous l’avons fait jusqu’à présent, les utilisateurs internationaux s’attendent désormais à trouver dans les importantes destinations d’arbitrages, des centres d’audiences dédiés aux procédures arbitrales comme Maxwell Chambers à Singapour, le centre de la CCI à Paris et l’IDRC à Londres.
Quelles seront les autres avantages de ce centre d’audiences ?
Il facilitera les accords de siège avec des institutions telles que la Banque mondiale, et devrait donc faciliter la tenue de procédures arbitrales de ces institutions à Maurice. On y trouvera aussi une bibliothèque physique et virtuelle dédiée à l’arbitrage international. Les développements intangibles mais bien réels effectués par Maurice dans ce domaine seront désormais visibles.
Qu’est-ce que l’arbitrage international ?
Il s’agit d’un mécanisme pour résoudre des litiges devant un «tribunal arbitral» constitué par les parties elles-mêmes. En général, chaque partie au litige désigne un arbitre. Les deux arbitres désignent ensuite un président du tribunal. Ces trois personnes forment le tribunal arbitral qui entend les explications des parties et résout le litige. Il ne s’agit pas là d’une médiation : la procédure devant le tribunal arbitral ressemble en bien des points à une procédure devant une Cour de justice «normale» avec audition de témoins et plaidoiries. Le jugement des arbitres (que l’on appelle une «sentence arbitrale») lie les parties comme n’importe quelle autre décision de justice.
Dans quels cas a-t-on recours à l’arbitrage international ?
La grande majorité des litiges commerciaux importants se résout maintenant par voie d’arbitrage, et non devant les Cours de justice étatiques. Et ce pour de nombreuses raisons, telle que la confidentialité que recherchent souvent les parties commerciales, surtout lorsque le contrat en question est commercialement sensible ou concerne des données confidentielles. Ou encore l’existence au niveau mondial d’un mécanisme qui permet d’exécuter une sentence arbitrale avec l’aide des tribunaux des États.
Quels sont les enjeux pour Maurice?
Les centres où se tiennent les arbitrages internationaux sont en grande majorité dans les pays développés, et c’est là un désavantage – réel ou perçu – pour les acteurs économiques privés, étatiques et para-étatiques des régions du Sud. L’idée est de faire de Maurice un centre fiable et neutre pour les arbitrages concernant notre région du monde, et pour les litiges émanant de flux commerciaux tels que les investissements de la Chine vers l’Afrique. En promouvant l’arbitrage dans notre région, Maurice réaffirme son soutien à l’Etat de droit et sa volonté de jouer un rôle actif dans le développement politique et économique de notre continent. Le projet va aussi de pair avec le secteur des services financiers et avec les projets de faire de Maurice un « hub » pour les investissements vers l’Afrique.
En tant que membre de la diaspora mauricienne à l'étranger, êtes-vous sensible à l’appel du ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo dans le Budget, de venir mettre vos compétences au service du pays?
J’ai suivi cette annonce avec beaucoup d’intérêt, comme beaucoup de Mauriciens actuellement établis à l’étranger. Grace au projet d’arbitrage, et à des audiences régulières devant notre Cour suprême, je n’ai pour ma part pas l’impression de m’être trop éloigné de notre île. Mais je vais suivre avec attention les détails des propositions du ministre des Finances.
Chronologie
2008
La loi sur l’arbitrage international des Nations unies est adoptée, avec des améliorations. La dernière mise à jour date de 2013.
2009
Maurice signe un accord de siège avec la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye. Un accord où la CPA a pour la première fois de son histoire accepté de nommer un représentant permanent en dehors de La Haye, à Maurice.
2011
Signature d'un accord de joint-venture avec une autre institution internationale renommée, la London Court of International Arbitration, pour la création d’un Centre d’arbitrage mauricien, le Mauritius International Arbitration Centre (MIAC).
2013
L’entrée en opération de MIAC qui a pour fonction d’aider les utilisateurs à gérer leurs arbitrages. Les règles de MIAC définissent comment nommer les arbitres, comment tenir la procédure, ou comment rendre la sentence arbitrale. MIAC a eu ses premières affaires l’année dernière.
2015
Après avoir mené les négociations au sein des Nations unies d’une nouvelle Convention dont le but est de donner accès au public aux procédures d’arbitrage lorsque celles-ci sont d’intérêt public, Maurice a accueilli la cérémonie de signature de cette Convention, et l’a signée. Elle sera connue sous le nom de Convention de l’île Maurice sur la Transparence.
2016
La conférence la plus prestigieuse dans ce domaine, le Congrès biennal de l’International Council for Commercial Arbitration se tiendra à Maurice. Une première en Afrique. Maurice recevra à cette occasion Ban Ki-moon, Secrétaire géneral de l’Organisation des Nations unies, qui sera l’invité d’honneur du Congrès.
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