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Compléments alimentaires: l’arnaque des pilules de la réussite scolaire

16 octobre 2015, 20:52

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Compléments alimentaires: l’arnaque des pilules de la réussite scolaire

Octobre, la fête des neurones. Comme tous les ans, des dizaines de milliers d’élèves candidats aux examens de fin d’année sont en émoi. Et leurs parents avec. Va-t-il tenir le marathon des révisions ? Comment l’aider à obtenir son diplôme ? Nombreux sont ceux qui s’en remettent au pharmacien. Memoboost, Memogen ou Lecitone, ces compléments alimentaires «spécial examens» sonnent comme des potions magiques aux oreilles des plus anxieux. Leurs consommateurs ont-ils de meilleurs résultats que les autres ? C’est ce que personne n’a jamais démontré.

 

Ce qui est sûr, c’est que ce marché est en pleine santé. «Vous ne me citez pas, bien sûr», lance un pharmacien grossiste qui s’apprête à débiner ce que ses «chers collègues» ne disent pas: «Les compléments pour les étudiants, c’est beaucoup de marketing. Ces produits ne servent pas à grand-chose car les nutriments qu’ils apportent peuvent être facilement ingérés grâce à une alimentation normale.» Pourtant, la consommation dans le pays grimpe à vitesse grand V.

 

 

Il est vrai que les promesses sur les emballages («mental performance», «feed your mind», «mémoire et facultés mentales accrues», etc.) sont alléchantes. «C’est de la publicité mensongère pure et simple !» tranche dans le vif Anil Banymandhub, psychiatre à la clinique Darné.

 

Si les pharmaciens sont plus nuancés, les médecins, eux, sont catégoriques : ces suppléments n’ont «aucun effet réel sur les performances intellectuelles», mis à part un effet placebo. «Si l’on prescrivait des bonbons, on obtiendrait le même résultat. Le seul effet de ces traitements est de rassurer les parents», décode le psychiatre, pour qui «la confiance aveugle des Mauriciens en ces produits est culturelle».

 

Aucune preuve d’efficacité

 

Une confiance d’autant plus compréhensible que les compléments alimentaires ont toutes les apparences des médicaments. Présentés sous forme de gélules, comprimés, sachets de poudre et autres ampoules, on y trouve en vrac des oméga 3, des vitamines, des extraits de plantes ou de poissons censés améliorer la mémoire et la concentration. Mais une différence de taille sépare les deux catégories de produits : au contraire des médicaments, les compléments alimentaires n’ont pas à apporter la preuve de leur efficacité. Une véritable aubaine pour les industriels qui ont peu d’efforts de recherche à fournir.

 

Une enquête de la revue Que Choisir va plus loin : «Il suffit de choisir un ou deux ingrédients à la mode, d’embaucher un bon spécialiste du marketing et d’habiller le tout d’un discours pseudoscientifique pour empocher de confortables marges», dénonce le magazine français, réputé pour son sérieux. Exemple : les compléments à base de vitamine C, type Lecitone jeune. «La croyance selon laquelle la vitamine C améliore le tonus est une belle idée reçue», développe une scientifique citée par le magazine. Quoi qu’il en soit, surenchérit un nutritionniste, «aucun complément alimentaire ne permet de compenser les vitamines et les nutriments contenus dans les fruits et légumes».

 

Autre exemple, le ginkgo biloba. Cette plante originaire de Chine aurait pour vertu de booster la matière grise. On en trouve dans le Memoboost, un produit prisé par les aspirants diplômés et dont la notice promet monts et merveilles. Y compris «d’améliorer la mémoire». Petit hic, en creusant un peu dans la littérature scientifique, on s’aperçoit que le ginkgo n’a jamais apporté une quelconque preuve d’efficacité sur les facultés de mémorisation. Nous ne sommes pas loin de «la poudre de perlimpinpin» dit un médecin rosehillien qui ne tient pas à se mettre à dos tous les pharmaciens de la ville.

 

Effet inverse

 

Plus grave, ces suppléments pourraient avoir l’effet inverse de ce qu’ils promettent. C’est ce qu’a démontré une étude publiée par le respecté Journal of American Medical Association. Des chercheurs ont conclu que des cures surdosées «augmentent la mortalité». «Les compléments alimentaires n’ont rien d’inoffensif», confirme Ravin Gaya, président de la Pharmaceutical Association of Mauritius. «Ils peuvent avoir des effets secondaires, surtout en cas de surdosage. Il ne faut pas hésiter à demander conseil, tout bon pharmacien vous dira que ce n’est pas parce qu’on en prend plus que c’est plus intéressant.» Mais tout «bon» laboratoire vous dira exactement le contraire.

 

La plupart du temps, les notices recommandent de doubler les doses en période d’examen… «Il n’existe pas de pilule miracle pour réussir ses examens, conclut Anil Banymandhub. Rien ne vaut une bonne hygiène de vie, bien manger, bien dormir, faire du sport. Et, pourquoi pas, s’essayer à la relaxation. Cela me paraît moins risqué.» Et moins onéreux.