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Tony Constance: «Que l’histoire de Jane serve de leçon…»

26 octobre 2015, 09:16

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Tony Constance: «Que l’histoire de Jane serve de leçon…»

Il ne veut rien précipiter, juste que «l’histoire de Jane puisse servir de leçon». L’express a rencontré à Paris le père de Jane Constance. La jeune fille venait de remporter la finale de The Voice Kids.

 

 

Comment ont été les dernières 48 heures depuis que Jane a gagné «The Voice Kids» ?

 

On a reçu des coups de fil de l’île Maurice, de France, d’Angleterre, des Etats-Unis… On essaie de faire plaisir à tout le monde, en prenant les appels, dire merci – c’est la moindre des choses – autant que possible. Je remercie tous les Mauriciens qui ont soutenu Jane. Sur les réseaux sociaux, c’est incroyable. Ma messagerie est inondée. Malheureusement, je ne peux répondre à tout le monde. J’ai dû mettre le téléphone de côté. Et si vous n’étiez pas en France, croyez-moi, vous n’auriez pas obtenu cette interview.

 

Comment avez-vous vécu les moments où Jane était sur la scène de The Voice Kids ?

 

Jane a toujours regardé The Voice Kids, comme beaucoup d’autres enfants et même des adultes. Elle a toujours dit: «Papa, j’aurais aimé participé à cette émission». Nous, la compétition, ça ne nous intéressait pas vraiment. On ne voulait pas mettre Jane en compétition avec d’autres enfants. Mais ce qui est vraiment intéressant avec The Voice Kids, ce sont les auditions à l’aveugle. Ne pas voir les candidats sur scène c’est extraordinaire. Les candidats sont sur un pied d’égalité. On ne va pas les juger sur leur apparence, ni sur leur style sur scène, mais uniquement sur leur performance vocale. C’est cette partie qui nous a convaincu de participer à cette émission. Et voir Jane sur cette scène, c’était exceptionnel

 

Pour les auditions à l’aveugle justement, et pour la dernière partie de la finale, Jane a chanté «The Prayer». Y êtes-vous pour quelque chose?

 

Bien sûr que j’y suis pour quelque chose. La prod nous demande une liste d’une vingtaine de chansons, dont dix en français. Nous avons envoyé notre liste. The Prayer en faisait partie. Le choix a été fait en collaboration avec la production de The Voice Kids.

 

Nous avons choisi cette chanson car les paroles sont très fortes. Cette chanson – je ne le dis pas parce que c’est ma fille – tout le monde ne peut pas la chanter. Il faut avoir la technique, un bagage musical.

 

Cela aurait été dommage de chanter une chanson trop facile qui n’entraînait aucune performance. Bien chanter ne suffit pas. Tous les enfants qui arrivent à ce niveau chantent très bien. Le choix a été fait sur 5000 enfants au départ. Ils étaient 27 pour les battles, 9 lors de la finale et 3 lors de l’ultime étape. Il nous fallait donc une chanson pour montrer que Jane chante non seulement bien, mais qu’elle a aussi une excellente technique.

 

Comment avez-vous vécu la finale ?

 

Je me suis toujours dit que si Jane était dans les trois derniers, elle avait 90 % de chance de gagner la compétition. La question que l’on se posait, vu que nous ne sommes pas à Maurice mais en France, est, est-ce que les Français vont voter pour elle. J’en profite pour remercier tous les Français et tous les Mauriciens en France qui ont voté pour Jane.

 

Avant que Jane ne soit proclamée championne de la team de Patrick Fiori, vous redoutiez qui ? Swany, cette attachante petite boule d’énergie, ou Phoebie, qui a beaucoup de métier?

 

Il y a toujours un facteur de doute. On ne peut jamais savoir. On croyait en Jane depuis le début. Personne ne démérite. Ils sont dans la finale et cela veut dire qu’ils sont déjà extraordinaires. Entre Swany et Phoebie, c’est clair Phoebie a beaucoup plus de maîtrise. Swany est mignon, il chante bien, il a le style mais il y avait plus à craindre du côté de Phoebie.

 

Ensuite, il y a eu l’ultime épreuve face à Lisandro et Leo. Lisandro est un énorme technicien. Vous êtes d’accord? Et Léo a été énorme avec son interprétation de «I will always love you». Vous doutiez ?

 

C’est vrai, Lisandro est très fort techniquement. Mais je ne craignais pas la partie technique de Lisandro parce que le point fort de Jane, c’est l’émotion qu’elle dégage. A chaque fois que Jane chante, tout s’arrête. On a soudainement l’impression d’entendre son cœur. Jane a ce pouvoir. Il n’y a pas que la technique. Cela peut aider pour produire une belle performance. Mais la technique ne peut pas primer sur l’émotion. C’est le point fort de Jane.

 

Vous êtes aujourd’hui le père d’une star. Votre rôle a-t-il changé depuis la victoire de Jane ?

 

Mon rôle de père ne change pas. Je reste toujours celui de Jane.

 

Il faut la protéger encore plus aujourd’hui ?

 

On a toujours protégé Jane. Nous continuerons à le faire. Nous voulons qu’elle soit le plus autonome possible, même s’il y a beaucoup de choses que Jane, il faut le concéder et ne pas se voiler la face, ne pourra pas faire. A présent, tout le monde va s’accrocher à elle. Le plus important, c’est de protéger l’enfant et ne pas laisser n’importe qui faire n’importe quoi.

 

Au sein de la famille, les habitudes sont bouleversées ?

 

Oui bien sûr. Il faudra faire très attention. Nous sommes contents pour Jane et fiers d’elle. Mais nous ferons très attention à l’évolution de la situation. Jane va être sollicitée pour chanter dans de nombreux événements. Mais il ne faudra pas qu’on se serve d’elle juste pour rendre les événements plus agréables. Il faudra que l’enfant profite d’abord. Il ne faut pas la voir comme un objet qui va embellir des événements. Il faudra la protéger.

 

Après The Voice Kids, que prévoyez-vous pour Jane ?

 

Elle a gagné la plus grande compétition de chant au monde. Mais il n’y a pas que ça. Pour nous en tant que parents, son éducation est primordiale. Nous rentrons à Maurice lundi, et mardi elle ira à l’école. Je sais que l’école saura gérer cette partie.

 

Jane a d’autres envies, d’autres rêves, mais nous n’allons rien précipiter. Je veux juste que son histoire puisse servir de leçon. Jane a un handicap et elle a un talent. Avec The Voice Kids, elle a prouvé de quoi elle est capable.  Le monde doit la prendre en exemple et comprendre que les handicapés ont beaucoup de potentiel. Si on commençait à mettre un système en place, en leur donnant les moyens nécessaires pour qu’ils puissent évoluer, ils prouveront de quoi ils sont capables. On apprendra plus d’eux qu'eux de nous.

 

Le système à Maurice ne donne pas cette chance aux handicapés ?

 

Excusez-moi, mais il n’y a aucun système à Maurice. Il faut tout commencer à zéro. Il n’y a rien à Maurice pour les enfants comme Jane. Ne nous voilons pas la face. Si Jane est arrivée là où elle est aujourd’hui, c’est grâce aux parents et personne d’autre. Surtout pas au système. Je ne vais pas diminuer la contribution de ceux qui ont aidé Jane, mais c’est grâce aux parents. Et ce qui est regrettable, c’est qu’il y a beaucoup d’enfants dans le cas de Jane et qui sont même plus talentueux qu’elle mais qui n’arrivent pas à évoluer par manque de moyens. Ils n’ont pas la chance que Jane a eue. Qui est responsable ? Posez-vous la question.

 

Vous pouvez nous donner un exemple de ce que l’Etat aurait pu faire pour Jane?

 

Il y en a beaucoup mais je vous en donne un seul. Jane prend des cours de chant depuis qu’elle a cinq ans et de piano depuis qu’elle en a sept. Elle a déjà fait son grade 4 de piano et en chant elle est passée du grade 3 au grade 5 directement. Je ne critique personne, je salue au contraire très bas Dominique et Geneviève Tobie qui ont toujours soutenu Jane. Mais à Maurice, il n’y a personne de qualifié qui puisse travailler la musique en braille. Dans le cursus académique au secondaire, c’est la même situation. C’est inacceptable. Les enfants comme Jane ne sont absolument pas sur un pied d’égalité avec les autres.

 

Aujourd’hui que les caméras sont braquées sur Jane, je suis convaincu qu’on ne peut qu’avancer, car en la regardant, on voit tous les handicapés. Mais pourquoi attendre qu’un athlète gagne une compétition ou qu’une handicapée arrive à ce niveau pour essayer de voir ce qu’on peut faire pour eux. Pourquoi fait-on les choses à l’envers ? L’Etat devrait soutenir ces enfants depuis le départ et non attendre qu’ils aient atteint un certain niveau grâce à leur famille pour les applaudir et ensuite les soutenir.

 

The Voice Kids ouvre les portes à la famille Constance. N’êtes-vous pas tenté de poser vos valises ailleurs?

 

La question nous a été posée, je vous le confirme. Cette question ne s’adresse pas qu’à Jane. Posez-vous la question, pourquoi tous les lauréats ne reviennent pas au pays ? Ce n’est pas ce que nous voulons mais j’espère qu’on ne nous pousse pas à prendre une telle décision.

 

Qu’attendez-vous de l’Etat?

 

Je n’attends rien. Jane n’a rien à prouver. Je veux que les institutions assument enfin leur responsabilité vis-à-vis des enfants comme Jane. S’attendre qu’elle ne soit pas laissée pour compte ne doit pas être une récompense après avoir gagné The Voice Kids. C’est le devoir de l’Etat. Tout ce que je veux, c’est qu’on n’essaie pas de tirer profit de Jane. Protégez-la.

 

Vous rentrez demain (NdlR lundi 26 octobre). Vous demanderez aux médias mauriciens de lâcher du lest ?

 

Les médias ne vont pas lâcher du lest. L’express est venu jusqu’à Paris pour interviewer Jane. Mais il ne faut pas insister. Jane est une fille de quinze ans. C’est vrai, elle est une star maintenant. Si une vedette n’accorde pas d’interviews, ne sourit pas et n’est pas disponible, les gens ne sont pas contents, les journalistes ne sont pas contents. Mais Jane n’est qu’une enfant.