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Trafic humain dans des usines: cas «flagrants» d’exploitation de travailleurs étrangers

8 novembre 2015, 21:29

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Trafic humain dans des usines: cas «flagrants» d’exploitation de travailleurs étrangers

«Mon employeur a pris mon passeport et je n’ai pas le droit de l’avoir en ma possession. Il a dit que c’était pour des mesures de sécurité.» C’est ce qu’affirme Rajesh, un travailleur étranger originaire du Bangladesh. Il est intervenu dans une vidéo diffusée lors d’un atelier de travail organisé par l’ONG Dis-moi dans le but de sensibiliser ses différents partenaires au trafic humain à Maurice. C’est, en effet, parmi les travailleurs étrangers que les travailleurs sociaux et les ONG ont décelé de nombreux cas d’exploitation humaine. Exploitation venant, dans la plupart des situations, des employeurs.

 

Dans le cas de Rajesh, employé d’une usine réputée à Maurice, il s’agit d’une «procédure» de l’entreprise. Celle-ci retient les pièces d’identité de tous ses travailleurs étrangers.

 

«Que faites-vous si vous devez vous rendre à la banque par exemple ?» questionne le travailleur social Faysal Ally Beegun lors d’un entretien filmé. «Je dois faire une demande auprès de l’entreprise et elle me donne une copie de mon passeport», répond Rajesh.

 

UN SALAIRE MENSUEL DE RS 4 000

 

 «Savez-vous que c’est illégal ?» poursuit Faysal Ally Beegun. «Oui, mais l’usine ne va pas me donner mon passeport. Cela m’a mis plus d’une année avant d’avoir un compte en banque», raconte ce trentenaire, qui a quitté son pays, sa femme et son enfant pour travailler à Maurice.

 

Outre son passeport qu’il n’a pas en sa possession, Rajesh affirme ne pas avoir de contrat de travail. Quid de son salaire mensuel ? Selon Faysal Ally Beegun, qui intervenait lors de l’atelier, il serait de Rs 4 000.

 

Si ce chiffre dérisoire a suscité le choc auprès de toute l’assistance, il a, semble-t-il, laissé indifférent un des fonctionnaires du ministère du Travail présents à l’atelier. Ce dernier a trouvé bon de souligner qu’il réfutait le  terme «exploitation» utilisé par un des étudiants de  l’université de Maurice, qui participait à cet échange, pour parler de la situation des travailleurs étrangers.

 

«CE N’EST PAS UNE EXPLOITATION»

 

«On ne peut pas parler d’exploitation parce que les Mauriciens qui font le même travail que les Bangladais perçoivent les mêmes salaires. Nous admettons que ceux-ci sont relativement bas dans ce secteur, mais on ne peut pas parler d’exploitation», a justifié le fonctionnaire. Et d’ajouter qu’en cas de problème, les travailleurs étrangers peuvent se rendre à l’unité spécialement conçue pour eux, au ministère du Travail.

 

Dans une vidéo réalisée par les étudiants, les conditions de vie des employés d’usine ont été exposées. Ils ont rencontré une dizaine de Bangladais qui occupent une maison très peu meublée et mal équipée dans le Nord. Comme électroménager : des autocuiseurs de riz, un petit frigo et un four à gaz. Les denrées alimentaires, elles, sont entreposées dans des caisses en métal, alignées l’une à côté de l’autre. Quant aux matelas, ils sont posés à même le sol, ou lorsque grimpe le thermomètre, ils sont placés sur le toit.

 

Une situation qui, selon Florence Boivin, responsable de l’ONG Justice and Equity, qui lutte contre le trafic sur le continent africain, ne peut plus être tolérée. Pour elle, Maurice a les moyens de lutter contre le trafic humain et l’exploitation si elle le veut bien.