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Aurore Gros-Coissy: «Pour rien au monde, je ne changerai mon histoire»
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Aurore Gros-Coissy: «Pour rien au monde, je ne changerai mon histoire»
Vous étiez sereine tout au long du procès, jamais une larme. Où avez-vous trouvé la force?
J’étais sereine parce qu’à chaque étape, je me disais que si ça continue, c’est pas pour rien, il y a une raison derrière. On continue, on va se battre et profiter de chaque instant avec mes amies en prison. Aujourd’hui (NdlR, mercredi 25 novembre), j’ai pleuré quand elles pleuraient de joie après le jugement. En fait, je suis très sensible, peut-être encore plus aujourd’hui.
Dans le premier verdict, le juge vous avait décrite comme quelqu’une de calculatrice, qui ne pouvait ne pas savoir ce qu’il y avait dans vos bagages.
Ça m’a peinée. Je me suis dit que ce n’est pas possible qu’on pense cela de moi. Il a dit que j’étais trop intelligente pour me faire piéger. Ce n’est pas une question d’intelligence. N’importe qui peut se faire piéger. Mais je comprends que mon histoire soit dure à croire, et aujourd’hui je m’en sors. Ouf ! J’ai du mal à y croire moi-même. Je vais rester en contact avec mes amies et j’espère avoir de leurs nouvelles. On va s’écrire. J’ai tellement reçu d’amour pendant ces quatre ans.
Ces quatre ans vous ont changée ?
Bien sûr. Je me suis impliquée dans la religion. J’ai acquis aussi plus de confiance en moi. J’ai toujours voulu être celle que je suis aujourd’hui. Une femme forte et sensible en même temps. J’ai appris beaucoup de choses au contact des autres détenues. J’ai grandi, j’ai mûri. Je ne retiens que du bon. J’ai fait des rencontres exceptionnelles. J’ai retrouvé des amis que j’avais perdus de vue en France. Des gens que je ne connaissais pas m’ont écrit et m’ont soutenue. J’ai eu beaucoup de chance.
Et les mauvais moments en prison, c’était quoi ?
Quand on est enfermé. Quand on dépend des autres pour tout. Ce n’est pas facile de rester quatre ans au même endroit, attendre les horaires pour appeler sa famille. Mais on n’est jamais seuls. Nous étions une petite communauté très heureuse. On a appris à se serrer les coudes, à se soutenir quand l’une d’entre nous avait un coup de blues. Vous ne pouvez pas imaginer les cris de joie qui ont retenti à l’énoncé du jugement, c’était la fête. Nous travaillions ensemble, nous plantions, et récemment on avait même eu des canards.
La prison vous manquerait-elle presque ?
(Dubitative.) Oui ! Ça va faire bizarre.
Il y a eu des moments de doute ? Quand vous avez pris 20 ans par exemple ?
Déjà, je me suis dit : «ce n’est que 20 ans et pas plus». Et on a commencé à travailler sur l’appel. Je n’ai pas vraiment eu le temps de douter.
Et le jugement en appel, vous le redoutiez ?
J’évitais d’y croire. Pour ne pas être trop déçue, et ne pas décevoir mes amies et ma famille. Mais tout le monde était confiant, et je priais beaucoup. J’avais la foi. J’y croyais quand même.
Qu’éprouvez-vous pour Tinsley Cornell ?
Surtout pas de la haine. Je ne le déteste pas. Je me suis juste toujours demandé, comment il a pu me faire ça. Il doit y avoir des raisons ou des circonstances qui l’ont motivé.
Lui, il a des vérités que moi j’aimerai connaître. J’espère qu’il n’y aura plus de gens comme lui qui tromperont d’autres personnes.
Vous allez le rencontrer, le regarder dans les yeux et lui dire ses quatre vérités ?
Non, je ne veux pas le rencontrer, ni lui dire ses vérités.Ce n’est pas mon caractère.
Certains de vos compatriotes dans d’autres pays, en Indonésie par exemple, ont été exécutés pour trafic de drogue...
Je suis bien au courant, car en prison j’écoutais RFI. À chaque fois, je me disais que (elle parle lentement, se perd dans ses pensées) oui, tout cela est terrible et que j’ai eu beaucoup de chance.
Vous partez samedi. Qu’avez-vous prévu ? Des vacances ?
(Rires.) Ça fait bizarre de parler de vacances. Oui, je veux profiter de ce beau pays et de son peuple, sa cuisine. Je vais aller me baigner dans l’océan Indien, enfin ! Dire que j’étais venue pour ça il y a quatre ans.
S’il fallait changer cette histoire et faire de vous une touriste tout à fait normale il y a quatre ans, vous accepteriez ?
Non. Pour rien au monde, je ne voudrais changer mon histoire. Je suis ce que je suis devenue grâce à cela. C’est arrivé pour une raison et aujourd’hui, je suis plus forte.
Pour rester au pays, on vous interdit de recevoir des soins dans un hôpital public, on vous demande d’avoir un billet d’avion dès jeudi, et on vous impose trois appels par jour à votre avocat. Vous sentez que certains sont rancuniers et mauvais perdants ?
Ce n’est rien ça. J’appellerai avec joie Rama Valayden trois fois par jour.
L’avenir ?
J’ai évidemment des projets. Mais là, il faut que je me pose. J’ai aussi hâte de rentrer en France, revoir ses paysages, fêter Noël avec mes proches, décorer un immense sapin.
En sortant de prison vous disiez vouloir «un bon petit verre maintenant». C’est fait?
(Éclats de rire.) Non pas encore. Mais je le ferai tout à l’heure. Juste un verre. Car je n’ai plus trop l’habitude maintenant.
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