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Corinne Marguerite : La médaille du courage

6 décembre 2015, 13:03

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Corinne Marguerite : La médaille du courage

 

En jetant un coup d’œil dans le rétroviseur de sa vie, Corinne Marguerite, 25 ans, n’aurait jamais cru possible de toucher son rêve du doigt comme elle l’a fait. Elle est aujourd’hui détentrice d’un Teacher’s Diploma en éducation physique auprès du Mauritius Institute of Education (MIE). Une phrase, à quelques variantes près, tourne en boucle dans sa bouche : «Sans Sponsor A Child, je n’aurais pas été ce que je suis aujourd’hui. S’il n’y avait eu Sponsor A Child, il y a des tas de trucs que je n’aurais pu faire. Sans l’argent de Sponsor A Child, je n’aurais pu aller à mes entraînements de basket-ball à Phœnix, ni m’acheter de quoi me sustenter avant l’entraînement. Sponsor A Child m’a bien soulagée».

Cette aînée de quatre enfants, dont le père est maçon et la mère femme au foyer, montre de belles dispositions pour les études dès le primaire. S’il y a toujours de quoi manger sur la table familiale, pour tout ce qui est matériel en revanche, comme par exemple les vêtements et les chaussures, la consigne est de «faire durer».  Son père, qui n’a pu étudier au-delà du Std III, s’intéresse à ses études et l’encourage à se dépasser.

C’est d’ailleurs lui qui assiste aux réunions parentales scolaires. Mais Corinne est si jeune qu’elle ne comprend pas vraiment les enjeux de Std VI. Et si elle réussit son Certificate of Primary Education, ses résultats sont moins bons que ceux escomptés. C’est donc au DAV de Port-Louis qu’elle entame son  cycle secondaire.

«C'EST LA MEILLEURE DÉCISION QUE J'AI PRISE»

Elle étudie sérieusement. Jusqu’en  Form III, elle est première de la classe. Lorsqu’elle a 15 ans, son père prend une mauvaise pente. Elle assiste, impuissante, aux déboires conjugaux de ses parents. à tel point que sa mère, elle et les plus petits doivent quitter la maison. Leur situation financière se dégrade et ses études s’en ressentent.

«Je ne me rendais pas compte que je me laissais aller» à tel point qu’elle rate sa Form V . Elle se secoue en se disant : «Corinne si to pa sorti ladan, personn pa pou tir twa ladan.» Et sans rien dire à quiconque, elle se fait muter au DAV de Morcellement  St- André. «C’était la meilleure décision que j’ai prise car tout y était discipliné.» Un jour que le recteur fait une tournée en classe pour savoir qui a besoin d’aide sociale, Corinne hésite, ne sachant pas si elle se qualifie pour ladite aide. «J’avais honte de poser la question.»

Elle se rend tout de même au bureau du recteur pour en savoir plus. Il l’inscrit sur la liste du programme Sponsor A Child. C’est ainsi que chaque mois, elle bénéficie de  Rs 500 après l’évaluation de ses performances scolaires pendant ses trois dernières années au secondaire. Corinne réussit non seulement sa Form V  mais aussi sa Form VI et sort première de l’école.

Elle refuse la bourse d’études offerte dans une université indienne car ce qu’elle veut elle, c’est se spécialiser en éducation physique du fait qu’elle aime le sport et est une championne de basket-ball. Elle a d’ailleurs engrangé un nombre impressionnant de médailles. Pour pouvoir se payer ses études au MIE, elle trouve un emploi dans un centre d’appels. Ce qui lui permet d’entamer ses études au MIE. Mais la boîte ferme ses portes et elle est alors victime de  licenciement économique.

Ayant gardé contact avec les animatrices de Sponsor A Child, elle apprend que les études supérieures sont aussi prises en charge. C’est ainsi que ses frais de scolarité pour ses deux ans d’études menant à son diplôme d’éducation physique sont pris en charge par Sponsor A Child. «Les cours étaient 50 % théoriques et  50 % de terrain. Il fallait avoir les vêtements de rechange et de bonnes chaussures. Tout comme pour les devoirs de cours, il fallait dépenser pour faire relier les rapports. Tout cela avait un coût. J’ai pu le faire avec l’argent de Sponsor  A Child

MANQUE DE RÉACTION

À la fin de ses études, Corinne a pu effectuer deux remplacements courts dans une école privée du centre de l’île et se faire embaucher dans un autre collège privé au Nord où elle a travaillé pendant un an et demi. Elle a immédiatement identifié les élèves ayant besoin d’un coup de pouce comme elle en a bénéficié dans le passé. Elle a fait jouer ses relations pour leur procurer, ne serait-ce que des chaussures de sport. Le taux d’admission ayant chuté dans cette école en 2015, elle a été la première licenciée.

Depuis, Corinne cherche un emploi d’enseignante d’éducation physique qu’elle n’a toujours pas trouvé. Elle travaille dans le secteur informatique et gagne moitié moins que ce qu’elle percevait à l’école. «Je me croyais stabilisée. Lorsque j’ai été remerciée, j’étais abattue. C’est important de se réveiller le matin et d’aimer ce que l’on fait. Ce que je fais actuellement ne me passionne pas. Tout de même, je me dis que cela aurait pu être pire et que le meilleur m’attend sans doute plus devant.»

Elle est surprise par le manque de réaction de certaines personnes face à la misère d’autrui. «Quand dans une de mes classes au collège privé du Nord, je voyais des enfants manger et quelques autres pas, je savais exactement pourquoi. C’est parce qu’elles n’avaient rien à se mettre sous la dent. C’est fou comme il y a des gens qui passent dans la vie sans réaliser que certains n’ont pas. Ceux-là vivent dans une bulle. Je me sens proche des élèves dans le besoin. Je crois que si je n’avais pas vu la générosité des autres, de Sponsor A Child à mon égard pour que je m’en sorte, je n’aurais pu aider les filles comme je l’ai fait. Merci à Sponsor A Child…»