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Yogen Sundrun: de graphiste à messager de Daech
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Yogen Sundrun: de graphiste à messager de Daech
Qui est ce Mauricien parlant en kreol dans une vidéo de propagande de Daech ? La question était sur toutes les lèvres après l’article exclusif de l’express d’hier: Un Mauricien appelle à rejoindre Daech. L’enquête de la cellule anti-terroriste, initiée dans la matinée d’hier, mercredi 9 décembre a permis de remonter jusqu’à son père, un habitant de la capitale. En début de soirée d’hier, la National Security Services se trouvait au domicile de ce dernier dans une tentative de remonter jusqu’au fils, messager de Daech, qui avant de s’appeler Abu Shuaib Al Afriqi (comme mentionné dans la vidéo probablement tournée en Iraq), était pour l’état civil mauricien Yogen Sundrun, âgé dans les 35 ans (le père ne se souvient pas de l’année de naissance de son fils).
Sa mère biologique a quitté Maurice il y a longtemps pour s’installer en France. Son père s’est remarié peu après. Comment expliquer que son fils s’est converti à l’islam ? Le père ne s’en souvient plus. Un début de réponse toutefois du côté de celui qui l’a côtoyé à ses 15 ans : son ancien employeur, patron d’une imprimerie située non loin de chez lui. Ce dernier explique qu’il travaillait de temps en temps comme graphiste. «Je l’ai pris car il avait un certain talent pour ce travail.» Et l’ex-employeur raconte que c’est sous l’influence d’un ami que Yogen Sundrun se convertit à l’islam. Mais il continue à habiter chez son père.
Yogen Sundrun veut cependant voir plus grand. Il décide de se rendre en Angleterre et prend de l’emploi comme infirmier dans un hôpital pour enfants. C’est là-bas qu’il fait la connaissance de sa future femme, une Mauricienne également, originaire de Port-Louis. L’on ne saura pas plus sur celle-ci, si ce n’est qu’elle est issue d’une grande famille hindoue. Il se marie sans prévenir son père et le lui annonce simplement par téléphone.
«Son nouveau statut de radical l’empêche de traiter des photos de femmes et d’animaux.»
C’est à ce moment que le père commence à soupçonner que son fils s’est radicalisé. Les années passent et ce n’est que vers 2011 que le jeune homme décide de rentrer. Car il a découvert que l’Europe est un continent de débauche, comme il le dit dans la vidéo (qui peut être vue sur lexpress.mu). Il décide de tout vendre pour retourner au pays et s’y installer définitivement avec sa femme et ses cinq enfants.
C’est là que son père le voit pour la dernière fois. «Il habitait à Pailles dans une maison qu’il louait. Cela m’a fait mal car j’aurais voulu voir et jouer avec mes petits-enfants. Mais pendant son séjour, je ne l’ai vu qu’une fois», pleure le père. Selon lui, il habitait chez ces mêmes personnes qui sont à l’origine de la conversion de son fils.
Toutefois Yogen Sundrun finira aussi par en avoir marre de Maurice. Pourtant, ses beaux-parents, eux-mêmes, étaient disposés à l’aider. Ils lui avaient acheté une maison mais le jeune homme avait platement refusé le cadeau. Le business dans lequel ils étaient est considéré comme «haram» en Islam.
Yogen retourne même vers son ancien employeur pour travailler. Mais son nouveau statut de radical l’empêche de traiter des photos de femmes et d’animaux. Le marché du travail ne lui offre du coup pas beaucoup de possibilités. Et ne voulant pas non plus que ses cinq enfants subissent l’influence «haram» de ses beaux-parents, il repart en Angleterre la même année. Depuis, il a coupé tout contact. «Yogen inn lav lamé net ek so fami», confie un proche de la famille…
Que font les autorités mauriciennes ?
C’est la Counter terrorism Unit (CTU) qui enquête sur cette vidéo de Yogen Sundrun. Rattachée au National Security Service (NSS) et basée aux Casernes centrales, cette unité comporte 15 membres, sous la supervision du patron du NSS, l’assistant commissaire de police Lokhdev Hoolash. Ces policiers ont des profils variés (deux femmes font partie de l’équipe), certains anciens et d’autres moins, afin d’avoir une variété de compétences. Elle procède à une veille, reste en contact avec les autres cellules antiterroristes d’autres pays, échange des informations, surveille déjà une dizaine de personnes à Maurice, notamment.
Avec cette autre vidéo de celui qui se désigne comme Abu Shuaib Al Afriqi lançant le même type d’appel aux Sud-Africains (voir ci-contre), la CTU va certainement contacter ses homologues de ce pays.
D’autres dispositifs sont aussi mis en place pour assurer la sécurité et le contrôle au niveau de l’aéroport et du port. «Nous prenons cela très au sérieux. Non seulement le ministère mais aussi le gouvernement. Nous sommes contre la radicalisation et l’extrémisme et la vidéo de propagande qui se propage appelle à des mesures de sécurité. Cette prérogative revient au PMO et à la cellule antiterroriste», confie pour sa part le ministre des Affaires étrangères Étienne Sinatambou.
Abu Shuaib Al Afriqi n’en était pas à sa première vidéo
Outre la vidéo dévoilée par «l’express» hier, une autre le montrant tenant les mêmes propos a suscité le choc en Afrique du Sud. C’était en 2014. Dans cet enregistrement, il souhaite une joyeuse fête de l’Eid à tous les musulmans et exprime le souhait de les voir dans le Califat du Daech. Il s’exprime cette fois en anglais et tient sa fille dans ses bras. «This is my fifth daughter in the Khilafah, praise be God. Brothers and sisters, I don’t have the words to express myself about the happiness to be here…» Autour de lui, des enfants qui tiennent des armes au lieu de se tenir par la main.
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