Très en colère par l’amalgame qui est fait entre la «White Afternoon Party» et l’accident mortel de Beaux-Songes – qui a arraché la vie à six jeunes –, Popo Hazareesing, l’homme derrière les «events» qui attirent les jeunes, nous livre sa version des faits. Il s’inquiète de cette jeunesse qui consomme de plus en plus d’alcool à un âge précoce.

Cela semble vous mettre en colère qu’on fasse référence à la «White Afternoon Party» quand on parle du terrible accident de Beaux-Songes ?

Bien sûr ! Pourquoi associer ce tragique accident, qui s’est produit à 5 heures du matin, à la fête qui a fini à minuit trente ? Je ne comprends pas. C’est comme si je dois me justifier pour un acte dont je ne suis pas responsable. Si demain en sortant du boulot vous faites un accident, serait-ce votre employeur le responsable ?

Le fait que cet événement ait été mentionné dans un autre accident mortel l’an dernier…

Encore une fois, c’est un faux amalgame. J’en ai marre qu’à chaque fois on remonte jusqu’à moi pour donner l’impression que je suis responsable de chaque accident qui a lieu à Flic-en-Flac. Je refuse d’être le bouc émissaire de l’opinion publique. Dans ces deux cas que vous mentionnez, il s’est passé des heures entre la fin de la fête et les accidents. Où étaient les victimes entre-temps, qu’ont-elles fait ?

Mais c’est quoi exactement cette soirée ?

Bon, ce n’est pas une soirée à proprement parler. D’habitude, c’est organisé les dimanches…

En décembre ?

Allons dire 4-5 fois par an durant les périodes festives. Cela commence vers 15 heures pour finir vers minuit ou une heure du matin au plus tard.

D’aucuns disent que pendant cette fête, les clients consomment beaucoup d’alcool…

Je ne donne pas de boissons en cadeau ici ! Je pratique un prix de discothèque que les mineurs n’ont même pas les moyens de se payer. À Rs 150 une bière, pourquoi ils viendront ici ? Si c’est comme ça, faudrait interdire l’alcool, mais les autorités ne le feront pas. Ce sont nous, les opérateurs du business, qui subissons les conséquences.

Et ce genre d’événement requiert le même genre de permis qu’une discothèque ?

Pas du tout. La White Afternoon Party est organisée dans le complexe Oasis, qui a un permis de leisure pour organiser ce genre d’activité.

Vous avez aussi beaucoup de soutien sur votre page Facebook...

Oui, tout le monde nous soutient, surtout ceux qui étaient présents à l’événement. Ils savent qu’il n’y a aucun lien entre la fête et l’accident. C’est logique.

Néanmoins, cela reste un choc d’apprendre la mort de jeunes qui dansaient quelques heures auparavant chez vous, n’est-ce pas ?

Écoutez, c’est vraiment triste ce qui s’est passé, surtout qu’ils étaient jeunes. Je présente mes sincères condoléances à la famille. Mais c’est un accident comme tous les autres accidents. Je pense que la police fait son travail, à sensibiliser les gens à ne pas boire et conduire, mais elle peut mieux faire.

Mais où commence et où s’arrête la responsabilité d’un organisateur de soirées ?

Nous avons un bar, pas un open bar où n’importe qui peut venir boire à gogo. Il y a un prix de vente. Si une personne sait qu’elle va conduire, elle prend un ou deux verres et non pas se saouler pour ne plus avoir de contrôle après. Souvent, quand on s’aperçoit que quelqu’un est déjà ivre, les barmen arrêtent de le servir. Cependant, quand ils sont en groupe, un ami va venir prendre des boissons au bar pour l’autre qui est ivre. On ne peut rien faire à notre niveau pour contrôler la consommation d’alcool des clients.

Et une fois que les clients sont hors de l’établissement, vous ne pouvez rien faire ?

Justement, je ne peux rien faire. Moi, je m’assure que la fête se termine à une heure précise, la sécurité se charge de faire sortir les gens sans trop de bruit. La sécurité est assurée sur les lieux mais pas sur la route car ce n’est pas de notre ressort.

Pour revenir à la «White Afternoon Party», pourquoi organiser des événements en journée ? Est-ce parce que les jeunes ne peuvent pas sortir le soir ?

Non ! Écoutez, la première édition a été organisée en 2010 pour essayer un nouveau concept. C’est en plein air, il y a de la mousse, de la musique underground et de l’electronic dance music. C’est différent d’une boîte de nuit où l’on reste enfermé jusqu’aux petites heures du matin.

Mais vous visez quelle clientèle pour ce genre d’événement ?

Bon, des jeunes de 18 ans à monter. Mais comme vous le savez, rien dans la loi n’oblige une personne à montrer sa carte d’identité pour accéder à un endroit. Admettons que j’ai des doutes sur l’âge d’une personne, je demande sa carte d’identité. Mais aujourd’hui des mineurs paraissent avoir dans les 24 ans. D’où le besoin d’être vigilant, ce que nous faisons.

Vous pensez que le concept de Bob marche à Maurice ?

Ce n’est pas un concept qui est né hier, 20 ans de cela ça existait déjà. Mais ici, même le Bob boit. Imaginez-vous, les Mauriciens sortent en groupe pour faire la fête, il faut que tout le monde entre dans le mood, boit au moins quelques verres. Ce n’est pas intéressant pour le Bob de venir et de ne prendre qu’une boisson gazeuse ou un jus. J’ai vu comment les Mauriciens s’amusent en boîte et pour moi cette formule de Bob n’est pas la solution.

Quelle serait la solution idéale alors ?

Ce serait plus de contrôle sur la route, le permis à points était une bonne initiative qui décourageait l’alcool au volant. Mais on l’a supprimé.

Donc, c’est aux autorités policières d’y mettre un frein ?

Exactement ! Parce qu’une fois que les gens quittent l’établissement, ils ne sont plus sous notre responsabilité. C’est la police qui prend la relève sur la route. Bon, eux aussi je les comprends, ils font un gros travail. Mais comment arriver à une solution efficace, je ne sais pas.

Au niveau des réglementations, comment cela se passe-t-il ?

Pour organiser une fête dans un endroit autre qu’une discothèque, on a besoin d’un occasional license, délivré par le conseil de district ou une mairie. Pour obtenir ce permis, il y a plusieurs clearances des services essentiels. Pourtant, il y en a beaucoup qui organisent des fêtes sans permis.

Et il y a eu des sanctions contre eux ?

Ben non. Cela continue de plus belle. Sur la plage de Flic-en-Flac, il y a eu plusieurs fêtes, en face du poste de police, avec de la musique jusqu’au alentours de 5 heures du matin.

Par rapport aux accidents, est-ce qu’il y a eu une baisse du nombre de jeunes venant à la «White Afternoon Party» comparativement aux années précédentes ?

Non, au contraire il y a plus de monde.

Sinon, comment allez-vous finir l’année ?

Aujourd’hui (NdlR : jeudi) la discothèque Shotz (NdlR : qui se trouve dans le complexe Oasis) va ouvrir jusqu’à samedi, pareil la semaine prochaine. Là, c’est la saison haute, tout le monde fait la fête. Ensuite, on entre dans les temps normaux.

Quel est votre constat d’année en année ?

On a surtout une clientèle qui boit de plus en plus et elle est de plus en plus jeune.

Quid de la circulation des drogues ?

Je suis au courant qu’il y a un problème de drogue mais ici, à notre niveau, on n’a pas eu de souci. D’ailleurs, on ne peut même pas fumer à l’intérieur.

Vous prenez des mesures de sécurité additionnelles pour la période des fêtes ?

Disons que tout dépend des soirées. Si on attend beaucoup plus de monde, on renforce la sécurité. Parfois, on prend même des policiers qui viennent on extra duty.

Quelle est la durée de vie d’une discothèque à Maurice ?

Pour moi, ce serait de deux à trois ans, pas plus que ça. Après, il faut une nouvelle adresse, aller vers un autre endroit, créer le buzz.

Les réseaux sociaux rendent votre travail plus facile pour communiquer sur vos soirées ?

Facebook est un outil assez intéressant pour communiquer car avant il fallait faire des flyers, ou envoyer des SMS. Là, c’est beaucoup plus facile.

En tant que président de l’Association des boîtes de nuit, quels sont vos projets pour 2016 ?

Nous, au niveau de l’association, sommes une quinzaine de boîtes ayant des permis en bonne et due forme. Mais il y a aussi des organisations, avec un permis de restaurant, qui font du clubbing jusqu’à environ 5 heures du matin. Nous souhaiterions que ces gens-là aillent vers les autorités, respectent les guidelines de la Tourism Authority et demandent une licence pour pouvoir opérer correctement. Et par la suite rejoignent notre association.

Combien d’organisations illégales dénombrez-vous ?

Elles sont environ trois fois plus nombreuses que les opérateurs légaux,soit 45 à 50 organisations illégales.

*Le concept Bob consiste à désigner quelqu’un dans un groupe lors d’une soirée afin que ce dernier ne consomme pas d’alcool et puisse reconduire les autres à leur domicile.