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Jane Ragoo: «Plus rien de Lepep dans ce gouvernement!»
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Jane Ragoo: «Plus rien de Lepep dans ce gouvernement!»
La «farce» du comité tripartite pour décider de la compensation salariale est une pilule amère à avaler pour la syndicaliste. Ainsi que les tergiversations autour du salaire minimum. Selon Jane Ragoo, elle a «trop fait confiance» au gouvernement.
Vous avez versé des larmes suivant l’annonce de la compensation salariale de Rs 150… Pourquoi ?
Il y a trois raisons principales. Je pensais que ce nouveau gouvernement avait «set the direction» avec la compensation de Rs 600 de janvier 2015. Deuxième, la réunion du comité tripartite était très positive ; le ministre avait dit que nous étions une seule famille, cela m’avait donné de l’espoir. Je venais également de rencontrer un groupe de travailleurs qui touchent Rs 1 500 par mois. J’étais persuadée que leurs prières aboutiraient à quelque chose de bien.
Vous vous attendiez à combien ?
Nous avions proposé Rs 500 comme compensation pour tout travailleur, mais Rs 700 pour ceux qui touchent moins de Rs 8 500. Le ministre des Finances n’a dit ni oui ni non. Son «body language» était toujours positif, si bien que j’ai dit à mon collègue Reaz Chuttoo que nous n’obtiendrions pas Rs 500 mais peut-être Rs 450. Lui penchait pour Rs 300.
L’ambiance était quand même conviviale lors des tripartites…
Exactement ! Cela s’est passé très vite. Nous nous rencontrons jeudi, on devait se revoir après une semaine, on nous appelle le jour même, on nous dit que, le lendemain, le Conseil des ministres se réunit et qu’à ce moment, nous connaîtrons le montant de la compensation.
Cette rapidité ne vous a pas étonnée ?
Au contraire, quand le ministre a dit «pas de négociation, chiffre final», je pensais qu’il avait fait un gros effort. Lorsqu’il annonce Rs 150, moi j’entends Rs 450. Il dit alors «one five zero» et je sens mon coeur se serrer… Je dis à Reaz Chuttoo qu’on ne va pas rester pour se faire humilier. Reaz répond qu’il va dire au ministre ses quatre vérités. Dès que Reaz finit de parler, on sort. Je sais que si je reste, je vais craquer.
En tant que syndicaliste, c’était la première fois que vous pleuriez en public ?
C’était la première fois car je faisais trop fait confiance à ce gouvernement. Au ministre des Finances, à son conseiller spécial.
Là, les caméras surprennent vos larmes…
Oui, les journalistes nous ont suivis. Je ne savais plus quoi dire à ces gens qui nous attendaient. Et la veille, j’avais parlé au ministre concernant les cinq cents dames cleaners qui reçoivent un salaire mensuel de seulement Rs 1 500. Je lui avais dit que ces dames-là n’allaient recevoir ni la compensation, ni le boni de fin d’année. Il m’a demandé : «Cela existe ?» Pourtant, on a envoyé des lettres à chacun des soixante-dix parlementaires.
Que ressentiez-vous à ce moment-là, de la déception ou de la trahison ?
J’avais surtout beaucoup de chagrin. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir dire à ces dames ? C’était leur sort qui m’importait le plus à ce moment-là. Elles nous ont fait confiance, elles ont parlé à visage découvert dans les journaux de leur condition : pas de congé, l’argent est déduit, pas de compensation… Heureusement que le ministre a demandé une réunion le lundi suivant pour régulariser leur situation.
Donc, vos larmes n’auront pas coulé dans le vide.
Toute l’équipe de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) soutenait ces dames. Reaz a aussi abattu un travail énorme. Lorsque le ministère de l’Éducation a déclaré que ces dames étaient employées sous contrat et qu’il n’était donc pas nécessaire de régulariser leur situation, c’est Reaz qui a dénoncé cette attitude, en brandissant ce qui est stipulé dans la Constitution.
Le gouvernement ne respecte donc pas la loi ?
Non, il s’en lavait les mains. Mais on leur a montré que ce salaire-là était en contradiction avec la loi, le Cleaning Remuneration Order. Et c’est là qu’on promet de ramener le salaire de ces dames à Rs 8 500. Mais là, ce n’est qu’un groupe.
Il faudra donc impérativement établir le salaire minimum?
Oui. Il faudra d’abord introduire le salaire minimum et la compensation basée sur l’inflation sera normalisée, sans répéter la farce de 2015. Ce gouvernement Lepep n’en est plus un. D’ailleurs, je ne l’appelle plus gouvernement Lepep mais le gouvernement, tout court.
Quel est votre prochain combat ?
S’assurer que les travailleurs de la zone franche perçoivent un salaire adéquat.
Ils sont à combien ?
Il y a environ 60 000 travailleurs, des factory workers, machinistes, factory operators, cleaners qui touchent actuellement un salaire de base de Rs 4 900.
Selon vous, quel devrait être le montant du salaire minimum ?
À tout casser, le salaire minimum devrait tourner autour de Rs 8 500. Un salaire de Rs 1 500 ou de Rs 4 900, c’est largement dépassé. Et quand on prend le ratio de salaire d’un Chief Executive Officer et d’un employé au bas de l’échelle, cela devrait être de 20 à 1. Mais aujourd’hui, ce ratio est de à 50 à 1.
«À TOUT CASSER, LE SALAIRE MINIMUM DEVRAIT TOURNER AUTOUR DE RS 8 500.»
Comment proposez-vous de faire cela ?
C’est trop facile de dire qu’on ne peut pas. Les solutions existent. La CTSP a déjà fait plusieurs propositions au ministre des Finances. Le gouvernement peut augmenter le salaire d’un employé au bas de l’échelle. C’est simplement un manque de volonté politique.
Y a-t-il eu un ministre en particulier qui a contribué à faire avancer la concrétisation du salaire minimum ?
Sous l’ancien gouvernement, Shakeel Mohamed avait, en septembre 2014, fait venir un expert de l’International Labour Organization. Malheureusement, la recommandation finale de ce dernier était que ce serait au patronat et aux syndicats de décider du montant…
Le salaire minimum est une promesse électorale de l’alliance Lepep…
Quand le gouvernement est arrivé au pouvoir, il n’a rien proposé. En novembre 2013, Xavier-Luc Duval, qui est toujours au gouvernement, avait dit, lors d’un comité tripartite, que la loi serait amendée. Que cela concernerait tous les secteurs dans lesquels les employés touchent moins de Rs 6 500, que le salaire serait augmenté. Mais rien jusqu’ici.
D’où viendraient les fonds pour augmenter les salaires ?
Nous avons les moyens ! Par exemple, les 2 % du Corporate Social Responsibility, le gouvernement les a retournés au patronat. On aurait pu redistribuer ces sous. Il faut simplement avoir de la volonté politique.
La CTSP possède un beau bâtiment de trois étages…
À l’époque, nous avions contracté un emprunt auprès de la Banque de développement pour acheter ce terrain et le bâtiment de quatre chambres qui s’y trouvait. Ensuite pour agrandir le bâtiment, des travailleurs ont contribué en one-off Rs 500 chacun et sont ainsi devenus des actionnaires. Le bâtiment comprend une salle de conférences, une computer room et une salle pour les réceptions.
Et vous louez cette salle ?
Oui. Les actionnaires ne paient qu’environ Rs 2 000 pour tout ce qui est sonorisation et autres. Mais on loue aussi aux particuliers à pas plus de Rs 10 000. La salle peut accueillir jusqu’à 300 personnes.
C’est un bon modèle pour les syndicats alors !
Il ne nous reste plus que trois ans et notre emprunt sera remboursé. Les différents gouvernements nous avaient maintes fois promis un terrain, mais nous avons pu nous débrouiller sans eux. C’est pourquoi le bâtiment est inauguré par «enn travayer». Nous espérons que, dès 2016, nous pourrons faire pareil à Rodrigues pour nos membres de là-bas.
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