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Elle a survécu à un cancer: Delphine ou la fureur de vivre

31 janvier 2016, 16:15

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Elle a survécu à un cancer: Delphine ou la fureur de vivre

Elle a frôlé la mort. Et pourtant, Delphine Ahnee, 43 ans, Head of Legal, Risk & Customer Care à la Mauritius Union, se dit «chanceuse» et célèbre la vie. «Cette sale maladie m’a apporté plus qu’elle ne m’a pris.» Elle est la dernière personne à qui l’on aurait pensé que cela arriverait, tant elle menait une vie saine. «J’ai toujours été rigoureuse en termes de bilans de santé réguliers, de style de vie sain avec deux séances hebdomadaires de gym au moins et une alimentation saine et équilibrée.»

Il est vrai qu’être manager des réclamations à la Prudence ne vient pas sans son lot de stress et que la fusion entre cette boîte et la Mauritius Union en 2010, de même que sa séparation, en ont rajouté une couche. À l’époque, quatre de ses collègues femmes, des trentenaires pour la plupart, présentent les symptômes du cancer du sein. Elle est confrontée à de nombreux cas similaires, s’agissant des réclamations médicales. Elle n’avait que 38 ans et la mammographie était conseillée alors aux femmes de plus de 45 ans. Mais pour se rassurer, Delphine insiste auprès de son gynécologue pour se prêter à cet examen en janvier 2011. Le résultat de sa «mammo» est clair.

«C’est comme si l’on vous mettait sur une autoroute à cinq voies sans passerelle avec pour consigne de la traverser.»

Trois mois plus tard, elle découvre une grosseur de la taille d’un petit pois dur dans son sein gauche. Pensant que c’est bénin, son médecin lui prescrit une crème censée faire fondre ce qu’il considère un kyste. Or, un mois après, la grosseur n’a pas bougé d’un poil. L’échographie subséquente ne donne rien. Pour la rassurer, son chirurgien effectue un prélèvement qu’il fait analyser. Le 27 mai 2011, le temps se fige, le sol se dérobe sous ses pieds et sa vie bascule lorsqu’elle l’entend prononcer ces mots: «Mon coco, ce n’est pas bon. C’est un cancer.» Elle se voit morte. «C’est comme si l’on vous mettait sur une autoroute à cinq voies sans passerelle avec pour consigne de la traverser.»

Toute son énergie est drainée jusqu’à ce que l’image de ses enfants, Théo et Naomi, se matérialise dans sa tête. «En l’espace d’une minute, il y a eu un mouvement de bascule. J’ai eu un regain d’énergie qui me surprend encore aujourd’hui.» Le chirurgien est décontenancé par son sang-froid tant elle pose des questions à propos de son pronostic vital, de la probabilité qu’une mastectomie – ablation du sein –, augmente ses chances de survie et les traitements envisagés.

«Ça te permet de te recentrer et te fait prendre conscience de ce qui est important, ce qui compte vraiment dans ta vie. Ma famille et amis proches ont immédiatement formé une fantastique chaîne d’énergie positive autour de moi.»

Sa mère, qui l’attend à la sortie du cabinet médical, accuse le coup. Mais elle suit la même logique de battante que sa fille. S’ensuit une batterie d’analyses et de consultations avec divers spécialistes qu’elle connaît pour avoir évolué dans le monde des assurances. Autre étape très dure : trouver les mots qu’il faut pour l’annoncer à ses enfants de neuf et sept ans. Et les rassurer. «Ils ont tout de suite compris que c’était d’eux que je puisais la force pour me battre.»

Elle subit alors six chimiothérapies qui sont particulièrement éprouvantes. Elle perd ses cheveux dès la première perfusion et elle a l’impression de se liquéfier. Très vite, ses veines sont si abîmées qu’il faut lui poser un cathéter implantable dans la poitrine pour pouvoir continuer les traitements. Place ensuite à l’ablation du sein, suivie de séances de radiothérapie à La Réunion. Malgré tout cela, elle parle de «sa chance. Ça te permet de te recentrer et te fait prendre conscience de ce qui est important, ce qui compte vraiment dans ta vie. Ma famille et amis proches ont immédiatement formé une fantastique chaîne d’énergie positive autour de moi. Les jours où j’allais en traitement, ce sont les tintements de leurs textos qui m’aidaient à garder courage. C’est une chance d’être une survivante car j’ai vu de jeunes patientes mourir du cancer. Il m’est arrivé de débarquer pour mon traitement et de constater que le fauteuil habituellement occupé par une jeune femme en chimio était vide…»

«Chance»

Comme son cancer n’est pas tributaire des hormones, elle est placée sous Herceptine pendant un an, Traitement efficace mais très onéreux, dont le coût s’élève à Rs 1,8 million. «À cause du montant des traitements médicaux, un plan d’assurance santé d’au moins Rs 3 millions est essentiel aujourd’hui.» Delphine évoque sa «chance», aussi, d’avoir eu une bonne assurance et d’avoir tenu le coup physiquement. «Sans la médecine, on n’est rien. J’ai un grand respect pour les spécialistes que j’ai consultés et leurs équipes. Ma vie était entre leurs mains. C’est pour cela qu’aujourd’hui, je considère qu’être médecin est le plus beau métier.» L’autre élément de «chance» dans sa vie, estime-t-elle, est «d’avoir eu un employeur et des collègues qui m’ont soutenue à 100 %».

C’est progressivement qu’elle parvient à regarder la cicatrice qui lézarde son buste. «Je me suis sentie comme une amazone et cette cicatrice correspondait à ma victoire sur le cancer.» Elle termine son traitement en 2012. Pour vaincre l’angoisse de la récidive et pour ne pas vivre au rythme des bilans sanguins, elle pratique du yoga et médite. Sur les conseils de son gynécologue, qui est persuadé qu’il y a un lien direct entre le cancer et les pesticides, elle ne consomme plus que des légumes surgelés ou cultivés biologiquement. Elle se documente sur le sujet. «C’est une question de santé publique. Les Mauriciens ont le droit de manger des légumes sains et dépourvus de surdosage de pesticides. Les normes du Food Act datant de 1999 doivent être revues urgemment !»

«L’espoir est là, il faut y croire !J’ai eu cinq ans de bonus sur la vie.»

Delphine est membre de Link to Life et soutient d’autres femmes atteintes du cancer, par le biais du programme Reach to Recovery. Elle a rejoint un groupe de réflexion sur le sujet des pesticides dans l’alimentation. D’ailleurs, une cellule active en émanera bientôt officiellement pour du lobbying et des actions concrètes.

Et puis, alors qu’elle n’y croyait plus vraiment, elle a rencontré l’amour «au détour d’un poème» et malgré ses appréhensions, il n’a pas pris ses jambes à son cou lorsqu’elle lui a appris la vérité. C’est uniquement pour avoir le sentiment d’être une «femme complète», qu’après cinq ans, elle envisage une reconstruction mammaire. «Mais ce n’est pas une priorité.»

Le 27 mai prochain marquera ses cinq ans de rémission. Elle la dédie à ceux qui luttent contre le cancer: «L’espoir est là, il faut y croire ! J’ai eu cinq ans de bonus sur la vie. Il est vrai que l’on n’en sort pas indemne. On conserve une certaine brisure en soi, mais toutes proportions gardées, on en sort meilleure…»