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Éducation: le HSC dépassé?
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Éducation: le HSC dépassé?
Un siècle. 100 ans depuis que le Higher School Certificate (HSC) représente le Graal pour ceux qui complètent le cycle secondaire à Maurice. Et vendredi, la «tradition» a été respectée. Les résultats ont été proclamés, analysés, décortiqués, les lauréats ont été plébiscités. Mais que vaut vraiment le HSC aujourd’hui, surtout pour ceux qui n’ont pas brillé ? À quoi peuvent aspirer ceux qui n’ont ce certificat en poche ? Quelles sont les lacunes de cet examen ? Quelles sont les alternatives ? Tour d’horizon.
Le niveau
Un constat : le taux de réussite aux examens du HSC est de 75,31 % cette année. Alors qu’en 2012, il était de 79,14 %.
Sans vouloir insinuer qu’il y a là une relation de cause à effet, dans les milieux concernés, d’aucuns parlent d’une perception selon laquelle le niveau est «allégé» d’année en année. Est-ce vrai ? Interrogés à ce propos, des enseignants de collèges d’État soulignent que le niveau d’un questionnaire de mathématiques ou de GP n’est pas le même d’il y a quelques décennies. «La ‘valeur’ d’un HSC n’est plus le même qu’il y a 40 ans. Très peu d’élèves obtenaient ce certificat autrefois. Quand quelqu’un réussissait dans un village, une fête était organisée pour célébrer ça», fait ressortir Surendra Bissoondoyal, ancien directeur du Mauritius Examinations Syndicate (MES) et actuel Chairman de la Tertiary Education Commission (TEC). Attention, prévient-il, cela ne veut pas forcément dire que le niveau est en baisse. Un avis que partage Lucien Finette, ancien directeur du MES, qui avance que la qualité du HSC est restée la même.
Cependant, Faizal Jeeroburkhan, consultant en pédagogie, qui compte une longue carrière au sein du Mauritius Institute of Education (MIE), a un tout autre avis. Pour lui, ce n’est pas uniquement le HSC mais le niveau de tous les examens, le CPE et le SC, entre autres, qui est en baisse. «Le HSC a gardé le même format alors qu’il y a eu des changements socio-économiques dans le pays. Même après le HSC, il y a des gens qui n’arrivent pas à écrire correctement», déplore-t-il.
Dépassé ?
Qu’en est-il des élèves qui ne sont pas doués pour les études académiques? Ont-ils leur place dans le système ? Faizal Jeeroburkhan est catégorique. «Non, il y a d’ailleurs 25 % d’échecs chaque année. Ces élèves qui échouent sont certainement très doués dans d’autres domaines. Le HSC ne prend pas en considération les talents des sportifs ou musiciens, notamment. » Et d’ajouter que le HSC fait que ceux qui échouent sont mis à l’écart et sont incapables de participer au développement du pays.
Quant à Surendra Bissoondoyal, il estime que Maurice devrait imiter des pays tels que Singapour, qui canalise les élèves très tôt vers des filières polytechniques. «40% de la population estudiantine à Singapour s’y trouve.» D’autre part, concède-t-il, le HSC est surtout basé sur la capacité qu’ont les élèves à mémoriser les leçons apprises par coeur.
«Le HSC n’encourage pas le critical thinking», avance-t-il.
Point que rejoint Lucien Finette. Qui est d’avis que le HSC est complètement dépassé et qu’il n’a plus sa raison d’être. «Le HSC manque de flexibilité. On a une certainerigueur uniquement pour satisfaire le concours des lauréats. Il y a beaucoup de contraintes qui sont inutiles maintenant !»
Les alternatives
L’État devrait-il revoir le système ? Par quoi pourrait-on le remplacer ? Le HSC Pro semble être un début mais il n’y a pas de bourse d’études à la clé…
Toujours est-il que «Maurice n’a connu que ça. Il est l’heure de sortir de ce cadre», martèle Lucien Finette.Cependant, rompre avec le HSC neveut pas nécessairement dire rompreavec Cambridge, qui offre d’autrespossibilités, comme le GCE A Level,les Cambridge International Examinations(voir encadré) ou encorel’International General Certificateof Secondary Education.
Faizal Jeeroburkhan suggère quant à lui que l’International Baccalaureate (IB) serait également une bonne alternative. «Il est grand temps que Maurice sorte des sentiers battus et élimine un système élitiste qui ne bénéficie qu’à un petit groupe», lâche-t-il.
Un avis que ne partage guère Surendra Bissoondoyal, qui pense que le HSC a toujours sa place au sein du système éducatif. «Le HSC se situe entre l’IB et le GCE. Il n’est pas aussi complet que l’IB et moins facile que le GCE.» Selon SurendraBissoondoyal, il faut créer des passerelles qui permettent aux élèves qui possèdent d’autres talents de les développer. Il faudrait également intégrer les polytechniques dans le système. «Si l’on va vers l’IB par exemple, cela coûtera deux à trois fois plus cher que le HSC. Sans compter les structures que l’on devrait mettre en place.»
Salaires : entre Rs 8 000 et Rs 14 000
Quel est le montant du salaire auquel peut aspirer celui ou celle qui a seulement un HSC en poche ? Ce certificat permet-il, encore, aujourd’hui, de trouver un travail qui répond aux aspirations du postulant, tout en sachant que les chômeurs diplômés sont légion ?
Oui, répond Joël Cléopâtre, d’Adecco Mauritius, spécialisée dans le recrutement. Et le type d’emploi, de même que le salaire, dépend de la filière choisie par le collégien à la base. Le salaire est quant à lui tributaire des plafonds fixés par les compagnies et entreprises, mais la moyenne pour un détenteur de HSC varie entre Rs 8 000 et Rs 14 000 (salaire de base).
Les élèves ayant opté pour la comptabilité, par exemple, et qui ont obtenu de très bons résultats, dont des «A», peuvent postuler pour un job dans un cabinet d’audit, notamment. «Les banques recrutent également ceux qui ont uniquement un HSC mais il faut que les résultats soient excellents.»
Ceux qui ont choisi la filière scientifique peuvent, pour leur part, trouver de l’emploi dans le domaine pharmaceutique. «Cette industrie recherche souvent des administrative clerks. Pour cela, il faut que les postulants aient une notion scientifique de base.»
Quid de ceux qui optent pour les langues ? Les choses se corsent quelque peu à ce niveau, affirme Joël Cléopâtre. «Si l’on a seulement un HSC, il faut que les résultats soient très, très bons. Les jeunes peuvent alors se tourner vers des compagnies qui font du copy editing, par exemple.» Il est toutefois plus difficile pour les élèves qui ont misé sur la filière technique de trouver la perle – ou dans ce cas le travail – rare…
D’accord mais que deviennent ceux qui n’ont pas eu de «A» ? Ceux qui n’ont pas forcément eu des résultats «brillantissimes» ? Ils peuvent se rabattre, entre autres, sur les postes disponibles dans le secteur BPO. «L’on y propose de bons salaires de base et cela permet aux jeunes de développer leurs techniques de communication et de vente, ce qui peut, par la suite, les amener à travailler dans le secteur commercial.»
Et sinon, le HSC a-t-il encore de la «valeur» de nos jours ? «Oui, pour être admis dans de bonnes universités ! Le HSC ne pèse pas lourd, tout comme un diplôme d’ailleurs, a bien y regarder. Les jeunes doivent poursuivre leurs études et même s’ils n’ont pas de bons résultats pour le HSC, les portes ne sont pas fermées. Ils peuvent passer par des foundation courses proposées par des institutions tertiaires. Il y a aussi les écoles polytechniques qui proposent de belles choses», affirme Joël Cléopâtre.
Et puis, à coeur vaillant, rien d’impossible. Sans parler du talent. Mais, ça, c’est un autre débat.
Zoom sur…Hamza Gungadoo
Il obtient trois «A+» en restant à la maison…
Plus de 10 000 élèves ont pris part aux examens du HSC. La plupart d’entre eux sont allés au collège, d’autres ont concouru à titre privé. Hamza Gungadoo, lui, n’est jamais allé à l’école. Ce qui ne l’a pas empêché de décrocher six unités pour le SC. Et aux derniers examens du HSC ? Trois A+ dans les matières principales et deux A pour les matières subsidiaires… Rencontre.
Le home schooling, c’est la seule méthode d’apprentissage qu’a connue Hamza, 18 ans. L’éducation «fait maison» s’est imposée à lui tout naturellement. Petite précision tout de même : papa et maman sont tous deux lauréats. Et toute la famille est adepte du home schooling.
Son père, lecturer en Arabie saoudite, a élu domicile temporairement dans ce pays. Hamza partage ainsi son temps entre Maurice et le pays d’adoption de son papa, d’où le choix de cette méthode d’apprentissage plus adaptée à sa situation.
Le secret de sa réussite ? Une volonté farouche. Et une passion pour les mathématiques, la chimie et la biologie, matières pour lesquelles il a opté. Comment se passe le home schooling ? L’adolescent, issu des faubourgs de la capitale, explique que cela n’a rien de bien compliqué. «J’utilise les manuels recommandés par le ministère de l’Éducation et j’apprends les choses par moi. Pour les chapitres difficiles, j’utilise Internet. Il existe des sites spécialisés pour les étudiants.»
Sa maman, qui ne travaille pas, l’aide aussi dans les sujets qu’elle maîtrise. Et, le seul moment où il lui a fallu être en contact avec les enseignants, c’était pour les exercices pratiques. «Pour la physique et la chimie, il est impossible de réaliser les expériences à la maison. » Il s’y attelait donc lors de ses passages à Maurice.
Autre ingrédient très important si l’on veut bien travailler : la détente. «Il est primordial de trouver un juste équilibre entre les études et la vie sociale, peu importe si vous êtes au collège ou pas. Lorsque je suis à Maurice, je trouve toujours le moyen de faire des parties de foot avec mes cousins, même si l’on est en période d’examens.»
Son HSC en poche, Hamza compte désormais intégrer une école spécialisée. Son but : devenir médecin ou dentiste. «Mais il est clair qu’à partir de maintenant, il n’est plus question de home schooling. Je vais devoir intégrer une université !»
Only in Mauritius….
Maurice est le seul pays où le HSC existe toujours. Cela, alors qu’il a été aboli au Royaume-Uni en 1951… Dix autres pays, dont les Seychelles, le Pakistan, le Népal, l’Inde et la Malaisie, ont eux, recours à la formule «A Level» uniquement, appelée Cambridge International Examinations. La différence entre les deux programmes ? C’est que les examens du HSC – basés, certes, sur l’obtention des «A Level» – permettent de désigner des lauréats… Pour pouvoir concourir, les élèves doivent être inscrits dans un collège pendant deux années et choisir au moins cinq matières, parmi d’autres critères.
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