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Philippe Hao Thyn Voon: « Mon souhait est que Maurice remporte les JIOI de 2019»

16 février 2016, 05:20

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Philippe Hao Thyn Voon: « Mon souhait est que Maurice remporte les JIOI de 2019»

 

Avec la tenue au Gold Crest mercredi et jeudi de la réunion du Conseil international des Jeux des îles (CIJ), les grandes manœuvres débutent en vue de l’organisation des 10es Jeux des îles de l’océan Indien à Maurice en 2019. C’est l’occasion de revenir avec Philippe Hao Thyn Voon, président du CIJ pour quelques heures encore, sur le passé et l’avenir des « Jeux Olympiques » de la région. Un passé et un avenir toujours mouvementés à l’instar de l’épisode Comores qui n’est pas vraiment terminé. 

 

Le temps a passé très vite. Selon la Charte des Jeux, le CIJ doit se réunir six mois après la tenue des derniers Jeux pour commencer à préparer la prochaine édition. Le moment est déjà venu de tenir cette réunion … 

En effet, elle a lieu les 17 et 18 février au Gold Crest.

 

Est-ce à cette occasion que vous passerez le relais à votre successeur ?

Oui, c’est tout naturel vu que je suis Mauricien et que les prochains Jeux ont lieu ici à Maurice. La Charte est claire à ce sujet, je dois passer le témoin.

 

Avec le sentiment du devoir accompli ?

Oui, je passe le relais avec beaucoup de satisfaction. J’ai accompli beaucoup de choses. Il faut poursuivre les changements à la Charte des Jeux. Au vu des problèmes survenus, des manquements notés durant les derniers Jeux, nous ne pouvons continuer ainsi. Autrement, les problèmes ressurgiront à chaque édition des  Jeux. Nous devons refaire la Charte.

J’ai sauvé les derniers Jeux à plusieurs reprises malgré le retrait des Comores. Il y a eu beaucoup de petits incidents, certains pays voulaient se retirer. J’ai été au four et au moulin afin que les dérapages soient évités et que les Jeux soient bien organisés. 

 

Comment se sont déroulées ces quatre années à la tête du CIJ ?

Le CIJ fonctionne vraiment à l’approche des Jeux, sur une période d’un an et demi. Il y a des réunions pour tout finaliser. Le véritable travail commence alors. Le CIJ ne dispose d’aucuns fonds. 

 

Etre président du CIJ, ce n’est pas une sinécure ?

Il n’y a rien de difficile. Si le président connaît ses dossiers, s’il peut compter sur un bon COJI, s’il a une bonne équipe, tout se passe bien.

 

Quels ont été les temps forts de votre mandat ?

Avant les Jeux de La Réunion, j’avais prévu les problèmes qui allaient surgir entre Mayotte et les Comores. Mon plus grand souci était que Mayotte ne fasse pas de manifestation en cas de podium ou lors de l’ouverture, car avec le soutien de la France, elle veut devenir membre à part entière des Jeux.

 

J’ai évoqué le cas Mayotte avec le COJI. J’ai insisté pour que Mayotte marche derrière La Réunion lors du défilé sous le drapeau français. C’est là où le bât blesse. La Réunion, en tant que pays organisateur, a insisté aussi lors de la réunion du CIJ. Je savais qu’il y avait des problèmes en vue. Je me suis entretenu avec les Comores. Je me suis rassuré qu’il n’y aurait aucun problème.

 

Mais à la surprise générale, les Comores se sont retirées des Jeux lors de la cérémonie d’ouverture. J’ai parlé aux responsables comoriens, je leur ai dit de rester mais ils ont dit non, ils ont préféré se retirer. Il fallait savoir alors comment manœuvrer. J’étais le capitaine, le bateau était dans une tempête, à partir de là, le comité s’est réuni tous les jours. Tous les problèmes ont été mis à plat : tel athlète qui avait déjà représenté un autre pays, problème de licence ou de nationalité. Nous avons beaucoup discuté.

 

Quels ont été vos plus grandes satisfactions ?

D’avoir pu faire en sorte que les Jeux se poursuivent jusqu’à leur terme. Il s’en est fallu de peu pour que cela ne se réalise pas. Madagascar voulait se retirer aussi. Il avait annoncé qu’il se retirait.  

 

Et vos déceptions ?

Je n’ai aucune déception. Mais cela m’a fait mal que nous ayons été obligés de prendre une décision relative aux hymnes nationaux et à la levée des drapeaux. Nous avons pris cette décision à contrecoeur. Il fallait le faire pour l’avenir des Jeux. Nous avons demandé à l’assemblée d’accepter cela pour éviter une catastrophe. Les pays allaient se retirer si l’hymne national français était joué quand Mayotte enlevait une médaille d’or. La Réunion avait insisté pour que la Marseillaise soit jouée et le drapeau français levé. Cela aurait été une entorse très grave à la Charte car elle dit que c’est l’hymne des Jeux qui doit être joué quand Mayotte a une médaille d’or.

 

Le jour où devait se tenir une épreuve d’athlétisme dans laquelle un Mahorais était assuré d’une médaille d’or, nous avons tenu une réunion le matin. Il y avait eu un grand débat la veille. Si un Mahorais enlevait l’or et que l’hymne français était joué, les Seychelles et Madagascar allaient se retirer. Les Jeux allaient se terminer. D’où la décision de ne jouer aucun hymne national et de n’utiliser aucun drapeau. C’était une situation très difficile, surtout pour les athlètes.

 

Comment faut-il interpréter l’épisode Comores et la non-attribution des 10es Jeux à ce pays ? 

En 2012, lors de l’exercice des candidatures, les Comores étaient candidates, les Maldives aussi. Il fallait choisir entre ces deux pays. Maurice n’était pas candidate mais le représentant de l’Etat mauricien avait dit qu’en cas de problème, Maurice avait l’intention d’organiser les Jeux.

 

Nous voulions tous aider les Comores à organiser les Jeux. En 2012, il y avait eu une visite aux Comores pour voir si elles étaient en mesure d’organiser les Jeux. Nous avons constaté qu’il n’y avait pas d’infrastructures. Mais nous étions prêts à leur donner quatre ans pour qu’elles fassent les efforts nécessaires. Nous leur avons donné une feuille de route.

 

Lors de la réunion suivante, nous nous sommes posé la question : « Nous donnons les Jeux aux Comores ou non ? » Ceux qui avaient fait le déplacement aux Comores étaient hésitants, moi aussi. Au dernier moment, les Comoriens m’ont convaincu. Ils ont dit que la Chine attendait une lettre officielle certifiant l’attribution des Jeux aux Comores pour démarrer dans un délai de deux mois la construction du stade olympique. Nous avons donc remis cette lettre aux Comores. Mais en 2014, lors d’une nouvelle visite, nous avons constaté de visu que rien n’avait été fait. Le secrétaire général Jean-François Beaulieu, le Seychellois Antonio Gopal et moi avions fait le déplacement.

 

Les Comoriens nous ont montré un collège à l’abandon, disant qu’il serait rénové. Nous avons vu de vieux bâtiments rénovables mais aucun stade. La feuille de route donnée deux ans plus tôt n’avait pas été respectée du tout. A l’heure des Jeux, lors de la première réunion du CIJ, nous avons demandé aux Comoriens de nous fournir des documents : tout contrat passé avec les pays créanciers, la Chine, la Turquie, Doha ou encore l’Arabie Saoudite. Aucun document ne nous a été remis.

 

Le CIJ a perdu confiance en les Comores. Le drapeau des Jeux devait être remis à la fin des Jeux au prochain pays organisateur. Que devions-nous faire ? Malgré les problèmes, pour que la Charte des Jeux ne soit pas violé, nous avons remis le drapeau aux Comores en posant comme condition qu’au 20 octobre 2015, elles remettent les documents demandés.

 

Nous avons organisé une assemblée spéciale consacrée aux JIOI de 2019. Nous devions décider du pays organisateur malgré le fait que le drapeau des Jeux avait été remis aux Comores. Le 20 octobre, seul le CIO des Comores était représenté à la réunion. Aucun représentant du gouvernement comorien n’était présent alors que pareil engagement doit être pris par le gouvernement. Aucun document n’était disponible si ce n’est des correspondances avec la Chine datant de 2012.

 

Après deux heures de débats, après maintes et maintes questions, notamment concernant la construction d’une piscine, nous sommes passés au vote et à quatre contre un, à l’unanimité, les Jeux ont été retirés aux Comores. Tout de suite après, les Jeux ont été confiés à Maurice. Heureusement que Maurice était candidate à l’organisation des Jeux de 2019. Qu’aurions-nous fait autrement ? 

 

Est-ce que les Comores ont la capacité économique d’organiser les Jeux ?

Elles font face à beaucoup de problèmes aux chapitres de l’électricité, de l’eau, de l’hébergement, même au plan sanitaire. Beaucoup de Mauriciens étaient malades lors des Jeux de la CJSOI.

 

Les Comores sont-elles valeur du jour toujours membres du CIJ ?

Pour moi, les Comores ne sont plus membres du CIJ car elles s’étaient retirées du CIJ le 20 octobre dernier.

 

Maurice intégrera du coup le club très sélect des pays ayant organisé les Jeux à trois reprises après 1985 et 2003. Est-ce une bonne chose pour le sport mauricien ?

Oui. Cela donnera un boost au sport notamment au plan des infrastructures. Une autre piscine devrait voir le jour, un Village des Jeux aussi.

 

N’est-ce pas dommage toutefois que la voile risque de ne pas figurer au programme des Jeux d’autant que paradoxalement une île est entourée d’eau ?

Je ne peux rien dire à ce sujet. C’est le COJI qui décidera des disciplines  retenir. 

 

Les résultats enregistrés à La Réunion reflètent-ils un mieux dans la santé du sport mauricien ou plutôt un déclin du sport aux Seychelles et à Madagascar ?

Les deux. Les Seychelles n’ont plus le même enthousiasme qu’en 2011. C’est le cas aussi à Madagascar. Dans la région, dans la conjoncture économique actuelle, seule Maurice et La Réunion peuvent maintenir la tête hors de l’eau. La conjoncture économique joue un grand rôle sur la santé du sport.

 

On aura noté un certain désintéressement des Réunionnais pour ce qui est supposé être la plus grande manifestation sportive de la région. Est-ce que les Jeux ont toujours leur raison d’être ?

Les JIOI sont nécessaires. Ce sont nos Jeux olympiques à nous. Pour nombre de sportifs, c’est l’objectif premier, l’objectif qui vient avant le niveau africain.  Les Jeux des îles sont les jeux des gouvernements pour ne pas dire des jeux politiques. Ils investissent beaucoup dans ces Jeux. Les Jeux de La Réunion ont été très politisés. C’est dommage de le dire. 

 

Maurice n’a jamais remporté les Jeux jusqu’ici. 2019 sera-t-elle l’occasion de rejoindre La Réunion et Madagascar au palmarès ?

Mon souhait des plus sincères est que Maurice remporte les JIOI de 2019. Nous devons commencer le travail dès maintenant pour y parvenir. Ces Jeux sont à notre portée. Nous avons le potentiel pour l’emporter. Il n’y a qu’à songer aux différentes disciplines où Maurice compte des médaillés. Il faut juste travailler sur les points faibles dès maintenant. Ce sont des Jeux d’Etat. L’Etat doit investir dès maintenant et non pas la veille des Jeux.

 

Ce rêve est-il réalisable selon vous ?

Un cycle de préparation dure quatre ans, des fois sept à huit ans. Nous avons le potentiel, les athlètes doués dans toutes les disciplines à Maurice.

 

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