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Les derniers moments de la peine capitale à Maurice

1 mars 2016, 22:27

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Les derniers moments de la peine capitale à Maurice

 

 

Le double meurtre de Camp-de-Masque-Pavé a relancé le débat sur la peine de mort. L’occasion de rappeler les conditions dans lesquelles la peine capitale a été suspendue en 1995 et de donner la parole à sir Victor Glover qui a prononcé la dernière condamnation à mort en 1987.

 

Accord politique avec le PMSD

 

La suspension de la peine capitale a été votée par l’Assemblée nationale le 3 août 1995. Ce vote faisait suite à un accord politique entre sir Gaëtan Duval et sir Anerood Jugnauth (SAJ). C’était l’une des conditions imposées pour que le Parti mauricien social-démocrate intègre le gouvernement de SAJ. Le jour du vote, les deux principaux dirigeants de l’opposition d’alors, Paul Bérenger et Navin Ramgoolam, ont brillé par leur absence.

 

À l’heure de résumer les débats, SAJ a expliqué l’absence de tout amendement aux sections relatives dans la Constitution: «La porte est toujours ouverte pour tout gouvernement à l’avenir si jamais le besoin de restaurer la peine capitale se fait sentir.»

 

Au moment du vote, le pays comptait six condamnés dans le couloir de la mort à la prison de Beau-Bassin alors que la dernière exécution remontait à 1987. «Cette situation s’explique par le fait que ceux qui doivent intervenir à différents niveaux pour faire exécuter la sentence n’étaient pas disposés à s’y engager», a dit le Premier ministre.

 

Le dernier condamné à mort

 

Il s’agit d’Eshan Nanyeck, aussi connu comme Alexandre. Âgé de 33 ans, il était accusé d’avoir assassiné avec préméditation Rashid Atchia, le 23 juillet 1983. Eshan Nanyeck avait asséné un coup de poignard à Rashid Atchia pour une histoire de coeur. Il avait été traduit aux assises le 20 juillet 1987 et avait clamé son innocence. Le procès était présidé par sir Victor Glover, alors Senior Puisne Judge. L’accusation était représentée par Me Asraf Caunhye, Senior State Counsel, assisté par Me Rehana Mungly, alors State Counsel, et aujourd’hui juge. La défense était assurée par Me Guy d’Arifat.

 

L’affaire avait duré trois jours. Le 22 juillet de la même année, à une majorité de huit contre un, le jury avait reconnu Eshan Nanyeck coupable d’avoir assassiné Rashid Atchia. Le Senior Puisne Judge avait prononcé la peine capitale contre Eshan Nanyeck. Il a été exécuté en octobre 1987.

 

Deux tiers des pays ont aboli la peine de mort

 

Selon Amnesty International, «plus des deux tiers des pays du monde ont maintenant aboli la peine de mort dans leur législation ou en pratique». Toujours selon l’ONG, «140 pays sont désormais abolitionnistes en droit ou dans la pratique (...) Toutefois, le recours à la peine de mort est toujours d’actualité dans des pays tels que la Chine, l’Iran, l’Irak, l’Arabie saoudite, les États- Unis, lAfghanistan (…).»

 

Sir Victor Glover, ancien chef juge: «La peine de mort ne va pas arrêter les crimes»

 

 

Vous êtes le juge qui a prononcé la dernière condamnation à mort en 1987. Aujourd’hui un rétablissement de la peine de mort est-il justifié?

 

Le problème c’est de savoir si le rétablissement de la peine de mort va donner un résultat positif. C’est-à-dire, que des gens vont arrêter de commettre des crimes. Je ne le pense pas parce que je suis d’avis que la plupart des gens qui commettent des crimes n’ont pas le temps de s’asseoir, de réfléchir et de se dire qu’ils seront pendus s’ils le font.

 

Quelle est donc la solution pour rétablir l’ordre et la paix ?

 

Recommencer l’éducation des gens dès leur plus jeune âge. Leur apprendre à l’école ce qu’il faut leur apprendre au lieu de leur bourrer le crâne pour qu’ils réussissent des examens. De mon temps c’était quand même mieux qu’actuellement, où il faut que l’enfant réussisse, ait tant de points. Ce n’est pas un A+ la vie. La vie, c’est autre chose qu’un A+.

 

Combien de personnes avez-vous condamné à mort aux assises au temps où vous étiez juge?

 

Deux personnes. Pour la première, j’ai tout de suite écrit au gouverneur général d’alors pour que la peine soit commuée parce que je pensais qu’il ne le méritait pas. Dans le second cas, j’ai eu moins de scrupules car il s’agissait de quelqu’un qui avait fait des cochonneries. Je n’ai pas pris ma plume pour le défendre. Je ne sais pas s’il a été pendu et je n’ai pas cherché à le savoir.