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Dany Imbert, héros éternel du football mauricien

20 mars 2016, 19:56

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Dany Imbert, héros éternel du football mauricien

Voir Maurice participer à une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations et l’un de ses fils y marquer deux buts semble aujourd’hui un rêve inaccessible. Un Graal qui laisse rêveur… Et qui replace l’exploit de Dany Imbert, auteur d’un doublé à la CAN 1974, à sa juste place dans l’histoire du sport mauricien. S’il n’a pas eu les honneurs dus à son rang de son vivant, il y a fort à parier que ce sera le cas à titre posthume.

«Fin technicien, rapide et fairplay, Dany Imbert était très habile devant les buts. De plus, il était respecté de ses adversaires. C’est un grand bonhomme du football qui s’en est allé.» Ashley Mocudé, qui a côtoyé la légende lorsqu’il débutait sa carrière, situe d’emblée le personnage. Hélas, comme souvent, c’est lorsque vous n’êtes plus là qu’on se souvient à quel point vous avez été important pour votre pays. C’était pareil quand Nano Sauzier et Mamade Elahee nous ont quitté…

Six ans après la mort de son ancien coach en sélection,Dany Imbert s’est éteint, mardi, à 63 ans, atteint d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Et depuis, chacun ne cesse de se remémorer avec nostalgie la carrière de l’ailier droit du Racing Club de Maurice, dont il était le capitaine et qui remporta le championnat en 1978.Dany Imbert était l’un des hommes forts de la seule équipe mauricienne de l’histoire à avoir participé à une CAN, il y a 42 ans. Les fameux Elahee boys. Auteur d’un but contre la Guinée et un autre contre le Zaïre, Dany Imbert a laissé une trace indélébile dans le sport mauricien. Le joueur et l’entraîneur sont partis et, plus que jamais, ceux qui ont connu cet âge d’or du football mauricien pleurent leur disparition.

IL SAVAIT TOUT FAIRE !

Son coéquipier de l’époque, Alain Perdrau, l’a côtoyé en club pendant six ans. Ils avaient débuté ensemble et presque au même âge en équipe junior du Racing Club, puis senior. Étreint par l’émotion, ce dernier replonge dans ses souvenirs. «C’est un des meilleurs joueurs que j’ai côtoyés. Il avait des capacités individuelles et un sens du jeu très élevé. Son placement sur le terrain était remarquable.Il savait tout faire ! Il savait toujours où il fallait être. C’était vraiment un joueur complet et il en faisait voir de toutes les couleurs aux défenseurs adverses», résume Alain Perdrau.

Si les deux acolytes ont participé ensemble à la fameuse CAN 74, ils se tiraient déjà la bourre en athlétisme, au collège… «Dany était au St Esprit et moi au St Joseph. On était adversaires au 100m et au 200m. Il était meilleur que moi au foot, mais je prenais ma revanche en athlétisme où j’étais légèrement plus fort. C’était mon adversaire principal au sprint…»

Eh oui, sur son aile, Dany était une vraie fusée. D’où son surnom de «Tiloto», que lui ont collé ceux qu’il mettait dans le vent. Si Alain Perdrau raccrochait les crampons en 1976, Dany Imbert, qui compte plus de 45 sélections nationales, continua jusqu’en 1983 et a aussi subjugué la génération suivante.En fin de carrière, ce dernier croise sur sa route le futur «monsieur but» du Sunrise, Ashley Mocudé, qu’il va inspirer. «Lorsque je suis passé au Racing Senior en 1983, Dany Imbert était là et c’était lui le patron de l’équipe. Je garde de très bons souvenirs de lui car j’ai eu la chance de jouer à ses côtés.» Car il joue pleinement son rôle de grand frère.

Des années d'exception pour notre football

«À l’époque, il était un peu mon idole car c’était lui la référence au Racing Club de Maurice», raconte Mocudé. «Il était toujours disponible pour tous les joueurs et je reconnais que j’ai beaucoup appris de lui. Pour ma part, j’essayais de faire comme lui durant les rencontres. Il m’a beaucoup aidé dans ma carrière

Du côté des supporters, lorsque Dany partait sur son aile, un frisson leur parcourait l’échine. Témoignage de Sedley Assonne, poète et journaliste, totalement sous le charme au stade : «Les jeunes, accros au foot étranger aujourd’hui, ne connaissent pas ce qu’a représenté Dany Imbert. Et pourtant avec Ned Charles, l’un des premiers footballeurs mauriciens à faire carrière dans un grand championnat, en Belgique, Dany formait un super duo. Il était le roi sur l’aile du stade George V. En sélection, nos compatriotes n’ont jamais déçu leur entraîneur fétiche Mamade Elahee. Et toutes les communautés se côtoyaient sans problème

Notre ancien collègue Jean-François Leckning, auteur de l’Odyssée du sport mauricien, se rappelle, quant à lui, d’un des derniers matches de Dany Imbert en 1983 : «On jouait les éliminatoires de la CAN contre l’Ethiopie, j’avais 10 ans. Je suis parti au stade avec papa, on perd aux tirs au but, dans une ambiance indescriptible devant 20 000 personnes et Dany avait marqué un but d’anthologie

Au-delà de cette grande émotion, ce n’est que bien des années plus tard, lorsqu’il devient journaliste sportif, que ce dernier prend la pleine mesure du personnage, lorsqu’il écrit son livre. «J’ai écrit un chapitre sur l’équipe de Maurice et le Racing et c’est à travers mes rencontres avec Mamade Elahee que j’ai compris à quel point Dany Imbert était un phénomène. Pour moi, il incarnait l’excellence qu’on n’a pas retrouvée à Maurice. Il symbolisait le grand football mauricien de fin 70-début 80. Des années d’exception

 

Le potentiel pour jouer à l'étranger

Pour Jean-François, Dany avait largement le niveau pour faire carrière à l’étranger, comme Ned Charles (NdlR : qui a joué au Cercle de Bruges en Belgique) : «Avec son centre de gravité très bas, il était virevoltant et avait certainement le potentiel pour devenir un très bon joueur sur la scène européenne, mais il a choisi de faire carrière dans la banque…»

Participation historique du Club M à la CAN 1974. Face à la Guinée, Dany Imbert (4e en partant de la gauche) inscrira son nom au tableau d’affichage (défaite 2-1).

Dans une interview accordée au Militant en 1984, publiée hier par nos confrères du Mauricien, Dany Imbert racontait qu’il était sur le point de signer une carrière professionnelle en Angleterre et qu’il était même allé suivre quelques séances d’entraînement avec l’équipe junior de Chelsea, mais ses parents ne voulaient pas qu’il reste seul en Angleterre, ce qui l’obligea à rentrer au pays en 1969, à contre coeur.

Tous ceux qui l’ont côtoyé et qui étaient nombreux à lui rendre hommage vendredi lors des funérailles de l’ancien champion à l’Église Notre Dame de Rosaire à Quatre-Bornes, ne tarissent pas d’éloge à son sujet. «C’était quelqu’un de simple, humble, tranquille, respectable et respectueux», nous dit Alain Perdrau. De l’avis de tous, Dany Imbert était un vrai gentleman sur et en dehors du terrain. Pour Sedley Assonne : «Dany est allé retrouver bhai Mamade et Cyril Esther, son mentor du Racing.» Nous ne pouvons que transmettre nos plus vives condoléances à sa famille, ses amis, ceux qui ont joué avec ou contre lui, et espérer que nos footballeurs en herbe suivent ses traces un jour. Adieu l’artiste.