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Corruption: la monnaie dithé, c’est notre tasse de thé…

3 avril 2016, 18:30

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Corruption: la monnaie dithé, c’est notre tasse de thé…

Nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à glisser quelques billets sous la table ou dans les poches pour s'octroyer des faveurs, éviter une contravention ou des tracasseries administratives, obtenir des permis, entre autres. Témoignages de ceux qui y ont eu recours mais aussi de ceux qui ont été confrontés à ce fléau.

Pour ce General Worker, employé dans la fonction publique, donner des pots-de-vin sont monnaie courante. «J’avais égaré mon learner et je me suis rendu aux Casernes centrales pour obtenir une copie.» Un policier lui aurait alors demandé : «Komyé ou finn améné ?» Et d’expliquer qu’il a répondu qu’il n’avait rien «emmené». Après quoi, selon le fonctionnaire, l’officier a fait mine de trifouiller dans les dossiers et il a fini par trouver des prétextes pour ne pas lui remettre les documents requis. «J’ai dû attendre plusieurs jours et voir un autre policier pour que j’obtienne une copie de mon learner.»

Le General Worker avoue, en outre, avoir lui-même proposé «enn ti la monnaie dithé» à un policier pour éviter une contravention. «Je n’avais pas d’autre choix. J’ai dû retourner sur mon lieu de travail et trouver Rs 50 pour les remettre au policier qui m’attendait.» Que ceux qui ne l’ont jamais fait ou envisagé de le faire lui jettent la première pierre, dit-il.

Speed money

Lui non plus ne compte pas se dédouaner. Ce douanier, aujourd’hui à la retraite, se souvient encore du speed money, que certains tentaient de lui glisser dans la poche. «Les marchandises importées sont stockées dans un entrepôt, aux frais du commerçant, qui doit dépenser plus si elles y restent longtemps. Pour éviter de payer plus, d’aucuns demandent au douanier d’accélérer les choses, de lui fournir les documents au plus vite, moyennant de l’argent.»

Il se souvient d’un cas en particulier, où un commerçant invitait des douaniers à venir faire des emplettes dans son magasin. «Parfwa, enn met latwal ki pé vann Rs 500 nou ti kapav gagn sa dan Rs 200 san marsandé !» La politique du speed money a par ailleurs pris de la vitesse, poursuit-il, lorsque l’on s’est mis à importer des voitures de seconde main. Est-ce à dire que la «légende» qui veut que l’on retrouve une bouteille de whisky chez chaque douanier est vraie ? «Il s’agit d’une tradition internationale. À chaque fois qu’un bateau arrive au port, les douaniers ainsi que les autres employés reçoivent un cadeau, en général une bouteille de whisky. L’on considère cela comme un cadeau, pas un pot-de-vin…»

Les médecins pas épargnés

D’autre part, la maladie qu’est la corruption gagne également les hôpitaux. Les médecins ne sont pas épargnés. «Le parent d’un patient m’a approché pour me proposer un pot-de-vin. Il voulait que je fasse en sorte que ce dernier passe sur la table d’opération le plus rapidement possible…» Même scénario dans des cours de justice où les tentatives de «bribery» sont légion. «Des employés d’avoués et de notaires, par exemple, misent sur leur connexion avec certains fonctionnaires de la cour pour faire avancer des dossiers. Et en retour, ils reçoivent des ‘petits cadeaux’», confie un témoin qui évolue dans le milieu.

Mais attention, il n’y a pas que les «petites gens» qui ont recours à la corruption. Les plus grands corrupteurs sont souvent ceux que l’on surnomme les «gros requins», soit des businessmen. L’un d’eux a défrayé la chronique récemment. Il a accepté de témoigner. «Mes proches ont toujours évolué dans le milieu des affaires. Il y a quelques années, j’ai hérité d’une petite fortune. J’ai tenté d’investir dans d’autres secteurs.»

Pour ce faire, il a dû graisser la patte à des politiciens, avoue-t-il, d’emblée. Et pas n’importe lesquels, ajoute-t-il. Combien leur a-t-il proposé ? «Pour obtenir un permis, j’ai déboursé Rs 2 millions en pots-de-vin… Et je peux vous dire que certains offrent jusqu’à Rs 10 millions !» Il va plus loin dans ses confessions. «J’ai même financé plusieurs rassemblements religieux.» Comment procède-t-il ? «Je passe rarement par des intermédiaires. Je rencontre directement la personne à qui je veux donner de l’argent.»

En conclusion, dit-il, il faut faire attention, si vous faites confiance à quelqu’un, il peut retourner sa veste, vendre la mèche et même vous faire chanter…