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Écoutes téléphoniques: dans l’oreille interne du NSS

24 avril 2016, 22:30

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Écoutes téléphoniques: dans l’oreille interne du NSS

Une question de Shakeel Mohamed au Parlement, mardi, a relancé le débat autour des écoutes téléphoniques mises en place par le National Security Service (NSS). Si, dans sa réponse, telle qu’enregistrée dans le Hansard, le Premier ministre dément cette pratique, celui-ci soutient toutefois que l’article 12 de la Constitution permet une «interference with our fundamental rights under certain circumstances, such as in the interest of defence, public safety, public order, public morality or public health». L’occasion de se renseigner sur le service de renseignements…

Qu’est-ce que le NSS ?
Le National Security Service (NSS) s’assure, indirectement, de la sécurité intérieure du pays. Cette unité est chargée de collecter et de fournir des renseignements précis au ministre de l’Intérieur qui n’est autre que le Premier ministre.

Les renseignements qui l’intéressent
Toute activité humaine interne ou externe pouvant déstabiliser le pays, nuire aux intérêts supérieurs du pays, détruire le tissu social, soulever des troubles communaux, ethniques, religieux, conduire à des actes terroristes, saboter l’économie, entre autres actes de violence.

Comment procède-t-il ?
La collecte de renseignements fiables se fait avec l’aide d’informateurs crédibles et des agents du NSS qui labourent le terrain, à travers le pays. Le service de renseignements est aussi en contact avec d’autres agences étrangères amies ainsi que des collaborateurs. Les agents infiltrent les organismes, sociétés et autres entités. A l’aéroport ou dans le port, ainsi qu’à d’autres points d’entrée et de sortie stratégiques, ils exercent une surveillance accrue mais discrète, en permanence. Sont également ciblés: les bateaux de plaisance, de pêche, les catamarans, les boathouses, les hôtels, entre autres. Le NSS n’est pas la seule «oreille», que ce soit pour le gouvernement et pour les partis au pouvoir. Chaque parti politique, que ce soit dans le gouvernement ou dans l’opposition, a ses propres «sources».

Money
Tous les informateurs fiables sont rémunérés. La rémunération dépend de la qualité et de l’importance de leurs informations. Cette rémunération est sujette à un reçu et est rigoureusement contrôlée par une institution autorisée. Les dépenses du service de renseignements sont soumises au contrôle discret du directeur de l’Audit. Les sources, comme c’est le cas pour la presse, sont très bien protégées. Aucun service de renseignements au monde ne peut se passer d’informateurs fiables, les «whistleblowers» étant le maillon indispensable de la chaîne.

Le mode opératoire
Parmi les méthodes employées par le NSS, il y a la surveillance 24/7 des suspects et des «objectifs» identifiés. Cette surveillance peut prendre la forme de filatures, effectuées par plusieurs agents, soit à bord de plusieurs voitures banalisées qui se relayent pour éviter tout soupçon, voire à pied.

Tables d’écoute, mythe ou réalité ?
Il est quasi impossible de savoir si ce sont des fourgonnettes équipées ou des locaux sis dans des bâtiments situés à proximité des «cibles», voire les deux, qui sont utilisés pour des activités illégales d’écoute. Car la machinerie d’un service de renseignements est, en général, bien huilée. Difficile de savoir, donc, si l’on est surveillé d’une quelconque façon, à moins qu’une taupe, à l’intérieur, ne décide de révéler des secrets bien gardés. Il peut aussi arriver des fois, sinon assez souvent, qu’un excès de zèle de la part de certains agents les pousse à entreprendre des activités illégales d’écoute à l’insu du ministre de l’Intérieur ou de leur patron. La clé de l’énigme des écoutes téléphoniques dont parle Shakeel Mohamed se trouverait à l’intérieur du bâtiment de couleur crème se trouvant dans l’arrière-cour des Casernes centrales. Et dont les «antenn kapté tou seki dan ler», résume-t-on.

Ce que dit la loi
Les écoutes téléphoniques sont illégales sans l’ordre d’un juge. Toutefois, l’on concède que des abus peuvent exister si, comme on le dit dans le jargon, «nobody controls the controller». Depuis l’Indépendance, nombreuses sont les fois où des membres de l’opposition ont crié au scandale en expliquant que leur téléphone était sur écoute. Mais rien n’a été prouvé à ce jour. Par contre, politiciens et leaders de partis devraient surtout se méfier de leur propre entourage, certains «proches» étant susceptibles de refiler des informations sensibles, y compris sur leurs conversations téléphoniques. Ou de faire parvenir des informations internes, très souvent sensibles, à la presse…

Abus ?
Le Premier ministre est la personne la mieux renseignée du pays. Ce, quel que soit le gouvernement au pouvoir. Seul le Premier ministre et ministre de l’Intérieur obtient des renseignements du NSS, qui lui est «accountable». Résumons : gouverner c’est prévoir et pour prévoir il faut tout savoir. Que ce soit dans le domaine politique, public, privé, économique, éducatif, socioculturel, religieux, industriel, etc.

Les profils
Qui sont ceux qui sont susceptibles d’être surveillés par le NSS ? Il s’agit de personnes soupçonnées de s’adonner à un trafic de drogue, d’armes, d’influence, à des activités anarchistes et subversives. Mais aussi celles qui, ouvertement ou clandestinement, incitent la population ou une partie ciblée de la population à l’anarchie, au désordre, à la révolte, à descendre dans la rue. Celles qui menacent la paix et la stabilité du pays. Des étrangers qui abusent de l’hospitalité mauricienne en pratiquant une forme ou une autre d’apartheid, qui soulèvent des troubles racistes. Sont également dans le collimateur du service de renseignements des «récidivistes notoires» et ceux qui sont prêts à tout pour déstabiliser le gouvernement. Sans oublier les diplomates étrangers en poste dans le pays et qui s’ingèrent dans les affaires internes de celui-ci ainsi que toute autre personne fortement soupçonnée d’oeuvrer contre l’intérêt et la sécurité de l’Etat.