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Anil Currimjee: «On va poursuivre des gens qui attaquent notre intégrité»

26 avril 2016, 18:25

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Anil Currimjee: «On va poursuivre des gens qui attaquent notre intégrité»

C’est la première fois qu’Anil Currimjee, le directeur général du groupe Currimjee-Jeewanjee, accepte une interview au sujet de son projet immobilier, tant contesté, à La Cambuse. 

Concrètement, en quoi le pays bénéficie-t-il du projet Le Chaland ?
Aujourd’hui, on sait tous que le pays a besoin d’investissement productif dans les secteurs productifs. Le gouvernement a une stratégie pour le tourisme et ce projet s’insère dans cette stratégie. Il y a aussi une stratégie pour développer l’aéroport et les alentours. Et ce projet s’intègre également dans cette stratégie. 


À Maurice, nous avons un problème de chômage parmi les jeunes. Si l’on prend en compte les dernières statistiques, le taux de chômage parmi les jeunes était de 26,6 %. Ce n’est pas qu’un problème économique. On ne peut pas avoir un développement durable avec plus d’un jeune sur quatre qui ne travaille pas. 


Ce projet qu’on est prêt à faire démarrer va créer 1 000 emplois directs et indirects. Mais il n’y a pas seulement les emplois, il y a les effets multiplicateurs. Dans le moyen terme, ces gens auront des carrières et pourront avoir un meilleur avenir. Nous comptons également travailler avec les artisans et les producteurs de la région.

Il y a beaucoup de contestations autour du projet. Avez-vous compris ce qui dérange les écologistes ?
Je ne dirais pas que la contestation vient uniquement des écologistes. Il y a ceux qui comprennent ce que nous faisons. Nous sommes un groupe qui a 125 ans. Et pendant ce temps, nous avons eu des valeurs. Une de nos valeurs c’est la responsabilité. Nous regardons au long terme. C’est une responsabilité envers les générations futures, envers les Mauriciens, les partenaires, l’environnement et la culture. 


Pour le côté environnemental, nous nous sommes associés à des professionnels de Maurice et d’ailleurs. Depuis plus de quatre ans, on a pris chaque facette environnementale du projet : les dunes, le parc marin, l’hydrologie, entre autres. Nous avons eu beaucoup de consultations et nous avons eu notre permis EIA (NdlR : Environmental Impact Assessment). C’est le premier hôtel qui sera à 100 m de la plage. Normalement, il faut laisser 30 m. 

Nous prenons également en charge les effluents de la National Coast Guard ainsi que ceux des toilettes publiques. Il n’y aura pas de bateaux motorisés dans la région. Nos professionnels ont travaillé pour protéger les dunes mais nous irons plus loin en plantant 16 000 arbres et arbustes endémiques pour créer une forêt. Cela se fera sur 7 arpents de terre. 

Il y a énormément de commentaires négatifs en réponse à la vidéo que vous avez fait circuler sur le projet Le Chaland. Les internautes sont persuadés que toutes ces initiatives cachent d’autres ambitions. Que leur répondez-vous ?
J’ai lu les commentaires. Ce projet ne cache rien. Si les gens lisent ce qu’on fait, ils vont comprendre. Il y a des commentaires négatifs, on comprend. Il faut les accepter. J’ai remarqué que beaucoup de gens commencent à comprendre ce que nous faisons. Ils ont vu que nous avons tenu nos engagements. Nous ne sommes pas sur la plage publique. Le National Coast Guard ne l’est pas non plus.

Vous garantissez que le public aura accès à toute la plage après la construction de l’hôtel ? 
Le public a accès à toute la plage publique. Il n’y a aucune raison pour que le public n’ait pas accès à la plage. 

Pourquoi avez-vous choisi le site de La Cambuse ? 
Pour le projet hôtelier, nous avons pris trois ans pour trouver un terrain à Maurice. Le terrain à La Cambuse est un terrain privé de la National Coast Guard. Il a toujours été un terrain privé et non un terrain ouvert au public. 

….enfin un terrain qui appartient à la NCG, par extension à l’État…
Oui mais il n’était pas un terrain public. Ce terrain a été donné dans le passé, entre 2000 et 2005, à un promoteur pour faire un développement hôtelier. Le terrain a ensuite été repris par le gouvernement. Quand nous avons fait notre demande plus tard, nous avons eu le terrain. 

Est-ce envisageable pour vous de laisser tomber le projet à cause des contestations ?
Non ! Je pense qu’il y a une majorité de Mauriciens qui veulent de ce projet. Si c’était un projet qui n’était pas en ligne avec nos valeurs, depuis longtemps on l’aurait arrêté. 

Qui sont les financiers de votre projet ? 
Le groupe Currimjee.

Uniquement ? 
Oui. C’est le groupe Currimjee qui a financé le projet et qui financera le projet. Il restera maître du projet.

Il vous coûte combien, ce projet, et combien avez-vous investi pour l’heure ? 
L’hôtel est un projet de Rs 2 milliards et nous y avons déjà injecté plus de Rs 200 millions. 

Au début, il n’était pas question d’avoir un partenaire étranger ?
Oui, mais plus maintenant.

Qu’est-ce qui s’est passé ?
On a décidé de continuer seuls.

Pourquoi ?
(Nous sommes interrompus par un de ses collègues qui dit : «Vous parlez du groupe Minor ?»)

Oui. Mais attendez, il y avait un autre partenaire ? 
Non.

Mais qui avez-vous laissé tomber ?
Quoi ?

Vous venez de me dire que vous avez laissé tomber un partenaire et que vous comptez poursuivre tout seuls…
Il y a le groupe Minor qui a toujours été notre partenaire de gestion pour les hôtels. Sur le plan financier, des investisseurs sont venus me voir mais on n’est pas tombés d’accord sur les conditions et on a décidé de continuer tout seuls. 

Est-ce que ce sont des groupes locaux ou étrangers ? Les deux ?
Il y a des groupes locaux et étrangers. 

Je reviens sur ceux qui ont voulu financer votre projet… On peut avoir une idée des pays d’où ils viennent ?
Non. Ce ne serait pas bien de dévoiler qui ils sont.

Peut-être pas leur identité mais d’où ils viennent ? 
Nous avons des clauses de confidentialité à respecter. 

Le pays d’où ils viennent…
Je ne préfère pas. Ils viennent de Maurice et d’autres pays. Ce ne serait pas bien pour moi d’en parler.

Je ne vois pas en quoi ce serait un problème… et est-ce que vous avez compris ce qui a poussé le ministre Soodhun à afficher publiquement son soutien pour votre projet ? 
Au total, 18 autorités et ministères nous ont donné leur accord. Nous avons eu notre bail en 2015. Comme vous le savez, tous les baux passent d’abord au Conseil des ministres. Je ne crois pas qu’il faut dire que l’on a le soutien d’une personne.

C’est parce que lui il s’est manifesté publiquement…
C’est un projet qui a été pensé. Il est transparent et valable. 

Combien avez-vous dépensé pour gérer l’opinion publique ?
Je ne sais pas. On n’a pas fait de pub. On communique avec les professionnels. On a fait une vidéo. Les gens qui s’opposent en ont fait cinq. Je crois que l’on dépense bien moins qu’eux. 

Le projet a été certainement bien réfléchi. Selon vos prévisions, durant la première année d’opération de l’hôtel, vous comptez faire des profits de combien ?
La première année d’opération sera une perte. Comme n’importe quel autre projet. Il sera profitable pour nous, pour nos employés et pour l’île après. Vous savez, ça coûte de l’argent de planter des plantes endémiques, de recréer une forêt, de faire une route. 


On n’était pas obligé. On l’a fait parce que l’on croit que c’est bien dépensé et que c’est bien d’avoir une route qui reflète ce que l’on va créer à l’hôtel. On ne peut pas avoir un hôtel cinq-étoiles et une route deux-étoiles. On va faire de l’argent sur le long terme, comme on l’a toujours fait. Ce n’est pas la première année qui est importante.

Sur le long terme combien de profits espérez-vous ? 
Si je me souviens bien, nous allons générer des profits à partir de la troisième année et le retour sur investissement est attendu dans six à sept ans. Je préfère ne pas entrer dans les détails concernant les chiffres.

Vous avez certainement pris connaissance de ce que disent des experts au sujet de Mare-aux-Songes et des ossements de dodos. Est-ce que vous avez pris cela en considération ?
(Il sourit.) J’ai lu, comme tout le monde, l’interview d’un professeur. Je ne vais pas m’étendre sur ce qu’il a dit. Il est un témoin contre nous dans les affaires en cour. Donc, je vais éviter. Mais je crois fermement que dans ce que le consultant a dit dans ce qui a paru dans la presse, ce qu’il a écrit dans les revues scientifiques et les recommandations comme consultant à des firmes privées à Maurice, il y a des contradictions importantes. Mais nos avocats vont se charger de cette partie. 


Ce que l’on sait sur les dodos, en s’appuyant sur ce que les experts ont dit, à Mare-aux-Songes, il y a trois bassins. Les ossements se retrouvent dans le bassin 1. Le même monsieur a dit que les ossements de dodos se trouvent dans le bassin 1 et que dans le bassin 2, il y a des traces alors que dans le bassin 3, celui qui se trouve plus près de la route, il n’y a pas de traces d’ossements de dodos ou d’autres fossiles. 


Ensuite, notre route… pas notre route mais la route du public est à 239 mètres des ossements de dodos. La route figurait sur nos plans soumis pour le permis EIA. Beaucoup de gens disent que la route se trouve à moins de 30 mètres du bassin 3 alors qu’elle est à 31,5 mètres de ce wetland. Je ne comprends pas pourquoi les gens disent autrement. Je ne comprends pas pourquoi communiquer quand il y a des choses aussi fausses qui circulent. Il y a des faits. Ces gens mettent en doute l’intégrité du groupe.

Comptez-vous prendre des actions contre ceux qui, selon vous, ternissent l’image de votre groupe ?
Les gens qui ont essayé de ternir notre image. On se réserve le droit de poursuivre des gens qui attaquent notre intégrité et on va le faire. Je ne peux pas accepter cela.

Le projet a accusé un retard depuis ces contestations. Est-ce qu’il y a eu des coûts supplémentaires ? 
Le projet devait commencer en novembre dernier. Six mois plus tard, nous n’avons rien pu faire. Nous respectons la justice. Mais oui, ça a un coût pour nous, pour l’entrepreneur mais aussi pour ceux qui auraient eu un emploi. Si nous avions commencé en novembre, cela aurait pris 18 mois pour être complété. 

Le projet hôtelier comprend quoi exactement ?
Il comprend 164 chambres, trois restaurants, une forêt endémique, des facilités culturelles…

Culturelles c’est-à-dire ?
La cuisine, le yoga, nous allons ouvrir le Sud aux touristes… Avec notre forêt endémique, les gens découvriront les plantes de l’île.

La forêt sera accessible au public ?  
Ce sera ouvert à tout le monde. Vous savez, moi quand je vais en Inde, je peux marcher dans n’importe quel hôtel, dans n’importe quel restaurant.

Vous croyez que tous les Mauriciens auront les moyens de s’y rendre ?
Certains ont les moyens, d’autres non. C’est ça le développement durable. Faire que les Mauriciens aient les moyens.

Le projet Le Chaland s’arrête à l’hôtel ou il y a d’autres phases ? 
Pour le moment, on se concentre sur l’hôtel. Il y a d’autres phases. On a acheté un terrain derrière l’hôtel. Mais nous ne pouvons pas en parler puisque cela n’a pas été finalisé. 

Vous avez acheté le terrain avant ou après le bail ? 
Avant. Le terrain a été acheté en 2010 et le bail, nous l’avons signé en juin 2015. 

Combien payez-vous le bail mensuellement ?
De juin 2015 à décembre 2016, le bail est de Rs 9,5 millions, sans compter Rs 1,8 million pour le registration fee. Pour 2017, le bail sera à Rs 10,3 millions. Et le bail est sur 60 ans. 


On a investi Rs 150 millions pour les infrastructures, la route, l’aire de stationnement et les locaux de la NCG. On a fait la demande pour le bail en 2009. Entre-temps, nous avons fait des études, nous avons eu notre letter of intent. Nous avons tout fait. Ce n’est pas un projet fait au pied levé.