Publicité
Claude Wong So: portrait d’un favori
Par
Partager cet article
Claude Wong So: portrait d’un favori
Sa présence au sein de plusieurs conseils d’administration suscite des interrogations. Si Claude Wong So semblait effacé sous l’ancien gouvernement, l’arrivée de l’alliance Lepep au pouvoir le propulse sur le devant de la scène. Notamment dans le secteur des infrastructures publiques, ce qui est loin de plaire à plusieurs de ses collaborateurs…
En 2015, avec le départ de l’ancien Chairman de la Road Development Authority (RDA), c’est lui qui est nommé président du conseil d’administration de ce corps parapublic. «La RDA est une grosse institution, avec un gros budget. Claude Wong So est président d’Airport of Rodrigues mais également le Chief Executive Officer de la State Land Development Company. Comment peut-il gérer autant de dossiers à la fois ?» s’interroge une source au sein du ministère des Infrastructures publiques.
En août 2015, la RDA est secouée par la découverte de fissures sur l’autoroute M3 Terre-Rouge–Verdun. En tant que président du conseil d’administration, Claude Wong So prend la décision de suspendre des ingénieurs ainsi que le directeur, Cadressen Dorsamy. «Il est en charge de tout le fonctionnement de la RDA et en l’absence d’un directeur, la RDA travaille au ralenti actuellement.
Il y a tout le Road Decongestion Programme en cours. C’est un gros travail. De plus, il s’occupe des smart cities à la State Land Development Company. Il ne peut pas avoir le temps de maîtriser tous ces dossiers», fait-on ressortir.
«Conflit d’intérêts»
Alors que le gouvernement s’installe à peine en 2015, une mesure est annoncée en fanfare. Il s’agit de la révision des conditions des présidents des organismes parapublics. Outre les revenus qui sont revus à la baisse, il est annoncé que les présidents de conseil d’administration n’auront plus droit à un bureau. Là, encore, Claude Wong So détonne. Il a, lui, un bureau à la RDA.
À cette époque toujours, du côté de la RDA, on disait que Claude Wong So serait en infraction avec la RDA Act. «Étant un consultant externe, il n’a pas le droit de siéger sur le board de la RDA car il y a conflit d’intérêts», avait confié une source à l’express.
Selon la RDA Act, nul ne peut être nommé membre du conseil d’administration s’il a un intérêt dans une entreprise de génie civil ou encore s’il est un consultant. L’article 7 de la seconde partie de la RDA Act stipule : «No person shall be appointed as a member where he has any interest in any civil engineering undertaking or consultancy.»
Sollicitée par l’express, une source du ministère des Infrastructures publiques indique que le plus important est de savoir si Claude Wong So est un consultant en génie civil. «La question a été soulevée au ministère pour évaluer s’il y a conflit d’intérêts ou pas. Mais il est consultant en project management, ce qui fait que la RDA Act ne s’applique pas à lui.»
C.Wong So Associates, dont Claude Wong So est le Chairman, s’occupe de tout ce qui est project management pour les bâtiments et non des routes. C’est du moins ce qu’affirme Claude Wong So.
«Sollicité par le ministère»
«Je ne suis pas consultant en civil engineering», affirme-t-il, contacté par l’express. Dans la foulée, Claude Wong So indique qu’en ce qui concerne le projet de Roches-Noires, il ne peut pas y avoir de conflit d’intérêts, Michael Wong So étant un représentant et non pas un Project Manager. Affirmation que contredit son fils (voir l’interview).
«En ce qui concerne la RDA, ce n’est pas moi qui ai demandé à aller à la RDA, c’est le ministère et j’aide le gouvernement sur le front national. En ce qui concerne les smart cities, c’est le Board of Investment qui s’en occupe et non pas moi. Pour ce qui est de ma compagnie, j’en suis le propriétaire et nous ne sommes pas dans le civil engineering.»
Un bosseur compétent
En revanche, l’on ne conteste pas les compétences du professionnel Claude Wong So. «Il peut décider de tout, effectivement. Mais Claude Wong So reste quelqu’un de compétent et il prend des décisions quand il faut. Il n’aime pas laisser traîner des dossiers. Il est sévère avec ses employés et il attend des résultats», souligne une autre source du ministère des Infrastructures publiques.
Dans le cadre de ce portrait-enquête, nous avons également sondé les professionnels du secteur de l’ingénierie. La communauté des ingénieurs est très élogieuse envers Claude Wong So. Ces derniers affirment qu’il est loin d’être un incompétent. Ils reconnaissent en lui un meneur rigoureux qui sait diriger ses équipes.
À commencer par Belal Jhoomun. Cet ingénieur spécialisé en Inspection, Maintenance, Reparation des Ouvrages d’Arts, dit apprécier «son ouverture d’esprit» et «sa compétence». Selon lui, c’est un professionnel qui oeuvre beaucoup pour les ingénieurs et est très bien perçu par ses pairs. «Il vient avec des idées. Il a beaucoup d’expérience. C’est quelqu’un qui se met à jour avec les nouvelles technologies.»
Raj Prayag, le président de l’Institution of Engineers, partage le même avis. Selon lui, cela fait 20 ans que Claude Wong So évolue «à nos côtés».
Cependant, selon un ingénieur qui témoigne sous le couvert de l’anonymat, Claude Wong So «peut être aussi bon politicien et ingénieur». «Il sait comment naviguer à travers les courants, tourner casaque avec le régime en place», lance-t-il. Il confie également que Claude Wong So a été très solidaire des autres ingénieurs jusqu’à ce que le ministre entre en scène. «Mais il évite de prendre position contre le pouvoir», remarque-t-il.
C. Wong So Associates Ltd
C.Wong So Associates Ltd est incorporée le 12 mai 1998 avec comme actionnaire majoritaire Claude Wong So et son épouse Thin Tsiong Wong So, autre actionnaire. Claude Wong So était le directeur de la firme jusqu’en juin 2015. À présent, il est le Chairman et les deux directeurs sont son épouse et son fils Michael.
Questions à… Michael Wong So, Project Manager de la Roches-Noires Smart City: «Nous espérons avoir 400 millionnaires chinois comme clients»
La Smart City de Roches-Noires n’a pas encore reçu sa «letter of intent», contrairement à d’autres promoteurs. Est-ce que le projet est toujours d’actualité ?
Bien sûr, mais nous faisons face à plusieurs complications. Au début, cela devait être un projet d’Integrated Resort Scheme (IRS) mais la compagnie a fait faillite. En 2012, le groupe YIHE a exprimé son intérêt pour le reprendre. YIHE a soumis les documents depuis mars 2013 avec l’idée de faire l’IRS. Depuis, il n’y a rien eu. Le Board of Investment (BoI) n’a pas donné de réponse concrète ou concluante. Pendant trois ans, le BoI a posé des questions auxquelles nous avons toujours répondu.
Ensuite, l’IRS et le Real Estate Scheme ont été abandonnés au profit du Smart City Scheme et nous avons dû retravailler le projet selon les nouveaux paramètres. Mais nous sommes prêts et allons soumettre les derniers documents d’ici la semaine prochaine et nous espérons pouvoir nous lancer bientôt.
Lancer, c’est-à-dire commencer la construction ?
Pas tout à fait. Le terrain est toujours sous receivership. Nous avons un pre-sale agreement, mais nous attendons la lettre d’intention du BoI, que nous recevrons une fois qu’il sera convaincu de la viabilité du projet. Sans cette lettre, aucune banque n’accordera de prêt pour l’acquisition du terrain. À ce jour, entre les fonds bloqués pour le presale agreement, les études et les plans, le groupe a déjà injecté plus de Rs 100 millions dans le projet.
Parlez-nous du groupe YIHE…
YIHE est un groupe immobilier chinois. Il a déjà réalisé plus de 38 projets à travers le monde, y compris en Australie et aux États- Unis. D’ailleurs, fort de ses projets réalisés, il a déjà une base de données de clients qui seraient susceptibles d’être intéressés par les unités de logement. La Chine compte plus d’un million de millionnaires, et nous espérons avoir 400 d’entre eux comme clients.
Et quel est votre rôle dans tout cela ?
Je suis le Project Manager de cette smart city. Le projet est piloté par une des filiales locales de YIHE, Island Summer Palace Ltd, dont les directeurs sont Chinois. Le groupe est dirigé par la maison-mère. Je suis son représentant à Maurice, mais je n’ai aucun intérêt dans le groupe.
L’actionnaire majoritaire d’Island Summer Palace est une compagnie incorporée aux îles Vierges britanniques par le cabinet d’avocats Mossack Fonseca qui était récemment plongé dans le scandale des Panama Papers. Cela ne vous fait pas sourciller ?
Comme je l’ai dit, je ne suis pas dans la compagnie, je suis un représentant qui se trouve hors du groupe et de l’Island Summer Palace. Il faudrait leur poser la question pour des précisions car ce sont leurs arrangements internes.
Parlons de votre père, le Chief Executive Officer (CEO) de la State Land Development Company (SLDC). Vous êtes le Project Manager d’une «smart city». Cela sent le conflit d’intérêts…
Absolument pas. Claude Wong So est effectivement à la SLDC, mais il ne valide pas les projets. Cette responsabilité revient à un comité spécial qui est présidé par le BoI. Sinon, nous aurions été les premiers à recevoir notre lettre sans avoir eu à changer de Master Plan à quatre reprises…
Oui, mais ce comité est coprésidé par le CEO de la SLDC…
Il y siège en son nom, pas en tant qu’employé de la SLDC, à ce que je sache. Et il n’est pas le seul à prendre les décisions.
Plusieurs ONG qui militent pour la protection de l’environnement sont montées au créneau, surtout par rapport aux «wetlands» qui se trouvent dans la région. Vous leur dites quoi ?
Je leur dis qu’il faut comprendre le projet. Si nous avons choisi cette location, c’est pour la mettre en valeur car nous apportons une valeur ajoutée. Les bâtiments ne couvriront que 8,4 % du terrain et les infrastructures 11,6 %. 80 % du terrain restera vert. De plus, nous allons demander un nouvel Environment Impact Assessment pour voir comment agencer les constructions et préserver la flore endémique.
Les 80 % d’espaces verts comprennent un terrain de golf. Le nombre de produits nécessaires pour maintenir un terrain de golf et la nature poreuse du sol soulèvent quand même des questions…
Nous n’avons jamais dit que nous allons inventer la roue. Les terrains de golf qui côtoient des zones protégées existent déjà. Nous allons simplement essayer d’adapter le système à Maurice. Ce projet coûtera Rs 52 milliards, et une bonne partie sera consacrée aux études.
Roches-Noires Smart City et Mossack Fonseca
Le projet de Roches-Noires Smart City est développé par Island Summer Palace Ltd, dont l’unique actionnaire est Right Ocean Enterprises. Celle-ci a été incorporée le 21 janvier 2011 aux British Virgin Islands par le cabinet d’avocats Mossack Fonseca, rendu célèbre depuis le scandale des Panama Papers. Les deux compagnies sont des filiales du groupe YIHE, basé en Chine. Island Summer Palace Ltd, enregistrée auprès du Registrar of Companies le 24 août 2012 avec un capital de Rs 10 000, est dirigée par trois ressortissants chinois, dont un vit à Maurice. À son incorporation, c’est un Mauricien qui était le secrétaire de la compagnie. Après sa démission, la firme AAA Corporate Secretarial Services s’est chargée de cette fonction.
Tout a commencé à Rodrigues…
Les Wong So font partie de ces rares émigrants en provenance de la Chine qui se sont directement rendus à Rodrigues. C’est à Baie-du-Nord qu’ils ont élu domicile.
«Notre père a toujours insisté pour que nous investissions nos efforts dans l’éducation», affirme Claude Wong So. Et la leçon a été bien retenue. Aujourd’hui, les Wong So comptent une cinquantaine d’universitaires dispersés dans différentes parties du monde, les États-Unis, Londres, France, Hong Kong.
Des dix enfants, on relève trois médecins, deux filles qui ont terminé leur carrière comme maîtresse d’école, Guy Wong So, qui a passé les plus longues années de sa carrière à ce qui était alors le ministère du Plan comme directeur. La famille était engagée dans le commerce. Les Wong So ont été parmi les premiers habitants de l’île à s’acheter des jeeps qui, à l’époque, étaient utilisés comme principal moyen de transport.
Claude Wong So est détenteur d’une bourse de fin d’études primaires et a fait ses études au collège Royal de Port-Louis. C’est un ingénieur en génie civil et de Safety Hygiene. Il a été impliqué dans l’introduction de maisons préfabriquées à Maurice avec la société Building and Engineering. Il a été, dans le passé, le Project Manager pour le compte de la société Jade d’Alex Fong Sing.
Il a été le premier Rodriguais à occuper le poste d’Island Secretary. Il n’avait que 35 ans à l’époque. Il a été la cheville ouvrière de la refonte de l’administration de l’île en prévision du passage à l’autonomie administrative. Claude Wong So a ensuite été fait Island Chief Executive par la Public Service Commission avec la bénédiction du Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, en octobre 2002 tandis que Serge Clair qui venait d’être élu comme chef commissaire de Rodrigues avait une préférence pour Jean- Claude Pierre Louis qui avait également assuré le poste d’Island Secretary de 1998 à 2002. Il a laissé son empreinte dans la mise en place de gros travaux de développement infrastructurel à l’aéroport, au port et dans le domaine routier.
Cette nomination devait être source de conflits entre les deux hommes forts de Rodrigues. Son contrat n’a pas été renouvelé en octobre 2004 alors que Paul Bérenger était le Premier ministre. Claude Wong So a été remplacé finalement par Jean-Claude Pierre-Louis à la tête de l’administration rodriguaise. Ce remplacement devait même faire l’objet d’une question parlementaire.
Chairman d’Airport of Rodrigues
Qualifiant Claude Wong So de «professionnel superbe», Paul Bérenger devait admettre qu’il y avait une tension à la tête de l’administration de Rodrigues. «Je reconnais que, malheureusement, les relations entre le chef commissaire, ses commissaires et Claude Wong So sont devenues tendues», avait-il répondu à Nicolas Von- Mally, qui était un député.
Vers la fin de sa carrière à Rodrigues, Claude Wong So a été sévèrement critiqué dans une lettre anonyme. Mais son détracteur n’a jamais pu relever le défi d’un face-à-face. Après avoir quitté Rodrigues, Claude Wong So a toujours gardé contact avec l’île en tant que président du conseil d’administration d’Airport of Rodrigues.
S’agissant de sa famille, c’est en janvier 1978 que Claude Wong So épouse Thin Tsing Soo Lam Wah. Ils ont deux fils, Michael et Peter, qui ont suivi les traces de leur père.
Michaël est ingénieur spécialisé dans les projets d’infrastructure et a passé de longues années à Londres avant de rentrer au pays. Peter, le second fils, est aussi ingénieur dans le domaine de la consultancy pour ce qui est de la construction de ponts. Il est à Hong Kong.
Publicité
Les plus récents