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Yan Hookoomsing: «Sous le bitume, il y a peut-être des fossiles!»

8 mai 2016, 13:45

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Yan Hookoomsing: «Sous le bitume, il y a peut-être des fossiles!»

La polémique autour de la construction de Le Chaland Resort Hotel, à La Cambuse, continue à faire des vagues. Et même si le permis EIA a déjà été octroyé, les opposants à ce projet persistent à donner de la voix. La parole à Yan Hookoomsing, de la plateforme Aret Kokin Nu Laplaz.

Quelle est la valeur écologique de La Cambuse ?

Inestimable ! Cela englobe toute une zone, dont Mare-aux-Songes, qui se trouve à l’arrière. Il y a également le parc marin de Blue-Bay. Les dunes de sable de La Cambuse participent à la protection de la faune et de la flore. C’est tout simplement un bijou que nous avons là…

Mais encore ?

Les scientifiques considèrent que Mare-aux-Songes est un des sites les plus riches au niveau mondial en termes de paléontologie. L’on pense notamment aux ossements de notre dodo national qui y ont été retrouvés. Mais aussi, les dunes de sable que l’on retrouve dans cette région sont parmi les derniers qui sont encore intacts à Maurice. Et puis on a la plage publique. Nous n’en avons pas beaucoup puisque seuls 10% de notre zone côtière sont des plages publiques contre 20% occupés par les hôtels et les terrains de golf. Dans l’ensemble, au risque de me répéter, de La Cambuse à Le Bouchon, l’on a des endroits qui abritent les derniers ‘coins sauvages’ de notre île. Mettre du béton là est un non-sens.

Quels seront les effets néfastes de ce développement ?

Je ne qualifierai pas cela de développement mais de destruction! Un développement, c’est quelque chose qui va créer des emplois durables et dignes pour des gens. Un hôtel qui compte en créer 300, ce n’est pas du développement!

Les projets «contestables» ne manquent pas. Pourquoi vous focalisez-vous sur Le Chaland uniquement?

Je suis un citoyen mauricien amoureux de mon pays, amoureux fou de ce coin de Maurice. Si celui-ci part, ce sera un peu comme si on m’enlevait un peu de mon âme et de mon cœur… On va hanter les centres commerciaux pendant les week-ends. Ce n’est pas cette facette-là de Maurice qui me fait rêver. J’aurais aimé pouvoir me battre également pour St-Felix, Roches-Noires, etc. Malheureusement, j’ai un emploi et je dois quand même subvenir aux besoins de ma famille! Je sacrifie volontiers mon temps libre, mes loisirs, à titre bénévole. Ce genre de combat prend beaucoup de temps, donc je peux, pour l’instant, me concentrer uniquement sur La Cambuse.

Oui, mais en dépit de vos contestations, le promoteur, le groupe Currimjee, a déjà obtenu le permis EIA…

C’est à n’y rien comprendre ! Il n’y a qu’à lire le rapport EIA pour constater que cet hôtel sera construit au milieu des dunes de La Cambuse. Il n’y a quasiment aucune remarque sur le parc marin de Blue-Bay, alors que quelques semaines avant que l’on ne remette le rapport, le United Nations Development Programme avait présenté des données au ministère de la Pêche ainsi qu’un plan pour la gestion du parc, qui disait que celui-ci était ‘mourant’ et que cet endroit ne supporterait pas la présence d’un autre hôtel. Il est donc révoltant de constater que des experts, qui ont fait de grandes études de surcroît, n’aient pas pris tout cela en compte. Et ce qui est vraiment révoltant, ce sont les remarques des autorités qui disent: «Ah, vous auriez dû protester contre cela pendant les trois semaines de délai accordées au public!»

Au final, est-ce trop tard ? Votre coup de gueule n’est-il pas un coup d’épée dans l’eau, aujourd’hui plus qu’hier?

Nous interpellons une nouvelle fois le ministre de l’Environnement Alain Wong. Qu’il nous accorde un rendez-vous pour qu’on lui présente, en détail, ce projet. La loi stipule qu’un ministre a le pouvoir de révoquer un permis EIA…

Vous avez manifesté contre la nouvelle route construite par le promoteur, mais il s’agit-là d’une condition imposée par le gouvernement… Est-ce que vous avez une dent contre le promoteur, justement?

En fin de compte, ce n’est pas tellement le promoteur qui nous dérange. Il y avait là-bas une jolie route, bordée de badamiers, que les Mauriciens ont utilisée pendant presque 40 ans. Cela faisait partie du charme pour ceux qui se rendaient à La Cambuse. Alors pourquoi cet accès a-t-il été bloqué? Il suffisait de le réaménager. Le fait est que la route en question est «réservée» à l’usage exclusif des futurs clients du promoteur. Et à nous Mauriciens, on nous force à emprunter une autre voie!

Revenons-en à nos moutons ou plutôt à nos oiseaux. Vous prétendez que le «cimetière de dodos» se trouve à quelques pas de la nouvelle route. Sur quoi vous basez-vous?

Sur les dires des scientifiques du Cultural Heritage Impact Assessement et ceux du Dodo Alive Research Group. Ils ont expliqué pourquoi il fallait laisser une distance de 100m entre cette route et Mare-aux-Songes. Or, la route passe à 30 m et ne respecte pas la zone tampon. Sous le bitume, il y a peut-être des fossiles!

Cela fait pas mal de «peut-être»…

Il suffit de contacter les chercheurs de l’université de Maurice ou ceux du Dodo Alive Research Group, ils vous donneront toutes les preuves et les résultats des recherches. On ne compte plus, d’ailleurs, les articles qui sont parus à ce propos dans la presse internationale.

Ok pour le dodo, mais le promoteur affirme tout de même avoir pris en compte tous les aspects environnementaux – dunes, parc marin – et que l’hôtel sera construit à 100 m et non à 30 m de la plage.

Il faut comprendre que cet hôtel sera construit sur des dunes de sable! Les 100 m qui le séparent du High Water Mark? Une aberration! Le promoteur lui-même explique que la dume s’étale jusqu’à 250 m derrière cette ligne de démarcation. Donc, ce ne sont pas 100 m mais au moins 250 m qu’on aurait dû laisser!