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Percy Yip Tong: «Le défi pour les artistes est d’être vraiment représentatifs de Maurice»

15 mai 2016, 15:06

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Percy Yip Tong: «Le défi pour les artistes est d’être vraiment représentatifs de Maurice»

Cyper Produktion, organisme s’occupant de la production et du management de groupes d’artistes depuis 1986, fête cette année ses 30 ans d’existence. De Kaya à Menwar, en passant par plusieurs artistes africains, Cyper Produktion, avec à sa tête Percy Yip Tong, a œuvré pour mettre en lumière plusieurs artistes de la région. Percy Yip Tong se prête au jeu de nos questions.

Cyper Produktion fête ses 30 ans. Quel est le bilan de toutes ces années?

Ces 30 ans sont passées si vite. Ce n’est qu’il y a deux mois que j’ai réalisé que Cyper Produktion avait 30 ans! Sans doute parce que ces années n’ont pas été monotones avec des ‘hauts’ énormes et des ‘bas’ vertigineux. J’ai aussi ressenti de l’incompréhension autour de moi malgré de belles réussites artistiques et culturelles. J’ai été meurtri quand la rumeur s’est répandue que j’avais volé Kaya alors que j’ai sacrifié trois ans de ma vie et mon argent pour lancer Kaya et le seggae. Mais aujourd’hui, je suis heureux car ces moments difficiles ont été récompensés

Quels ont été ces ‘hauts énormes’ ?

Je pense au stade de Rose-Hill avec plus de 40 000 personnes venues acclamer Kaya et Racinetatane, Michel Legris, Natir et d’autres groupes. Ils ont vibré au son du seggae. Le public chantait en choeur Morisien to Rasinn pé Brilé, uni autour du mauricianisme. Ce fut un concert mémorable et historique. J’ai aussi été marqué par les Prix Internationaux reçus par mes groupes venant du Ghana (Prix Mondomix) et du Kenya (Prix Radio France), élus meilleurs groupes de World Music en France au Babel Med.

Les ‘bas’ ont été vertigineux, dites-vous…

Je pense à la cérémonie de clôture des Jeux des Iles où un ministre et un directeur d’agence m’ont obligé à modifier le programme du spectacle à la dernière minute. Et ce, malgré qu’il avait été approuvé par le comité organisateur des Jeux des Iles depuis plus de deux semaines. Plusieurs artistes, qui avaient unifié les Mauriciens lors des concerts du parcours de la flamme à travers l’île pendant dix jours, ont été virés la veille de la cérémonie de clôture sans explication. Autre moment ‘bas’ : l’annulation de mon concert gratuit ‘Jalsa 2000’ à Tamarin pour le réveillon de l’an 2000. Alors que mon concert avait pour objectif de faire oublier les trois jours d’émeutes mortelles qui avaient ravivé le racisme et dire plus jamais ça, on m’a accusé d’être un provocateur. J’ai dû donner les raisons derrière l’organisation de ce concert. Le fait que c’était gratuit était louche. On m’a même demandé si c’était l’opposition qui m’avait demandé de monter ‘Jalsa 2000’. J’ai alors eu la preuve que LIL MORIS était une république bananière…..pour beaucoup, elle l’est toujours aujourd’hui…

Cyper Produktion a travaillé avec beaucoup d’artistes africains. Est-ce plus difficile de travailler avec les Mauriciens?

Oui, c’est beaucoup plus facile de travailler avec les Africains car comme je viens d’un pays étranger, ils écoutent mieux mes conseils. A Maurice, les artistes écoutent davantage un étranger que moi. Les artistes africains sont aussi plus reconnaissants que les artistes mauriciens car ils réalisent la chance qu’ils ont de pouvoir tourner en Europe avec moi. C’est vraiment très dur de monter une tournée européenne avec le nombre de groupes à travers le monde, qui sont en compétition pour jouer dans des festivals. Aujourd’hui, après 30 ans de galères et de joies, je préfère travailler avec des artistes humainement riches qu’avec des artistes doués mais caractériels ou égocentriques.

Alors qu’on parle toujours de représentation mauricienne à l’étranger, quels sont, en 2016, les défis à relever pour les artistes locaux désireux de se faire connaître ailleurs?

Le défi c’est d’être vraiment représentatif de l’île. Et pour cela, il faut que la ravanne soit au centre de la musique. A Maurice, Menwar par exemple, attire moins la foule et vend moins de CD que d’autres artistes locaux. Mais à l’international, ces artistes jouent pour la diaspora mauricienne alors que Menwar joue dans des festivals où les têtes d’affiches sont Stevie Wonder (Montréal), Santana (Nouvelle Orléans) ou des stars africaines comme Youssou NDour et Cesaria Evora en France. Tout cela parce que la ravanne est au cœur de sa musique et que le public et les festivals à l’étranger cherchent plus une musique identitaire que la pop commerciale.

Vous lancez actuellement deux groupes mauriciens, Mauravann et Koool Kreol Konektion. Quel est l’esprit derrière ces groupes et le marché ciblé?

Mauravann a été monté autour de Linzy Bacbotte avec qui je voulais travailler depuis longtemps. Mais elle n’a jamais voulu tenter l’aventure acoustique autour de la ravanne. Quand finalement, elle s’est sentie prête, j’ai ajouté Kerwin Castel, qui a tourné avec Menwar et moi pendant plus de quatre ans dans divers pays, Samuel Dubois, son élève de l’école de ravanne de Cassis, et Manou Desroches, jeune guitariste talentueux à la voix intéressante. Mauravann propose du Séga World Music de haut niveau qui, je l’espère, fera aussi bien que Menwar dans les grands festivals de World Music.

Le deuxième groupe que je présenterai pour la première fois au Samemsa 2016, je l’ai baptisé Koool Kreol Konektion et il regroupe les légendes du séga. C’est suite au succès international de la sortie de l’album Soul Sok Sega à Londres que j’ai eu l’idée de regrouper les artistes encore vivants figurant sur l’album. Soul Sok Sega, qui est une compilation de ségas des années 70, gravés sur disques vinyl. Cet album a eu des critiques médiatiques élogieuses en Europe, en Amérique, en Asie et en Australie. A la suite de ce succès inattendu, le label londonien a voulu savoir si ces ‘vieux’ ségatiers pouvaient faire une tournée en Europe. Car les vieux cubains de la formation Buenavista Social Club ont donné ces dernières années des concerts dans le monde entier et leurs CD ont gagné trois Grammy Awards. Si j’arrive à faire avec la Koool Kreol Konektion 10% de ce que le Buenavista Social Club a réussi, je serai plus qu’heureux.

Bref avec Mauravann et la Koool Kreol Konektion, c’est le début d’une nouvelle aventure qui, je l’espère, mènera le séga et la ravanne vers une reconnaissance internationale.

Comment s’annonce l’avenir pour Cyper Produktion ?

L’avenir de CyperProduktion s’inscrira dans la continuité de ces dernières années. Elle se trouve en Afrique. Je suis le directeur artistique et le manager de cinq groupes africains aujourd’hui: Gargar du Kenya, Wanlov du Ghana, Cheny Wa Gune du Mozambique, Elisouma des Comores et Tarika Sammy de Madagascar. Avec enfin aussi un groupe de Maurice, Mauravann.