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Exposition: voyage au bout du monde
De l’art contemporain qui vous fait écarquiller les yeux. Sans faire la grimace. Oubliez vos idées préconçues. Surtout cette peur d’être confronté à des oeuvres hermétiques. C’est dans le jardin magique du Château du Réduit que s’est ouvert, le jeudi 19 mai, l’exposition The edge of the world. Manifestation gratuite qui restera accessible au grand public jusqu’au dimanche 29 mai.
Il s’agit d’une initiative de la présidente de la République Ameenah Gurib-Fakim. L’objectif: ouvrir le majestueux jardin de la résidence d’État à l’art contemporain, tout en jetant un pont entre neuf plasticiens et le grand public. Dans tous les cas, vous en serez quitte pour une belle balade dans ce jardin, qui n’est accessible que deux fois l’an. Quelques-uns des plasticiens lèvent un coin du voile sur leur travail.
Cocktail explosif d’Odette Bombardier
Invitation à un cocktail surréaliste, à la fois drôle et grinçant. C’est ce que lance Odette Bombardier – pseudonyme de la plasticienne – qui expose pour la première fois à Maurice. Née ici, elle est de retour au pays après 28 ans à Paris, où elle a travaillé dans la conception d’accessoires de mode.
Point de départ de son installation: un clin d’oeil au Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet. Oeuvre qui fit polémique en son temps, à cause du nu féminin qui, du tableau, vous regarde droit dans les yeux.
Pour le cocktail, Odette est un mannequin très légèrement vêtue, allongé dans une pose «j’me la pète», explique la plasticienne. Quant à ses invités, attention ils pincent. Aidée par Alain Chevalier, Odette Bombardier a conçu 30 crabes «trouloulou» en résine. Des «Zérar», comme elle les surnomme, qui ont chacun une personnalité. Il y a le crabe au chapeau à plume années 20, le crabe Kaya «avec une feuille dans sa résine», le «zougader» tricheur avec ses jetons de casino, le crabe Arsène Lupin, celui qui a une montre Rolex. Le crabe, pour Odette Bombardier, c’est, plus qu’un motif récurrent, une sorte d’animal de compagnie. Elle raconte les avoir promenés en laisse. Des spécimens vivants comme en toque. Cocktail chez Odette est une oeuvre – un panier à crabes – à prendre au second, comme au dixième degré.
Sur des charbons ardents avec Nirmal Hurry
Retrouver la mémoire de l’arbre. Toutes ces victimes silencieuses coupées pour faire place à l’Homme. C’est une oeuvre en forme d’hommage à l’arbre inconnu – comme au soldat inconnu – que rend Nirmal Hurry. The unknown tree, c’est l’ombre de deux arbres, tracée au charbon. Deux arbres à la fois fantômes et pourtant bien réels. Le visiteur pourra se promener entre les deux et faire lui aussi partie de l’oeuvre. «Le charbon, pour moi, c’était une matière qui pollue, mais je me suis rendu compte que le charbon rend la terre fertile, il est utilisé en cuisine. Servi sa dan lamor, dan mariaz.»
Jacques Wong So : ces pierres qui tiennent toutes seules
Défi technique : faire tenir des pierres en forme d’arche et de totem, sans colle ni mortier. Défi relevé par Jacques Wong So, plasticien de Rodrigues. Ses pierres, il les a trouvées sur un site de construction à Grand-Baie. Au total, ce sont sept constructions pour «quadriller la zone», intitulées The edge. «On utilise la pierre pour faire des routes, des bâtiments, lors des funérailles pour des pierres tombales. J’ai voulu montrer une utilisation de la pierre différente de ce à quoi on est habitué. Mes oeuvres sont irrégulières mais elles tiennent en équilibre.» Ses sept constructions, Jacques Wong So les a peintes en bleu. «À l’état naturel, les pierres auraient été moins visibles», justifie-t-il. «Le bleu a une symbolique dans le drapeau national.»
Christophe Rey : à l’ombre de l’indépendance
Le pur hasard. C’est ce qui a conduit Christophe Rey à l’arbre planté en 1965 dans le jardin du Château du Réduit par Anthony Greenwood. «Au début je ne savais pas qui c’était. Pour moi, c’était juste un homme dont la vie était réduite au fait d’avoir planté un arbre.» Depuis, le plasticien s’est renseigné. Découvrant qu’Anthony Greenwood, secrétaire d’État aux colonies britanniques, est un personnage clé de l’histoire pré indépendance de Maurice. Il avait effectué une visite au pays pour préparer la décolonisation. Avant de participer à la conférence de Lancaster House en 1965, où les dirigeants des partis locaux de l’époque ont discuté de l’indépendance de Maurice – et de l’excision de l’archipel des Chagos – avec les Anglais.
Le monde à l’envers de Geereesha Torul
Le bout du monde ? Connaît pas. D’où le Unknown de Geereesha Torul. «J’ai eu envie de reproduire la sensation d’arriver dans un endroit inconnu.» Résultat, la jeune plasticienne, qui est rentrée à Maurice il y a un an après des études en beaux-arts en Australie, a imaginé une «camera obscura», une chambre noire. Une perte de repères où le visiteur ne saura pas «si li andan, si li déor. Il aura des sentiments mitigés, mais en même temps, ce sera une expérience agréable», promet Geereesha Torul.
Sélection par un jury international
D’autres artistes établis, ainsi que des talents émergents exposeront dans The edge of the world. Le public pourra admirer L’arbre aux feuilles bleues d’Alix le Juge. De même que les oeuvres de Gavin Poonoosamy, Kavinash Thomoo, la piscine d’Oliver Maingard, ou encore celle du collectif qui représente le Tamarin Art Centre : Leanda Brass, Fabrizio Dallepiane et Tania Haberland. Ces oeuvres ont été sélectionnées sur dossier par un jury international composé de trois commissaires d’exposition: l’Indienne Zasha Colah, Béatrice Binoche, directrice du Fonds régional d’Art Contemporain de La Réunion et la Sud-africaine Kabelo Malatsie.
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