Simple coïncidence ou pas, le premier Budget de Vishnu Lutchmeenaraidoo faisait étrangement provision pour un budget de développement de Rs 12,6 milliards, soit presque le même montant de la dotation que le gouvernement indien se propose d’accorder aux autorités mauriciennes. Et ce, en contrepartie de la décision du ministre des Services financiers Roshi Bhadain de céder aux pressions indiennes visant à réviser le traité fiscal. Plus particulièrement les deux clauses qui ont fait le succès du Global Business: la Capital Gains Tax et l’exemption de la taxe sur les intérêts bancaires

Toutefois, une question s’impose. Cette manne financière influera-t-elle positivement sur la préparation du second Budget, qui sera présenté par sir Anerood Jugnauth le 6 juin 2016. «Il ne fait pas de doute que cette compensation donnera une certaine marge de manœuvre au Grand argentier dans la mesure où le gouvernement n’aura pas à accorder une trop grande enveloppe pour financer ses projets d’infrastructure», explique un économiste qui a requis l’anonymat.

Du coup, Rajiv Servansingh, observateur économique, estime de son côté, que le Premier ministre dispose aujourd’hui d’une certaine marge pour réconcilier ses impératifs économiques aux exigences sociales de la population. Mais jusqu’où ? se demande-t-il.

Plusieurs spécialistes estiment que sans cette compensation financière, le Premier ministre aurait été sur la corde raide au moment d’équilibrer son Budget, alors même qu’il est nécessaire de maintenir le déficit budgétaire dans les mêmes proportions que celles de 2015 à 2016, soit à 3,5% du produit intérieur brut (PIB), à défaut d’une baisse.

«L’hypothèse de croissance de 5,3% projetée pour l’année fiscale 2016 et de 5,5 % pour 2017 n’ayant pas été atteinte, il n’y a pas eu ce dynamisme fiscal nécessaire pour booster les revenus fiscaux», souligne un économiste indépendant. Certes, il faudra attendre le prochain Budget pour se fixer sur les projections des principaux indicateurs économiques en 2016. À l’instar des revenus fiscaux estimés à Rs 77,8 milliards pour l’année fiscale 2015-2016 et de Rs 97,8 milliards en 2016- 2017. Ce qui devrait constituer une légère hausse par rapport à l’année calendaire 2015 (Rs 75,3 milliards).

Dette publique

Et quid de la taxe douanière ? La tendance pointe vers une baisse. D’ailleurs, les estimations pour 2015- 2016 indiquent une légère baisse : Rs 1,27 milliard, contre Rs 1,29 milliard en 2015. Les statistiques des importations en février 2016 montrent une tendance baissière, soit Rs 11,9 milliards contre Rs 12,8 milliards pour la même période en 2015. «Une baisse des importations entraîne moins de taxes douanières pour le gouvernement et par ricochet moins de revenus pour l’État», insiste un ex-ministre.

Reste la dette publique. Le ministre Bhadain l’a clairement fait ressortir. Maurice doit, dit-il, ramener le taux de la dette publique à 50% du PIB en 2018. Or, en 2015, elle s’élevait à 55,9% du PIB et à 54,1% en 2014. En 2018, elle devrait se chiffrer à 53,7% du PIB. Certes, sans cette dotation, dont une partie (Rs 3,6milliards) sera utilisée pour financer la construction d’Heritage City, le gouvernement aurait eu à emprunter sur les places financières ou avoir recours en partie à l’émission des redeemable preference shares, ce qui exercerait des pressions sur la dette publique.

Compensations, dotations ou cadeau empoisonné ? L’avenir se chargera de répondre à cette question…

Les promesses de 2015-2016

Smart cities, technopôles, développement portuaire, projets routiers sous le Road Decongestion Program… autant de projets annoncés en fanfare par le gouvernement Lepep pour la relance de l’économie. Un peu plus d’un an après, certains projets n’arrivent toujours pas à sortir de terre. Zoom sur quelques-uns d’entre eux.

Huit Smart Cities ou villes “intelligentes”

La création de huit smart cities, génératrices d’emploi, au coût de Rs 120 milliards sur une superficie de 7 000 arpents.

LES PROJETS ANNONCÉS

Heritage City

C’est un «chef-d’œuvre» qui devrait sortir de terre. Selon le plan directeur, d’abord le nouveau Parlement et le bureau du Premier ministre seront construits d’un côté et des résidences de l’autre. Entre les deux, le plan directeur prévoit des espaces commerciaux, une salle de conférence, des espaces verts, des allées et des routes d’accès qui rendront la circulation fluide. Les travaux devraient durer trois ans. Superficie : 145 arpents.

Le projet de Riche-Terre

Bâtiments industriels, entrepôts, bureaux privés, espaces pour Petites et moyennes entreprises (PME…c’est à Jin Fei que cette nouvelle ville sortira de terre. Superficie : 175 arpents.

Le parc intégré de Médine

Plusieurs phases sont associées à ce projet. La première comprend la construction de villas de type Integrated Resort Scheme. Celle-ci est terminée. Un hôpital et une université sont prévus. Des zones seront aussi réservées au développement du secteur des technologies informatiques et de la recherche, ainsi qu’à l’aménagement d’une marina, entre autres. Superficie: 547 arpents.

Le village de St Félix

Ce sera une ville écologique de la propriété de St-Félix dans le Sud, abritant commerces, bureaux et centres de recherche. La technologie informatique y aura sa place. Des résidences seront aménagées pour des étrangers ainsi que des Mauriciens de «toutes les couches sociales». Le promoteur prévoit un plan d’intégration sociale. Superficie : 598 arpents.

Le projet de Terra

Beau Plan Smart City devrait être construit à proximité de l’Aventure du Sucre, sur une superficie de 500 hectares. Le plan comprendra un campus universitaire pouvant accueillir 7 000 étudiants étrangers, une zone résidentielle, dont un village pour les seniors, etc. Superficie : 1 227 arpents.

La phase II d’Azuri

Cette seconde phase est un projet résidentiel destiné à la clientèle locale. Celui-ci comprend 114 appartements, notamment des duplex et penthouses. Autres facilités : gymnase haut de gamme, piscine et café.

Le projet de Roches-Noires

Ce projet résidentiel, calqué sur l’Integrated Resort Scheme, mais avec quelques modifications, est un pro jet de longue date qui va être relancé. Superficie : 850 arpents.

La ville aéroportuaire d’Omnicane (Mon Tresor Smart City)

Ce projet qui vise à développer les terres à proximité de l’aéroport comprendra une zone industrielle et des activités dans le domaine des technologies et de l’infor matique, des activités touristiques et résidentielles. Est également prévu l’aménagement d’un parc autour de Mare-aux-Songes. Superficie : 1 142 arpents.

Les huit autres projets :

D’autres promoteurs ont signifié leur intention de se lancer dans la construction des smart cities. Ils sont : Mont Choisy (413 arpents), Domaine Les Pailles Yihai (97 arpents), Royal St Louis (51 arpents), Moka Smart City (413 arpents), Trianon City (93 arpents) et Cap Dal Smart City (Cap Tamarin) (105 arpents).

LES PROJETS RÉALISÉS

Aucune smart city n’est sortie de terre. Des 16 projets, 10 ont reçu leur Letter of Comfort alors que seulement deux ont reçu leur Letter of Intent (document détaillant les termes de l’accord entre les promoteurs et les autorités). Ils sont Cap Dal Smart City, et Mon Trésor Smart City.

Projet ne figurant pas sur la liste du Budget

Plaisance Eco-city

C’est le Premier ministre qui a procédé à la pose de la première pierre le 28 avril. Ce projet de ville durable au coût de Rs 4 milliards, comprend 1 200 logements destinés à la classe moyenne ainsi qu’un Business Park. Il sera autonome en électricité, alimenté par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. Les travaux devraient commencer en juillet. Au total, 10% de la concep tion du projet sera alloué aux petits entrepreneurs.

Cinq Technopôles

Les Technopoles accueilleront des start-up et des entreprises avec des technologies innovantes.

Rivière-du-Rempart :

Toujours en chantier. Il devrait être opérationnel fin juillet. Superficie : 2 300 m2 .

Rose Belle Technopark:

Le bâtiment devrait être prêt fin août. Superficie : 2 300 m2.  Flacq, Bambous et Highlands sont toujours au stade de planification

Agalega

750 millions pour la construction d’une nouvelle piste d’atterrissage et de nouvelles jetées.

Décongestion routière

Plusieurs projets ont été annoncés. Il s’agit de la construction d’autoponts, un projet de ferry visant à réduire le trafic à Port-Louis, d’un flyover à la rue Decaen pour réduire le trafic entrant et sortant de Port-Louis et la construction d’un pont reliant Coromandel à l’autoroute A1-M1 Link Road. Aucun projet n’est sorti de terre.

Port

Le projet : la transformation de la rade de Port-Louis en un hub régional, un élément clé pour l’économie de l’océan. Le but: offrir des opportunités aux PME, créer des milliers d’emplois et accueillir des “milliers” de navires. Le projet comprend le développement de la zone côtière entre Grande-Rivière-Nord-Ouest et Baie-du-Tombeau. L’État souhaite que Dubai Ports World apporte son expertise pour développer le port en un «World Class Service» et gérer les conteneurs et le fret. Le port de pêche de Bain-des-Dames connaît un retard. Au coût de Rs 14,4 milliards, il était prévu que les premiers coups de pioche soient donnés en mars.

Petites et Moyennes Entreprises

Projet annoncé

Une One-Stop Shop qui aura pour centre névralgique, le bâtiment de la SICOM à Ébène. La création de la SME Bank qui offrira des prêts sans garanties aux PME. Rs 10milliards pour les cinq prochaines années avec un capital de Rs 200 millions et une ligne de crédit de Rs 2milliards de la part du gouvernement pour sa première année d’opération.

Projet réalisé

MyBiz, service bancaire dédié aux PME, a été lancé le 14 décembre dernier dans les locaux de l’ancien bâtiment de la BAI à Port-Louis. Il est opérationnel dans dix succursales de MauBank, à travers l’île. Port-Louis, Triolet, Rivière-du-Rempart, Flacq, Mahébourg, Rose-Belle, Chemin-Grenier, St Pierre, Quatre-Bornes et Malabar, Rodrigues ont leur Smart SME Branches, qui offriront à la fois des solutions bancaires et non bancaires aux PME, aux start-up et aux coopératives, entre autres. Service d’accueil, renseignements généraux et mise en place initiale de projets… sont autant de services que proposent MyBiz.

SME Parks

Sept SME Parks ont été annoncés dans le Budget. Ils seront créés en sus des trois sites existants. Les sites identifiés sont : Solitude sur une superficie de 15 arpents et qui comprendra 40 unités, Vuillemin qui devrait débuter en 2016, Wooton, Henrietta, Cité la Cure ou Chebel.