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Port-Louis : vente à l’encan, ce marché qui ne dort pas
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Port-Louis : vente à l’encan, ce marché qui ne dort pas
«Nou koumansé, sink pias (voir hors-texte) enn, sink pias dé, dé pias sinkant pou Latif !» Il est quatre heures du matin, jeudi. Alors que la majorité de la population du pays est encore dans les bras de Morphée, ici ça ne rêve pas. Ça bosse dur et ce, depuis bien avant notre arrivée. Ça soulève des cageots, ça donne de la voix – parfois sur un ton chantant –, ça répertorie les ventes. Nous sommes au cœur de Port-Louis, à la route Militaire, où se déroule la vente à l’encan (auction sales) des légumes
Jamais entendu parler ? Vous n’êtes pas le seul. Car la vente à l’encan vise principalement les colporteurs et les marsan bazar. C’est ici que viennent s’approvisionner les marchands du marché central ainsi que ceux de plusieurs régions. Ces enchères leur permettent d’avoir des produits frais tous les jours
Elles se font six jours par semaine, le dimanche exclu, nous explique Asraf Rahmatbai, qui cumule à la fois le boulot de planteur et de grossiste. «Je sors de chez moi à Nouvelle-France vers 11 h 30 pour arriver ici à l’heure. Je vends principalement des épices !» Des épices ? Mais non, le monsieur fait plutôt référence aux fines herbes (pas de la variété que l’on fume). «Ditin persi, kotomili, laké zwanion, kan ou maryé ou vinn lamem !»
Outre ses fines herbes, Asraf Rahmatbai nous précise qu’il préfère vendre lui-même ses légumes pour éviter de payer une commission aux encanteurs. Ces derniers sont près d’une vingtaine dans le marché.
«Je fais partie de la troisième génération de ma famille à être encanteur», nous indique Binesh Gooriah, assis parmi des dizaines de sacs de pâtissons et autres légumes. Il est de ceux qui ont été témoins de la naissance de la nouvelle vente à l’encan dans les années 2000. Malgré les horaires difficiles – il est au marché de 1 heure à environ 10 heures – ce fan de Liverpool dit aimer son métier.
Piment, ail, giraumon, aubergine, manioc... les narines sont titillées par les effluves du terroir. Quelques fruits sont aussi aperçus, bananes et ananas. Mais il faudra repasser pour cette vente.
Les caisses et les sacs de légumes sont posés à même le sol. Les acheteurs s’approchent, examinent et soupèsent avant de s’aventurer à demander le prix. Ces jours-ci, ce sont les pommes d’amour qui ont la cote, nous confient plusieurs habitués. En témoigne également la présence de nombreux acheteurs amassés autour d’une enchère. À environ Rs 500 la caisse, la livre revient aux alentours de Rs 12.
«Les prix des légumes varient selon les jours, ils ne sont jamais fixes, nous explique Subhas Nunkoo, planteur. Mais la vente ne s’achève pas tant que les légumes ne sont pas écoulés.» Quitte à liquider ce qui reste pour quelques roupies.
QU’EST-CE QU’UN ENCANTEUR ?
<p>Un encanteur est un médiateur entre les planteurs et les marchands-acheteurs. Il se charge de récupérer les produits frais auprès de différents planteurs, gros ou petits, ou même auprès de certaines propriétés, pour les revendre aux enchères. Sur chaque vente, il touche alors une commission qui varie entre huit et dix pourcent.</p>
À quelques pas, Dilver Sanassy nous révèle que «zordi lavant mos». Encanteur depuis deux ans, le jeune homme préfère l’ambiance animée des samedis matin. «Il y a alors plus de marchands, d’acheteurs et de gros clients.» Certains, poursuit-il, achètent des centaines de livres tandis que d’autres achètent de petits lots. À l’instar du couple Camben qui est justement en train de faire son stock pour son ti-bazar. «Nous venons ici deux fois par semaine, tôt le matin. C’est tout nouveau pour nous car nous n’avons ouvert notre boutique que récemment.» Un encanteur en particulier ? «Nous cherchons toujours nos repères.»
Cependant, il y a aussi les habitués qui viennent s’approvisionner en produits frais depuis des années. Vikram Boodhoo, par exemple, sait avec quels encanteurs ou marchands il aura les meilleurs rapports qualité- prix. Ses fines herbes, il les achète à Rs 2 000 ou Rs 3 000, d’un coup. «Je les sépare et les mets en petites bottes que je vais ensuite placer dans certains supermarchés.»
Non des moindres, les< porteurs> ont aussi un rôle à jouer. Certains marchands du marché central se paient les services d’un camion pour transporter leurs produits. Pedro, chauffeur de camion, empile caisses et sacs dans la benne de son véhicule. Affairé, il nous explique en même temps qu’il transporte des légumes au quotidien pour environ une dizaine de marchands.
«Il n’y a qu’un seul trajet, dès que le camion est plein», nous dit-il, avant de prendre la route dans son camion plein à ras bord, en direction du marché central, quelques centaines de mètres plus loin. Comme Pedro, nous quittons les lieux avant l’aurore.
PIASTRES CONTRE ROUPIES
<p>Contrairement aux marchés où les prix sont affichés en roupies pour les légumes et autres condiments, à la vente à l’encan c’est une autre paire de manches. D’une, les prix ne sont pas affichés. Ce sont plutôt les encanteurs qui se chargent de les faire connaître lorsque commence la vente. De deux, ce n’est pas en roupies mais en piastres que sont vendus les légumes et autres végétales. Une piastre, un héritage français qui nous a été légué au fil des générations, varie de Rs 2 à Rs 200 selon les légumes. Bien sûr, il ne s’agit là que d’un système représentatif monétaire utilisé pour faciliter les choses car, au final, c’est quand même en roupies que les acheteurs régleront leurs achats.</p>
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