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Violence domestique: et les hommes battus dans tout ça?

5 juin 2016, 20:45

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Violence domestique: et les hommes battus dans tout ça?

Son allure est chétive, son regard fuyant, son sourire forcé, son visage crispé. Il a fallu batailler ferme pour que Pravesh (prénom modifié) accepte de témoigner. Comme beaucoup d’autres, cet homme de 33 ans a l’impression d’avoir perdu une bonne partie de sa virilité, d’avoir été émasculé, depuis qu’il a traversé cet enfer qu’est la violence conjugale. En tant que victime. Plus que son visage – qui accueillait souvent des gifles et des coups de griffe – c’est son orgueil de mâle qui a été blessé. Trois ans après son divorce, les séquelles psychologiques sont toujours présentes.

«Mo Madam ti pé bat mwa. Li oussi ti frel-frel kouma mwa», commence-t-il par avouer, timidement. Pourtant, au départ, c’était le grand amour. De son côté du moins. «Mo ti trouv li byen zoli, monn désid pou demann li an mariaz.» Mais les sentiments n’étaient pas réciproques, semble-t-il. «Li pa ti paret tro keen. So bann paran ki konn mo fami, alor zonn konvaink li.»

Pravesh était alors employé comme messenger au sein d’une compagnie privée, située dans la capitale. Son épouse, elle, ne travaillait pas. «Li ti pé okip lakaz, donn mo mama koudmé tousala. Mé mo ti trouvé li pa ti kontan…»

«Je me disais qu’elle avait raison, qu’elle était mieux chez ses parents. Mais je l’aimais, moi…»

Malgré les hauts et surtout les bas, le couple s’en sortait, à coups de concessions, que Pravesh était le seul à faire. Et puis, un jour, il a été licencié. C’est là que son calvaire a réellement commencé. «Li ti pé dir mo enn nanyé a fout, li ti pé zour mwa gramatin tanto, repross mwa tou zafer. Li dir mwa monn tir li dan so byen monn amenn li dan malprop.» Rongé par la culpabilité, Pravesh rongeait aussi son frein. «Je me disais qu’elle avait raison, qu’elle était mieux chez ses parents. Mais je l’aimais, moi…»

Comme si les mots blessants ne suffisaient pas, sa femme, de deux ans sa cadette, a sorti les baffes et les griffes. Sa joue et ses bras s’en souviennent, aujourd’hui encore. Et s’il voulait l’oublier, les cicatrices et le miroir sont là pour lui rappeler cet épisode de sa vie. S’il ne ripostait pas, c’était parce que «si [mo] ti tap li, [mo] ti pou fer li boukou dimal. [Mo] pa ti anvi bann fami koné, li ti kapav al met mwa lapolis».

Et lui, a-t-il été à la police pour dénoncer son bourreau en jupe? Non. De peur qu’on se moque de lui, que l’affaire ne s’ébruite, qu’il ne devienne la risée de la famille, du voisinage. Il a donc préféré se taire, accepter la torture extérieure et faire taire cette voix intérieure, qui lui demandait de se rebeller. Parce que tout ça n’était pas normal.

«Linn trouv bann mark lor mo figir ek mo lébra. Li ti pe tann tapaz kan nou ti pé lager… Li koz ar mwa, linn dir mwa kit fam-la.»

Avait-il des rapports sexuels avec sa femme à cette époque? Oui, répond Pravesh sur un ton cynique. «Kan nou ti dan lili, li ti enn mouton…»

Mais une fois hors du lit, la tigresse enragée, violente, reprenait le dessus. Une année de martyr plus tard, c’est la maman de Pravesh qui a pris le taureau par les cornes. «Linn trouv bann mark lor mo figir ek mo lébra. Li ti pe tann tapaz kan nou ti pé lager… Li koz ar mwa, linn dir mwa kit fam-la.»

C’était le déclic. Pravesh décidait – quelques mois de réflexion après – de mettre fin à sa souffrance et à celle de sa femme, quelque part. «Ou pa koné ou, pou lé kou, li pa ti pé rod divorcé tou!» Mais il a fini par remporter la bataille juridique.

Aujourd’hui, malgré cette expérience traumatisante, il croit toujours en l’amour. Et a rencontré une fille «bien douce», a retrouvé du boulot, comme livreur. Et se dit prêt à se reconstruire, même si pour cela, il lui faudra un peu de temps et «beaucoup d’amour».

Source : le site du ministère de l'Égalité du genre.

Ce qu’en dit la ministre

	<p>Selon la ministre de l&rsquo;Égalité du genre, du développement de l&rsquo;enfant et du bien-être familial, qui pilote le projet, la <a href="http://www.lexpress.mu/article/282698/violence-domestique-loi-amendee-pour-quatrieme-fois" target="_blank">loi contre la violence domestique</a> concerne tout autant les victimes masculines.</p>

	<p>Toutefois, rappelle Aurore Perraud, &laquo;<em>les chiffres sont sans appel. Ils démontrent que les femmes victimes de violence domestique sont beaucoup plus nombreuses que les hommes</em>&raquo;. Et cela, même si les statistiques par rapport aux hommes ne reflètent sûrement pas la réalité. &laquo;<em>Il y en a peut-être deux fois plus.</em>&raquo;</p>
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Dharmen Appadoo de SOS Papa : «Les victimes sont issues de tous les milieux»

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="500" src="/sites/lexpress/files/images/darmen-appadoo.jpg" width="333" />
		<figcaption>Dharmen Appadoo.</figcaption>
	</figure>
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<p><strong>Les hommes qui se font maltraiter physiquement ou psychologiquement sont-ils nombreux? </strong></p>

<p>Oui, les chiffres ne reflètent certainement pas la réalité. Même s&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas de violence physique ou sexuelle, il y a du <em>bullying</em>. Mais la plupart a honte de le dire, ils ont peur des moqueries.</p>

<p><strong>Sont-ils nombreux à avoir recours à l&rsquo;aide de votre association? </strong></p>

<p>En fait, ce sont souvent les proches qui nous contactent. Des mamans, des sœurs. Une femme nous a appelés&nbsp;pour nous dire que son frère était battu non seulement par sa femme mais aussi par sa fille! Il y a aussi le cas de ce haut gradé de la fonction publique, qui subit le martyr.&nbsp;Sa femme a eu recours à un <em>protection order</em> contre lui, se faisant passer pour la victime.&nbsp;Elle lui fait du chantage et le mène à la baguette. Des cas comme ça, il y en a des dizaines.</p>

<p><strong>Et la loi dans tout ça ? </strong></p>

<p>Une des raisons pour lesquelles les hommes ne portent pas plainte, c&rsquo;est parce qu&rsquo;ils sont raillés par les policiers eux-mêmes! La <em>Police Family Protection Unit</em>, par exemple, est composée presque essentiellement de femmes. Je ne dis pas qu&rsquo;elles sont incompétentes, mais il faudrait une parité.</p>

<p><strong>Quels sont les profils des victimes masculines de violence domestique? </strong></p>

<p>Les hommes battus sont issus de tous les milieux. <em>Pran dépi so travayer maniel ziska so grand palto.</em></p>

<p><strong>Que pensez-vous des amendements qui seront apportés à la loi sur la violence domestique? </strong></p>

<p>Je pense que ça profitera au business ! Ce n&rsquo;est pas le fait d&rsquo;augmenter le montant des amendes qui arrêtera la violence domestique. Et puis, il faut des campagnes de sensibilisation autour de ce fléau. Vous avez déjà entendu parler d&rsquo;une campagne concernant les hommes qui en sont victimes, vous?</p>