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Armes à feu: les autorités désarmées?
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Armes à feu: les autorités désarmées?
Désarmant. La police est catégorique: il n’y a pas d’armes à feu qui circuleraient illégalement à Maurice. Sauf que nombreux sont ceux qui affirment le contraire.
La provenance, pour commencer. Un «collectionneur» évoque l’axe Maurice-Madagascar. Pistolets, revolvers et autres fusils en tous genres atterriraient chez nous grâce à des passeurs. Qui les dissimuleraient dans des mallettes. Les précieux colis seraient alors récupérés en haute mer, au large des côtes, au Nord plus précisément. «Les filets dressés par les autorités sont troués… C’est dans les années 90 qu’on a connu un boom. Il y a beaucoup d’armes qui sont entrées chez nous illégalement, à la fois par bateau ou cachées dans les bagages et les soutes.»
Une fois sur le sol mauricien, les armes sont vendues, prêtées et même distribuées via un réseau très fermé, poursuit notre interlocuteur. Pour s’en procurer, il faut avoir des contacts dans «des milieux peu fréquentables», précise un homme d’affaires, qui habite dans le nord du pays. Les prix sont-ils canon au marché noir? Il faut compter entre Rs 10 000 et Rs 15 000 pour un revolver ou un pistolet. S’agissant du coût des munitions, cela dépend des calibres. Prévoyez environ Rs 100 pour une balle de 9 mm, 11 mm ou de 12 mm.
«Milieux mafieux»
Et à quoi servent ces armes? À braquer des banques? À faire joujou? A se protéger, apparemment. «Ceux qui achètent les armes évoluent dans des milieux dangereux, mafieux parfois. Alors, il faut qu’ils se protègent eux-mêmes ainsi que leurs proches.» Puis, il y a ceux qui veulent tout simplement faire la peau aux voleurs et autres malfrats qui pénètrent chez eux. «L’insécurité effraie les gens. Certains n’hésitent pas à se procurer des armes pour parer à toute éventualité», fait valoir l’homme d’affaires. Sans parler de la protection des champs, des vergers, du business, de la propriété, etc.
Ce Portlousien, lui, porte une arme à la ceinture dans le cadre de son métier: il est garde du corps privé. «Je n’ai pas de permis, il est très difficile d’en obtenir, les démarches sont très contraignantes. Mais il m’arrive de protéger des VIP, alors il faut bien que j’en aie une!» Il lui arrive aussi, précise-t-il, d’utiliser l’arme du client lui-même, si celui-ci en a une.
Notre interlocuteur rappelle enfin qu’il y a eu plusieurs vols d’armes au détriment de chasseurs ou de gardiens au fil des ans. Des vols ont aussi été perpétrés dans l’armurerie des compagnies de sécurité. Des preuves, s’il en faut, que des armes illégales circuleraient bel et bien sur notre territoire.
LES FAITS
<p>Le problème n’est pas nouveau. En 1995, le commissaire de police d’alors, Raj Dayal, avait lancé une opération qui avait permis de mettre la main sur 17 fusils et pistolets. Il avait ensuite accordé une amnistie aux détenteurs d’armes non-enregistrées. Toutefois, plusieurs d’entre eux n’ont, par la suite, pas obtenu de permis de port d’armes. Lors de l’opération Sunrise, à Plaine-Verte pendant la même période, un pistolet avait été saisi par la police.</p>
<p>Autres faits marquants : les fusillades et les différents hold-up menés par l’escadron de la mort, entre 1992 et 2000. Un rapport du service de renseignements de la police datant de juillet 1996 fait état des activités de l’escadron et des armes utilisées. Paul Bérenger, qui avait pris connaissance de ce document, explique qu’aucune action n’avait été prise contre les malfrats à l’époque. <em>«Il a fallu attendre 2000 pour que sir Anerood Jugnauth et moi-même commencions à traquer ces gens-là.»</em></p>
SALVE DE QUESTIONS
<p><strong>1) Qui sont ceux qui détiennent des armes à Maurice?</strong></p>
<p>Les chasseurs, pour commencer. La majorité des demandes pour des permis de port d’armes émanent d’eux. Mais il y a aussi des hommes d’affaires qui le font pour des raisons de sécurité. Ces derniers doivent fournir un dossier solide à la police, justifiant une telle demande. Ce sont surtout les plus fortunés, à qui il arrive de garder de grosses sommes d’argent à la maison, qui estiment avoir besoin d’une arme à feu. Il y a, en outre, des propriétaires de stations-service, des proies privilégiées pour des voleurs, qui ont demandé et obtenu un permis de port d’armes. Les compagnies de sécurité et les banques également, pour des raisons évidentes.</p>
<p><strong>2) Quelles sont les procédures à suivre afin d’obtenir un permis? </strong></p>
<p>Une demande doit être faite auprès des Casernes centrales. Celle-ci doit être accompagnée d’une lettre d’un médecin certifiant que l’individu est «<em>physically and mentally fit to handle a firearm</em>». Le chasseur, lui, doit également remettre une lettre écrite par le propriétaire d’une chasse où il est autorisé à pratiquer son sport. Le businessman doit prouver qu’il gère de grosses sommes d’argent et la police passera au crible ses relevés bancaires. Si tous ces critères sont réunis, les demandeurs obtiennent alors leur<em> competency certificate</em>.</p>
<p><strong>3) C’est tout ?</strong></p>
<p>Non, rien n’est encore gagné à ce stade car les dossiers sont référés aux <em>Divisional Headquarters</em> de la police avant que ne débute une enquête. Voisins, amis, proches, collègues sont interrogés afin de s’assurer que la personne qui souhaite porter une arme ne souffre d’aucun trouble du comportement. Une visite du domicile est également effectuée, afin de s’assurer que l’individu a un endroit sûr pour garder le «matos». La loi veut que balles et fusils soient entreposés dans deux coffres et deux pièces séparés. Par ailleurs, un individu ne peut posséder plus de deux armes à feu. Si les demandeurs parviennent à satisfaire tous ces critères, c’est le commissaire de police (CP) et lui seul, qui est habilité à donner son aval pour que l’autorisation soit délivrée.</p>
<p><strong>4) Ensuite ? </strong></p>
<p>Les futurs détenteurs d’armes entament une formation de deux jours comprenant la théorie et la pratique; ils apprennent à tirer. D’autre part, en ce qui concerne les compagnies de sécurité ou les propriétaires de stations-service, en sus du <em>Firearm Licence</em>, le CP signe un <em>endorsement</em>, ce qui autorise les détenteurs à porter leur arme en public. Alors que pour les chasseurs, une <em>Game Licence</em> est requise. À noter que ces deux permis coûtent Rs 2 000 et Rs 2 500 annuellement.</p>
<p><strong>5) Une fois les permis obtenus, quelles sont les conditions à respecter? </strong></p>
<p>Les détenteurs doivent s’assurer que leur fusil et leurs balles sont entreposés dans des endroits hautement sécurisés. Tout cas de vol doit être rapporté à la police dans les 48 heures qui suivent. Les changements d’adresse doivent être notifiés à la police dans un délai de 21 jours alors que chaque 31 décembre, les permis expirent.</p>
<p>Du 3 au 15 janvier, il est possible de les faire renouveler. Après le 15 janvier, les détenteurs ont des frais supplémentaires de 50% à payer. Si, malgré tout, le permis n’est pas renouvelé, la police confisque l’arme et l’individu doit recommencer à zéro en ce qui concerne les procédures. Le non-respect de ces conditions peut entraîner la révocation de la <em>Firearm Licence</em>.</p>
<p><strong>6) Comment savoir à quelle fréquence les armes sont utilisées? </strong></p>
<p>Dépendant de leurs besoins, les détenteurs d’armes à feu ont un quota de balles à respecter. Cela peut varier entre dix et100 balles par an. Par ailleurs, le détenteur ne peut acheter la totalité des balles d’un seul coup.</p>
<p><strong>7) Quels sont les types d’armes à feu disponibles à Maurice? </strong></p>
<p>Le <em>single barrel rifle</em> et le <em>double barrel rifle</em> sont le plus souvent utilisés par les chasseurs. Les autres optent pour le révolver ou le pistolet.</p>
<p><strong>8) Combien d’armes à feu y a-t-il à Maurice? </strong></p>
<p>Motus et bouche cousue du côté des Casernes centrales. Même si on laisse entendre que la «<em>tendance est à la baisse</em>» depuis ces cinq dernières années.</p>
<p><strong>9) Quid des bouncers? Des VIP? Des politiciens? En possèdent-ils une? </strong></p>
<p>Jamais, ô grand jamais, un bouncer n’a-t-il obtenu une <em>Firearm Licence</em>, martèle-t-on du côté des Casernes. Et encore moins un politicien. Pour les VIP, il faut qu’elles aient de grosses sommes d’argent à protéger et qu’elles en justifient la provenance.</p>
<p><strong>10) Comment se fait-il, dans ce cas, que des bouncers aient été impliqués dans une fusillade il y a quelque temps? </strong></p>
<p>Il y a bien eu des cas, dans le passé, où des fusils de chasse avaient «disparu» et les numéros de série «<em>finn limés</em>», selon la police. Des cas ont également été répertoriés chez des braconniers. Mais il n’y a pas d’arme qui traîne illégalement dans le pays, assurent les policiers.</p>
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