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Enfants vulnérables: la rue, leur autre maison
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Enfants vulnérables: la rue, leur autre maison
«Nou bann vwayou nou.» Neil, Fabio, François et Simon (prénoms modifiés) habitent un petit village du Sud. Dans leur quartier, pourtant situé à quelques mètres de la plage, le paysage n’est pas tout à fait celui d’une carte postale. Des bicoques agglutinées les unes aux autres, des nids de poule, des adultes méfiants, des enfants «errant» dans la rue. Ça sent l’air marin et la pauvreté.
C’est là que Neil, 15 ans, a grandi, avec ses 7 frères et sœurs. L’école ? Un vague souvenir. Ce n’était pas son «truc». Et puis, pour aider sa maman qui ne travaille pas, il cumule les petits boulots, quand il y en a. «Mo koul dal.» Sinon, le reste du temps, il traîne dans la rue, qui est devenue, en quelque sorte, son autre maison.
Ce qu’il y fait ? «Nou fer bann battle, dansé afro ki pé touyé la.» Il passe ainsi ses journées avec ses amis, qui «fim sigaret, sikann 35, zwé carrom, football». Sur son visage parsemé de boutons d’acné, se dessine un sourire songeur. En vrai, il rêve d’ailleurs. Et de soulever son T-Shirt, pour montrer le drapeau du pays dans lequel il aimerait habiter : l’Angleterre. Pour lui, l’avenir est ailleurs.
Fabio traversera également les océans. Mais sur un bateau de croisière, précise-t-il, en dévoilant sa dent en or. L’école, il y était quelque peu allergique aussi. Alors il a arrêté les classes en Form III, pour suivre une formation dans l’hôtellerie. Mais «mo enn zanfan lari, monn gagn problem ek gard akoz gandia». Résultat : il ne peut postuler pour un emploi et devra patienter cinq ans encore avant de pouvoir obtenir un certificat de moralité.
Il passe ainsi ses journées avec ses amis, qui «fim sigaret, sikann 35, zwé carrom, football.»
En attendant de voguer vers d’autres cieux, plus cléments, selon lui, il exerce lui aussi le métier de maçon. Et passe ses journées avec ses «larmé sek», qui sont devenus sa famille. À qui il raconte sa vie, ses problèmes, ses envies, ses ambitions. Histoire de fuir un peu sa réalité, d’oublier les tracas du quotidien.
Attention : Fabio tient à préciser qu’il est un jeune homme responsable. Et qu’il remet une bonne partie de son salaire hebdomadaire à sa maman et son «papa beau-père». Le reste, «mo gard pou mwa. Mo enn zenness, mo kontan al enn ti dansé ou bien met plan ant kamwad».
Pourquoi préfèrent-ils être dans la rue plutôt qu’à la maison, devant la télé, comme d’autres enfants ? Parce que leur situation n’est pas la même. La pauvreté, les difficultés ont toujours fait partie de leur jeune vie. Les «proches» ne le sont pas toujours… Alors prière de ne pas «ziz [nou]», prévient François.
Pas question d’ailleurs de s’apitoyer sur son sort, d’en faire un film larmoyant. Jeunesse = optimisme, lâche l’ado, âgé de 17 ans. Qui a deux frères, dont «enn andan. Mwa ousi monn deza gagn problem gard». La rue, c’est un peu l’endroit où l’on évacue ses frustrations, où l’on passe du stade d’enfant à «zom». Où se voit-il dans quelques années ? Il y a-t-il un travail qui l’intéresse ? Pas vraiment, répond-il sur un ton blasé. «Plombier, peut-être.»
Pour cela, il faudra suivre la voie empruntée par Simon 15 ans. Qui a rejoint une école pré-voc’, ayant réalisé que «bizin aprann enn métié pou rési pli tar». Et même s’il lui reste un long chemin à parcourir, que le parcours est semé d’embûches, il garde espoir.
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