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Drogues de synthèse: ‘Bat dan latet’ et ‘Bang Bang’ moins chères que le gandia

14 juin 2016, 22:13

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Drogues de synthèse: ‘Bat dan latet’ et ‘Bang Bang’ moins chères que le gandia

Alors que les organisations non-gouvernementales (ONG) sont sur le qui-vive pour endiguer leur propagation, le phénomène des drogues synthétiques se généralise. Après avoir effectué une percée dans les villes, ces produits hautement nocifs ont fait leur apparition dans les villages, plus particulièrement dans l’Est et sur les côtes de l’île. Et détrônent même le cannabis.

C’est du moins ce que constate la Commission d’enquête sur la drogue, après avoir pris connaissance des détails sur la tendance en matière de consommation de stupéfiants à Maurice. Deux nouvelles drogues de synthèse sont arrivées sur le terrain. Il s’agit de Bat dan latet et de Bang Bang. Elles ont fait leur entrée dans les villes et les villages, pour s’ajouter à la liste des drogues synthétiques qui sont déjà sur le marché (Mexicain, Volcan, C’est pas bien, Strawberry Quick). Ces deux nouvelles drogues, qui se vendent dans des petits sachets en plastique, sont moins chères que le cannabis. Elles sont roulées comme une cigarette, prêtes à être fumées.

Selon les travailleurs sociaux affectés dans les centres de désintoxication, l’effet de ces deux nouvelles drogues sur une personne dure entre deux et trois heures. Plus puissantes que le cannabis, ces drogues font tourner la tête et augmentent le rythme cardiaque du consommateur, provoquant des troubles du comportement. L’utilisateur sent qu’il a la tête dans les nuages, selon Imran Dhanoo, responsable du centre de désintoxication Dr Idrice Goomany, de Plaine-Verte.

Selon lui, les drogues de synthèse prennent définitivement de l’ampleur car maintenant ce ne sont plus seulement les gens qui habitent dans les périphéries de Port-Louis qui en consomment. «Je peux affirmer que les drogues de synthèse ne sont plus un problème qui concerne uniquement les citadins. C’est devenu un problème national, touchant aussi les villages. Une véritable campagne de sensibilisation s’impose», ajoute le travailleur social.

Selon Imran Dhanoo, au moins une quarantaine de personnes viennent au centre Dr Idrice Goomany pour se faire désintoxiquer mensuellement. Ces personnes sont devenues accros aux drogues dures. Mais, fait inquiétant, dit-il, avant d’en arriver là, au moins 60% d’entre elles affirment qu’elles ont d’abord goûté aux drogues de synthèse. Il devait aussi faire ressortir que les drogues synthétiques ont la cote auprès des consommateurs car elles se vendent moins cher que le cannabis.

RS 100 LE SACHET

Il devait ainsi indiquer qu’un pouliah de gandia se vend actuellement entre Rs 200 et Rs 300 alors qu’un petit sachet de Bat dan la latet ou de Bang Bang se vend à Rs 100. Selon les recherches qu’il a effectuées, il souligne que ces types de drogues sont la réplique d’une drogue de synthèse qui vient d’Asie. La rumeur indique que leurs lieux de fabrication locale pourraient être des garages ou des arrière-cours…

Les travailleurs sociaux sont inquiets car ces drogues nocives font école chez les élèves et chez les jeunes. D’autre part, les amateurs de drogues synthétiques en quête de désintoxication comptent pour la moitié des personnes voulant s’en sortir de l’enfer de la drogue. La situation est ainsi jugée alarmante par le Centre Idrice Goomany et le Groupe A de Cassis, deux ONG qui conjuguent leurs efforts pour endiguer la propagation des stupéfiants synthétiques à Maurice.

Les informations qui sont parvenues auprès de la Commission d’enquête sur la drogue indiquent que les drogues de synthèse fabriquées localement ont tendance à se métamorphoser, pour devenir encore plus puissantes. À travers notamment le mélange de produits chimiques qu’on trouve sur le marché local. Parmi, on compte des produits cosmétiques, des pesticides et des substances nocifs pour tuer les rongeurs. Résultat: une personne qui consomme le même produit altéré pendant trois à quatre semaines finit par faire une overdose.

Cette situation, a expliqué un proche du dossier, à l’express, le lundi 13 juin, existe déjà à l’étranger. C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) revoit chaque année sa liste de produits illicites. Au 30 décembre 2015, l’OMS avait établi une liste de 541 variétés de drogues de synthèse dans le monde.

L’Est, le plus touché par le synthétique

La consommation de drogue synthétique semble beaucoup plus élevée dans la région Est qu’en d’autres lieux. Navin Mungla, travailleur social et président du village de Poste-de-Flacq et son collègue, Avish Ramkurrun, en conviennent.

D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle ils ont, depuis janvier 2015, démarré une campagne de sensibilisation dans leur village qui, selon eux, «est très touché». «Sans hésitation, je dirais que 70% de nos jeunes sont affectés par la drogue de synthèse. Et la plupart d’entre eux sont des collégiens», déclare Avish Ramkurrun.

Il ajoute qu’il s’est senti concerné quand son meilleur ami est tombé dans ce piège. «Je ne pouvais pas rester insensible et voir mon ami complètement détruit. Donc, j’ai fait une petite enquête dans le village et j’ai constaté que, comme mon ami, d’autres jeunes sont victimes de la drogue synthétique», lance le jeune travailleur social.

Ainsi, avec la collaboration des membres du conseil du village, ils ont démarré cette campagne d’information. Ils ont organisé une causerie, animée, entre autres, par des membres de la force policière. «Malheureusement, peu de jeunes étaient présents. Mais il y avait des parents qui, après plusieurs sessions, ont avoué qu’ils ont des enfants chez eux qui se droguent. Donc, nous avons changé de stratégie. Au lieu d’aller vers les jeunes, nous avons au préalable fait un suivi avec les parents», explique Avish Ramkurrun.

Sortir de cet enfer

L’ami d’Avish, Kunal, 24 ans, a accepté de témoigner. Mécanicien de profession, il est marié et père d’une fillette de 3 ans. C’est à travers ses mauvaises fréquentations que Kunal a connu cette drogue, qu’il appelle «lapoud blan», il y a un an. Il en fumait tous les jours. «J’avais des amis qui connaissaient les dealers. La dose par personne coûtait Rs 200», dit-il. Pendant toute une année, Kunal était devenu accro à cette drogue. «Les disputes étaient devenues monnaie courante avec ma femme parce que je n’étais plus dans un état normal. J’étais souvent malade. Je n’arrivais plus à travailler», raconte-t-il.

Par amour pour sa famille, Kunal, avec l’aide de son ami Avish Ramkurrun, a finalement décidé de sortir de cet enfer. «Monn al swiv enn tretman ek monn koumans pran enn konprimé kouler blé. Li pa ti fasil mé mo pann aret li enn sel kou. Aster mo fim zis sigaret ek monn aret frékant sa bann kamarad-la», raconte Kunal. Il confie que ces anciens amis sont toujours des drogués. «Il y en a qui ne travaillent plus, d’autres ont des dettes partout. Certains ont même vendu leurs bijoux ou ont commencé à voler çà et là pour se procurer une dose», déplore-t-il.

Autre constat, d’un travailleur social de Flacq, qui a lui préféré garder l’anonymat. Selon lui, parmi les personnes concernées par le phénomène de drogue synthétique figurent celles qui sont sous traitement de méthadone. «Dapré bann résers ki monn fer, mo trouv plis bannla mem ki servi sa, ek zot vann li tou», dit-il.

Devi, 54 ans, qui habite Flacq, raconte comment son fils, un fonctionnaire de 27 ans, est sorti de ce piège. «On m’avait dit qu’il fumait du cannabis, mais je ne croyais pas ces personnes-là. C’est quand il a commencé à prendre de la drogue dure que la situation a empiré. Il volait dans sa propre maison, était nerveux et il s’absentait souvent de son travail», raconte-t-elle. Elle n’a pas baissé les bras et a commencé un traitement privé pour son fils. Finalement, il s’en est sorti.