Le Chinois Huawei, encore méconnu hier sur le marché mondial de la téléphonie, affiche, depuis quelque temps, ses ambitions gigantesques sans complexe aucun: détrôner l’Américain Apple et le Coréen Samsung pour devenir le premier vendeur de smartphones au monde!

Si en avril dernier, à Londres, à l’occasion du lancement à l’américaine de l’ultra sophistiqué P9 (conçu avec l’emblématique Leica), son directeur du «consumer business group» (CBG), Richard Yu, avait formulé la déclaration de guerre face à Apple et à Samsung, c’est à Shenzhen, en Chine, sur un impressionnant campus regroupant des dizaines de milliers de développeurs et de chercheurs, que la «grand strategy» du géant est coordonnée. Le groupe La Sentinelle y a été invité pour mieux comprendre la stratégie de développement de Huawei et pour rencontrer les hommes et les femmes qui veulent conquérir le monde en dominant l’impitoyable marché des smartphones.

«Nous mettons tout en oeuvre pour être leader mondial peut-être d’ici trois ans», nous explique, sans détours, Ada Xu, directrice des relations publiques du CBG de Huawei, une division essentiellement consacrée aux smartphones. Entretien à bâtons rompus...

Oui mais malgré le succès des selfies, la photo numérique n’est pas tout. Leader mondial des smartphones: est-ce une ambition pour autant réalisable?
Notre marque est le troisième vendeur de smartphones dans le monde, derrière Apple et Samsung. Nous avons connu un bond de quelque 35% de notre chiffre d’affaires en 2014 et en 2015, en grande partie grâce aux ventes de nos smartphones, qui ont dépassé la barre des 100 millions d’unités sur l’année...

... c’est déjà pas mal du tout. Que voulez-vous au final? Quelles sont vos ambitions précises?
Nous voulons d’abord dépasser Samsung (l’actuel numéro un, NdlR) en nombre d’exemplaires vendus, tout en nous attaquant à Apple sur le segment premium. En termes de ventes, nous dépasserons Apple et deviendrons numéro deux mondial au plus tard l’année prochaine. D’ici trois ou quatre ans, nous pensons pouvoir devenir le leader mondial toutes catégories. Forbes l’a déjà prédit: avant cinq ans, Huawei va devancer Apple et Samsung sur le marché ultra sophistiqué de la téléphonie mobile. Comme vous le voyez ici, dans nos locaux, nous y attelons et nous sommes solidement en selle.

Encore inconnu il y a quelques années sur le marché des smartphones, Huawei fait donc des pas de géant...
La presse spécialisée note qu’il y a quatre ou cinq ans, alors que l’on faisait la queue pour s’acheter l’iPhone 4 ou le S4, le grand public ne pouvait même pas prononcer «Hu-A-Wei» (qui signifie fleur ou nouveau départ où tout devient possible, NdlR). Laborieusement, Huawei a labouré le terrain en investissant le marché des pays du tiers monde, c’est-à-dire en donnant la chance à ceux qui ne pouvaient pas se payer un téléphone portable de s’en procurer. C’est ainsi que les Y séries, développées à partir de 2010, ont conquis les marchés en Asie et en Afrique. Six ans plus tard, Huawei ambitionne de relever d’autres défis.

Pour devenir numéro un mondial des smartphones, Huawei déploie les grands moyens.
L’une des forces de Huawei demeure sa croissance et ses moyens financiers. Il faut savoir que la marque, fondée en 1987 et déjà leader dans les équipements Internet, n’a commencé à développer des smartphones qu’en 2009, alors qu’Apple et Samsung avaient déjà lancé plusieurs modèles sur le marché.

Sa croissance a d’abord débuté en Chine, mais l’entreprise a su conquérir les utilisateurs européens et américains de par une innovation continue et un prix défiant la concurrence. Comme je vous le disais, quelque temps de cela, personne ne connaissait Huawei, aujourd’hui nous sommes l’entreprise qui croît le plus. Nous travaillons dur pour changer notre image de société s’adressant aux professionnels, pour faire connaître nos produits et nos innovations aux consommateurs. D’où votre présence dans nos locaux pour constater de visu ce que nous faisons et ce que nous voulons faire...

Le «made in China» traîne une réputation de produits «low-cost». Comment faire la transition sur le marché des portables ultra sophistiqués et branchés «Life style»?
Pour y avoir fait nos premières armes, nous sommes conscients de l’image de produits «low cost» que peuvent renvoyer les smartphones d’origine chinoise. Ici, à Huawei, nous changeons cette image en proposant les technologies dernier-cri existantes de par le monde, ainsi que les designs soignés des produits haut de gamme, afin de satisfaire les utilisateurs les plus exigeants. Nous nous concentrons beaucoup sur le design et l’interface utilisateur pour proposer de super produits et la meilleure expérience possible. Nous devenons une marque haut de gamme...

N’allez-vous pas de ce fait abandonner vos marchés traditionnels?
Ce positionnement haut de gamme se ressent sur les prix des smartphones proposés par Huawei, qui restent les plus compétitifs. Mais nous ne voulons pas abandonner nos clients et c’est pour cela que nous proposons une gamme de produits pour différents segments. Bien évidemment, comme nous le rappelle un proverbe chinois, we cannot win everything, we have to lose something. Nous espérons que nos clients montent en gamme avec Huawei.

Après s’être attaqué à la Chine et à l’Europe, Huawei compte bien être présent dans le monde entier, et d’ailleurs les States demeurent notre marché stratégique à conquérir. C’est pour cela qu’il nous faut faire parler de Huawei et de ses smartphones haut de gamme qui séduisent de plus en plus d’utilisateurs du monde entier, même les plus exigeants.

Et l’Afrique dans tout cela ?
On ne va pas négliger l’Afrique, le Moyen-Orient ou d’autres régions dites du tiers-monde. La stratégie développée: proposer une solution viable pour quitter son téléphone mobile traditionnel au profit d’un smartphone - c’est ce que nous allons faire avec un accent sur les smartphones «high end» (P and Mate series; avec un modèle chaque année). Les chiffres évoqués par le Wall Street Journal expliquent que la part de marché de Huawei a augmenté de 4,3% à 6,9% pendant que Samsung chutait de 32% à 25%.

Sur le plan organisationnel et stratégique sur quoi repose votre succès?
Nous n’avons pas un, mais trois «rotating CEOs» (Chief Executive Officer, NdlR) tous les six mois. Cela nous donne deux fois par an un souffle nouveau et nous empêche de nous enliser dans la routine. Nous ne sommes pas listés en Bourse, et nous pouvons réinvestir nos profits pour nous développer. Notre compagnie est détenue à 100% par ses employés et nous avons plus de 60 000 personnes sur les 170 000 salariés en Research & Development…