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Arianne Navarre-Marie: «La loi sur la violence conjugale est une occasion manquée pour la ministre Perraud»
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Arianne Navarre-Marie: «La loi sur la violence conjugale est une occasion manquée pour la ministre Perraud»
Militante de longue date, défenseur de la cause féminine, Arianne Navarre-Marie revient sur les amendements apportés à la loi qui protège les femmes contre la violence domestique…
Le «Protection from Domestic Violence (Amendment) Bill» a été voté avec amendements mardi. Que pensezvous des amendements que compte apporter la ministre Aurore Perraud ?
Le projet de loi a été voté mais la ministre aurait, lors de son summing up, annoncé qu’elle introduirait des amendements à la loi déjà votée. Cela, après avoir écouté l’excellent discours de Veda Baloomoody qui intervenait au nom du MMM. Nous attendons de voir quels seront les amendements qui seront proposés et nous les étudierons avant de nous prononcer.
Le MMM a toujours été à l’avant-garde de telles questions. Et les victimes de violence domestique savent qu’elles peuvent compter sur nous pour faire entendre leur voix.
Est-ce qu’on peut s’attendre que cette loi connaisse enfin du succès ?
Je ne dirais pas que c’est une bonne loi, quoique je convienne qu’il s’agit d’une version améliorée. La loi n’est pas statique et elle requiert d’être améliorée à chaque fois que cela s’avère nécessaire. Son efficacité est mesurée au fil d’expériences et d’affaires traitées sous la dite loi. Des cas ont été traités sous cette loi et des lacunes ont été constatées. C’est pourquoi il était nécessaire qu’elle soit amendée cette fois encore. Et c’est la raison pour laquelle nous sommes en faveur de cette loi globalement.
Mais Veda Baloomoody et Alan Ganoo ont parlé d’une occasion ratée, notamment concernant la criminalisation du viol conjugal. Est-ce toujours le sentiment qui règne au sein du MMM après le «summing up» de la ministre mardi ?
C’est vrai que c’est une occasion ratée. La ministre avait elle-même annoncé, en plusieurs occasions, lorsqu’elle abordait les éventuels amendements à être apportés au Protection from Domestic Violence Act, que, premièrement, le viol conjugal allait être criminalisé. Deuxièmement, le code pénal atténuant les circonstances du crime commis par le mari ayant surpris son épouse en flagrant délit d’adultère allait être abrogé. La ministre Perraud avait fait de ces deux points son cheval de bataille. Or, la loi telle que présentée et votée au Parlement fait l’impasse sur ces deux points.
Dans le second cas, il aurait suffi, dans le projet de loi, à l’article «Consequential amendments», d’ajouter que l’article du code pénal y relatif est abrogé. Rien de plus simple. En outre, l’article 2 (d) n’est pas du tout en faveur de la victime. Il se lit comme suit : «Compelling the spouse or the other person by force or threat to engage in any conduct or act, sexual or otherwise, from which the spouse or the other person has the right to abstain.» En lisant entre les lignes, cet article voudrait dire qu’il y a des «conduct or act, sexual or otherwise from which the spouse or the other person does NOT have the right to abstain».
Qu’est-ce qui s’est passé entre les bonnes intentions de la ministre Perraud et le «drafting» du projet de loi ? Les réactionnaires et les passéistes sont donc toujours à l’oeuvre, comme au temps où le projet de loi avait été présenté au Parlement, la première fois, en 1997 ?
Vous vous rappelez comment la ministre d’alors (NdlR, Indira Thacoor-Sidaya) avait toutes les peines du monde à présenter le premier projet de loi sur la violence conjugale ? Cette loi aurait pu ne pas être votée ni même présentée en première lecture, n’était-ce le fort soutien du MMM. Oui, je dirais que c’est une occasion ratée pour la ministre. Et c’est dommage. Le viol conjugal reste donc un tabou de plus.
N’est-ce donc pas une satisfaction que la ministre envisage d’inclure le viol conjugal dans le code pénal ?
De plus en plus de pays ont criminalisé le viol conjugal. Nous sommes encore à la traîne. Une campagne de sensibilisation est plus que nécessaire sur le sujet car certaines personnes, et non des moindres, continuent à croire que le mariage comporte une exclusivité donnée à chaque époux sur le corps de sa femme.
Le viol est déjà un tabou et il est dommage que certaines victimes hésitent encore à le dénoncer par peur de représailles. Tous les cas de viol sont très graves. Des fois, le viol est commis par des inconnus. Mais quand c’est le conjoint, avec lequel on vit une relation de confiance totale, qui est l’agresseur, cela devient très très grave.
Vous étiez ministre lorsque cette loi a été amendée pour la première fois, en juin 2004. Douze ans et deux séries d’amendements plus tard, pourquoi cette loi peine toujours à être respectée ?
La mentalité a bon dos. De même que quand rien ne va, on met tout sur le dos de la société. C’est trop simpliste comme excuse. Quand quelque chose ne va pas, c’est la mentalité ou la société. Or, la volonté de s’en occuper doit primer à tous les niveaux. Ceux qui sont censés faire exécuter la loi en se débarrassant de la problématique de la violence conjugale au sein de notre société trouvent plus facile de se débarrasser des victimes de violence conjugale elles-mêmes.
Combien de fois les victimes qui ont recours aux autorités dites compétentes ont dû rentrer chez elles et vivre sous le même toit que leur conjoint violent alors qu’elles étaient à la recherche de protection ? Des personnes qui se présentent aux postes de police sont souvent victimes de railleries de certains policiers.
Le MMM a, à plusieurs reprises, demandé et obtenu que des policières soient présentes dans les postes de police. C’est un pas en avant. Mais encore faut-il que les policiers et policières soient formés sur le sujet. Je ne fais pas référence à la police uniquement. La formation doit se faire à tous les échelons. Le mécanisme de protection des victimes doit être sans faille. La victime a besoin d’une prise en charge totale à partir du moment où elle porte plainte jusqu’à sa réhabilitation complète.
Le fait de donner plus de pouvoir à la police a également eu un accueil mitigé. Pourquoi cette appréhension ?
La police a déjà des pouvoirs que certains d’entre eux se refusent d’exercer, soit par indifférence face au problème de la victime (la fameuse mentalité), soit par manque de formation, soit par peur de représailles. Le fait d’avoir plus de pouvoirs ne va pas améliorer la situation des victimes si le policier continue à fuir ses devoirs et responsabilités.
Je tiens également à rappeler qu’on avait mis sur pied six Family Support Bureaux lorsque j’étais ministre. Les victimes de viol avaient tous les services et, surtout, l’encadrement nécessaire, sous le même toit. J’avoue que ce n’était pas une solution parfaite mais la ministre Perraud aurait dû améliorer ce service. Je trouve dommage que tel n’est pas le cas.
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