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Affaire Boskalis: la correspondance de la polémique

20 juin 2016, 22:03

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Affaire Boskalis: la correspondance de la polémique

 

La défense de Prakash Maunthrooa s’est tournée vers le bureau de l’Attorney General pour rechercher une information ou demander une action qui pourrait s’avérer cruciale dans la stratégie qu’elle n’a pas abandonnée : mettre hors-jeu les dépositions des témoins à charge et les documents qu’ils ont fournis.

Faute de pouvoir compter sur leurs témoignages par visioconférence – celle-ci n’a jamais abouti à cause de problèmes techniques –, la poursuite va se rabattre sur les dépositions policières de Jan Cornelis Haak et d’Antonious Theodorus de Goëde. Ainsi que sur les preuves qu’ils ont fournies à la police. La défense de Prakash Maunthrooa, qui est poursuivi pour entente délictueuse dans l’affaire Boskalis, avait déjà tenté, en décembre dernier, de déjouer cette éventualité en invoquant un abus de procédure pour contester l’admissibilité de ces dépositions. Mais la magistrate Wendy Rangan l’avait déboutée. Elle n’a toutefois pas abandonné. Pour comprendre ce qui se trame dans les coulisses du procès, il faut effectuer un retour en arrière.

Les 25, 26 et 27 avril 2012, hôtel Novotel, Genève, Suisse. Durant ces trois jours, les deux témoins sont entendus par le chef inspecteur Rughunundun du Central Criminal Investigation Department, en présence de Me Rashid Ahmine, représentant de la poursuite. Jan Cornelis Haak et Antonious Theodorus de Goëde déballent tout, confessent avoir payé des pots-de-vin de Rs 3 millions et fournissent des captures d’écran d’emails pour appuyer leurs accusations.

Trois ans plus tard, en décembre 2015. Alors que les deux témoins n’arrivent pas à déposer via visioconférence, la défense présente une motion pour déclarer ces preuves «inadmissibles» en cour. Une des raisons : les autorités suisses n’avaient pas été officiellement sollicitées. En effet, le bureau de l’Attorney General, le seul habilité à solliciter toute autorité judiciaire étrangère selon le traité international de Legal Mutual Assistance, n’avait, en 2012, pas été informé de cette démarche. Les débats sur la motion prennent fin le 17 décembre 2015 et la magistrate Wendy Rangan annonce qu’elle rendra son ruling le 14 janvier 2016.

Or, le 6 janvier, Me Nadeem Aullybocus, membre du panel de la défense de Prakash Maunthrooa, écrit à l’Attorney General. À l’express, il confirme que sa correspondance est «bel et bien liée à l’affaire Boskalis et relative à la déposition des témoins en Suisse». (Voir plus loin). Le bureau de l’Attorney General lui répond le 16 janvier dans une lettre que signe Ravi Yerrigadoo lui-même : «Nous vous écrirons en temps et lieu.»

Entre-temps, soit le 14 janvier, la magistrate rend son ruling en faveur de la poursuite. Elle rejette la motion de la défense, en arguant qu’il est trop tôt pour écarter ces preuves car le procès n’est pas encore arrivé à ce stade. C’est donc sur cette subtilité que la défense pourrait orienter sa prochaine stratégie. La magistrate n’a pas complètement écarté la possible inadmissibilité des preuves et dépositions recueillies en Suisse, elle a simplement reporté la question.

Une réponse de Ravi Yerrigadoo confirmant l’absence de recours à la Legal Mutual Assistance, donc éventuellement l’illégalité dans la forme de la collecte de ces preuves, serait ainsi toujours d’intérêt pour Me Nadeem Aullybocus. Mais Ravi Yerrigadoo jure qu’il n’a donné aucune suite à cette lettre. «Ce que vous avez en votre possession (NdlR, la lettre que nous publions), c’est tout simplement un accusé de réception. C’est ce que je réponds à toute personne qui m’écrit. Je n’ai rien fait d’autre à ce sujet et il n’y a eu aucune suite à la lettre de Me Aullybocus.» L’Attorney General refuse d’en dire plus car «c’est une affaire qui est en cour».

Mais la lettre de Me Nadeem Aullybocus ne se limiterait pas à une simple demande de confirmation. Ni l’Attorney General ni l’avocat ne le confirment, mais Me Aullybocus aurait aussi demandé à Ravi Yerrigadoo de solliciter les autorités suisses pour qu’elles initient des actions pénales contre ceux qui ont participé à l’audition des témoins en Suisse.

Là encore, Ravi Yerrigadoo répond qu’il «n’a donné aucune suite aux sollicitations de Me Nadeem Aullybocus».


«Unlawful activities on behalf of a foreign state». Ce que dit le code pénal suisse

<p>&nbsp;Art. 271. 1. Any person who carries out activities on behalf of a foreign state on Swiss territory without lawful authority, where such activities are the responsibility of a public authority or public official, any person who carries out such activities for a foreign party or organisation, any person who encourages such activities, is liable to a custodial sentence not exceeding three years or to a monetary penalty, or in serious cases to a custodial sentence of not less than one year.</p>

 


L’avocat de Maunthrooa : «Les autorités suisse envisagent d’entamer des poursuites»

<p>Il n&rsquo;y a rien d&rsquo;illégal dans sa requête à l&rsquo;<em>Attorney</em> <em>General</em>. D&rsquo;ailleurs, révèle Me Nadeem Aullybocus, l&rsquo;avocat londonien de Prakash Maunthrooa, c&rsquo;est en cour qu&rsquo;il a présenté sa lettre à Ravi Yerrigadoo.</p>

<p>L&rsquo;avocat confirme aussi avoir contacté les homologues suisses et néerlandais de l&rsquo;<em>Attorney</em> <em>General </em>pour les informer des conditions dans lesquelles des preuves ont été recueillies en Suisse. <em>&laquo;L&rsquo;article 271 du code pénal</em> <em>suisse établit clairement</em> <em>que la méthode des autorités</em> <em>mauriciennes était illégale.</em> <em>La Suisse est une partie</em> <em>neutre entre Maurice et les</em> <em>Pays-Bas, les deux pays</em> <em>concernés dans l&rsquo;affaire&raquo;,</em> soutient l&rsquo;homme de loi. Raison pour laquelle, dit-il, les autorités suisses envisagent de poursuivre ceux qui étaient sur leur territoire pour recueillir des preuves sans avoir au préalable alerté les autorités concernées.</p>

<p>Dans la foulée, Me Nadeem Aullybocus dit avoir demandé à l&rsquo;<em>Attorney General </em>d&rsquo;enquêter, lui aussi, sur les conditions derrière ce voyage en Suisse de la police et du bureau du Directeur des ppoursuites publiques. <em>&laquo;Il y a</em> <em>plusieurs points à éclaircir.</em> <em>&raquo; </em>Entre autres questions, &laquo;<em>pourquoi le bureau</em> <em>de l&rsquo;</em>Attorney General <em>n&rsquo;était pas au courant de</em> <em>ce déplacement ? Cela a été</em> <em>fait en catimini. Qui a couvert</em> <em>les frais de ce voyage ?</em> <em>Qu&rsquo;ont-ils déclaré à l&rsquo;immigration</em> <em>suisse pour entrer</em> <em>sur le territoire ?&raquo;</em></p>

<p>Me Aullybocus concède toutefois que l&rsquo;<em>Attorney General </em>ne lui a pas donné de réponse définitive. Lui ayant seulement fait part que sa requête sera considérée. Contacté au téléphone, le sergent Rughunundun, <em>Main</em> <em>Enquiring Officer</em>, n&rsquo;a pas souhaité faire de commentaire sur l&rsquo;affaire. Il a simplement confié avoir reçu une mission qu&rsquo;il a accomplie en toute bonne foi.</p>

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PRÉCISION

 Après la parution hier de l’article «Boskalis, la correspondance de la polémique», il a été porté à notre attention que bien qu’étant du voyage à Genève en avril 2012, Me Rashid Ahmine, Senior Assistant du Directeur des poursuites publiques, n’a pas assisté aux dépositions des témoins à l’hôtel Novotel. Ceci a été établi en cour en décembre dernier quand le chef inspecteur Rughunundun a affirmé qu’il était seul lors de l’exercice.