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Plaine-Verte : Ayesha, p’tite mère courage

2 juillet 2016, 22:00

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Plaine-Verte : Ayesha, p’tite mère courage

 

Tel un roseau, elle plie sous les aléas de la vie, mais ne rompt pas. Et Ayesha, du haut de ses 13 ans, garde espoir d’une vie meilleure pour sa famille. «Pa koné ki bondié kapav fer», lâche la petite. Cela lui donne du courage pour se battre contre la misère et la maladie qui accablent sa famille depuis quatre ans. Et qui l’ont poussée à mettre fin à sa scolarité il y a un an. L’adolescente doit s’occuper de sa mère, devenue aveugle, de son père retraité et malade et de son petit frère âgé de quatre ans.

C’est une fille pleine de vie et souriante que nous rencontrons à la rue Coton, Plaine-Verte. On aurait dit qu’elle est une adolescente comme les autres. Avec les mêmes rêves. Le sien : devenir hôtesse de l’air. Mais Ayesha, elle, n’a pas l’insouciance de son âge. Car du haut de ses 13 ans, c’est à une petite maman que nous faisons face.

Dans sa petite bicoque rafistolée de feuilles de tôle usées, de morceaux de bois et de toile, la toute jeune fille raconte que sa vie a changé du tout au tout il y a quatre ans, peu après la naissance de son frère. Ayesha a neuf ans lorsque sa mère, Nazime Augustin, 37 ans, perd la vue. «Mo mama ti gagn enn kou kan li ti pé zwé ek mo frer ek so lizié inn koumans larmé.»

Nazime Augustin est allée se faire osculter. «Les médecins lui ont administré des gouttes avant de la renvoyer à la maison. Ils lui ont prescrit d’autres gouttes», raconte Ayesha. Mais une fois rentrée à la maison, Nazime Augustin commence à avoir des douleurs aux yeux et souffre de maux de tête. «Durant la nuit, elle s’est réveillée pour demander des calmants à mon père. C’est là qu’elle s’est rendu compte qu’elle ne voyait plus rien.»

Cette étape de sa vie, confie Ayesha, a été l’une des plus pénibles. Le lendemain, Nazime Augustin est retournée voir les médecins. Le médecin qui devait s’occuper d’elle l’aurait traitée de «folle», confie Ayesha, en regardant sa mère. Cette dernière de lâcher, amère : «Dimoun finn koumans inior nou. Enn fwa difé inn pran dan lakaz, vwazin dibouté gété, mé pa vinn donn koudmé. Mé malgré sa nou pé viv.»

Maigre pension

Il y a trois ans, quand elle intègre le collège, en sus d’avoir à se réveiller tôt pour s’occuper de ses parents et de son petit frère, Ayesha subit les moqueries de ses camarades. «C’était dur, mais avec le temps, j’ai appris à ne plus faire attention à ce qu’ils disaient.» La direction du collège était au courant des problèmes auxquels elle était confrontée. Elle dit avoir eu le soutien de ses enseignants qui l’ont encouragée.

Mais malgré cela, l’adolescente s’absente régulièrement pour prendre soin de sa famille. Tant et si bien que les officiers de la Child Development Unit ont, à maintes reprises, prévenu Nazime Augustin que la garde de ses enfants lui serait retirée. «Ma fille s’absentait du collège et les fonctionnaires m’avaient menacée de me l’enlever. Car je ne pouvais pas m’occuper d’elle comme il le fallait et on n’avait pas un endroit décent où vivre.»

C’est ainsi qu’il y a un an, croulant sous les responsabilités, Ayesha se voit dans l’obligation d’abandonner ses études. L’adolescente était alors en Form II, au collège Madad-Ul-Islam, Plaine-Verte. Depuis, le quotidien d’Ayesha est rythmé par les soins à sa mère et à son père, qui souffre de problème aux genoux. Elle doit aussi veiller sur son frère.

La petite famille dépend de la maigre pension que perçoit le père, Siddick. «Éna zour éna zis dipin rasi mo met tranpé apré mo rousi ek zoignon mo donn zot manzé, dit Nazime Augustin. Péna dilé, mo donn zot dilo disik pou bwar. Mo ti garson éna fwa péna diber pou met dan dipin, mo met disik dan dipin pou avoy li lékol.»

Mais au milieu de cette misère quotidienne, Nazime Augustin peut s’appuyer sur un roc : sa fille Ayesha. «Durant ces moments durs, mon seul soutien a été ma fille. Ayesha a assumé mon rôle, c’est moi qui aurais dû être à son chevet…»