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Collégiens dans les autobus: bonjour les gros mots et la violence
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Collégiens dans les autobus: bonjour les gros mots et la violence
Lundi après-midi. La gare de Rose-Hill grouille de monde, de bus neufs, de katchak charlie, de taxis. Il est environ 14h30 et les autobus sont pris d’assaut par une horde, pardon, un groupe d’écoliers et de collégiens, pressés de rentrer chez eux ou de se rendre chez le prof de leçons particulières. En attendant, pour les autres passagers, c’est un cours de jurons qu’ils s’apprêtent à recevoir. En route.
Encore faut-il pouvoir se frayer un chemin entre les sacs à dos, les genoux et les coups de coude pour grimper à bord du bus. Vous êtes vieux, malade ou souffrez d’un handicap? Tant pis, vous vous ferez quand même écrabouiller.
Une fois à l’intérieur, les clans se forment. Les jeunes assis sur les banquettes arrière, les vieux debout, suspendus comme de la charcuterie dans un resto chinois; les autres font comme ils peuvent. Et là, oui là, les langues se délient, commettent des délits. Chapelet de gros mots. Langage ordurier. Zouré mama. Plus de fleurs que chez le fleuriste. Les yeux s’écarquillent pendant que les oreilles, pourtant pas si chastes, saignent. Les histoires font peur, les scénarii sont plus violents que ceux de The Conjuring 1 et 2 réunis.
Parmi les dialogues qu’on aurait préféré ne pas entendre si on avait eu le choix: «Enn sel fwa monn bat enn minn dan mo lavi, li ti apel Minaksi (rire démoniaque + juron). Eh sa lom la si mo gagn li mo manz li kri taaaaaa (juron à connotation sexuelle). Taler mo fer to lamaswar vinn lor to fron la (juron menaçant).» Même les écouteurs sont devenus sourds.
«Li bon protez zot. Mé zordi, ou bat enn zanfan enn ti kout rotin, ou kapav fini vilin… Dan bis, ou gagn pok pok pou dir kitsoz…»
Mais soyons rationnels, optimistes pour cette jeunesse; il ne faut pas généraliser. Même si, selon Arshaad, receveur de la UBS rencontré dans la capitale, les «batar malélevés» sont de plus en plus nombreux. En témoignent, ceux et celles qu’il rencontre au quotidien sur le trajet Port- Louis-Curepipe ou Port-Louis-Mahébourg. «Pa zanfan ki éna aster, zanfout», déplore-t-il. Selon lui, filles et garçons sont à mettre dans le même panier. «Bann tifi-la danzéré.» Et d’ajouter: «Mo oussi monn al lékol ziska FormV, mo oussi mo ti kontan fer dezord, mé pa koumsa. Zordi, pena ditou respé, lahont inn fonn.»
A qui la faute ? «Aux parents», estime le receveur de 38 ans. Mais aussi aux lois. «Li bon protez zot. Mé zordi, ou bat enn zanfan enn ti kout rotin, ou kapav fini vilin… Dan bis, ou gagn pok pok pou dir kitsoz…»
Un avis que partage Vinod Seegum, président de la Government Teachers Union. «Un petit coup de rotin n’a jamais tué personne. Ceux de ma génération et d’avant ne seraient plus là sinon!» Pour lui, la société a certes évolué mais les valeurs comme le respect et la politesse, notamment, sont restées au garage. «Pa zis zanfan ki malélevé, sofer mal malélevé lor simé, gran dimounn péna manier…»
D’accord mais comment expliquer un tel niveau de «malélevétude» chez des collégiens? «Aujourd’hui, dès que vous touchez à un cheveu d’un enfant, ses parents menacent d’appeler la Child Development Unit ou l’Ombudsperson for children.» Pas étonnant, donc, que certaines plantes aient poussé de travers, selon Vinod Seegum. Et, pour guérir ce mal dont souffrent certains jeunes, «il faut un remède de cheval».
Les principaux concernés, qu’en pensent-ils ? Pour Gabrielle Huët, 20 ans, qui a quitté les bancs de l’école il n’y a pas longtemps, les «gran mari», ce n’est plus à la mode. «Il faut un minimum de respect et de savoir-vivre. Je comprends qu’on veuille s’affirmer, mais là, ça dépasse les bornes.»
Pour la jeune fille, qui a récemment pris de l’emploi dans une compagnie privée, même si, fort heureusement, tous les collégiens qui utilisent les transports en commun ne sont pas des terroristes qui veulent faire exploser les codes de la bienséance, beaucoup se laissent aller à la violence – physique et verbale – gratuite. «La dernière fois, je suis arrivée en retard au bureau à cause d’un incident dans un autobus. Une collégienne, qui était avec ses copines, ne voulait pas payer le ticket, elle n’avait pas de pass. Le chauffeur a arrêté le bus pendant 30 minutes.»
Si Calamity Jane junior a finalement obtempéré, les injures, elles, se sont calmées bien longtemps après. «Zot ti pé dir si zot ti tousel dan bis ek sofer ek kontroler, bannla ti pou koné ki apel zot.»
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