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Jean-Benoît Tulowa, bachelier à 41 ans : «J’ai eu mon bac grâce à mon fils !»

10 juillet 2016, 15:43

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Jean-Benoît Tulowa, bachelier à 41 ans : «J’ai eu mon bac grâce à mon fils !»

 

Ils ont 25 ans d’écart et ont passé l’examen du baccalauréat en même temps. Mardi, les résultats sont tombés : Jean-Benoît et son fils Grégory ont décroché le précieux sésame. Une expérience rare pour ce père de famille mauricien, qui avait arrêté l’école à 12 ans. Il a repris ses études l’an dernier, en France, coaché pas son petit génie de fils. Récit d’une épopée familiale.

L’année dernière, à 40 ans, vous vous êtes mis en tête d’obtenir le baccalauréat (l’équivalent du HSC, NdlR). Pourquoi ce défi ?

L’idée a germé dans ma tête après un licenciement. En 2010, j’ai eu un accident de travail en déchargeant un camion, ma main gauche a été bien amochée. D’opération en opération, mon employeur a fini par me licencier pour inaptitude professionnelle. Sans travail, avec une famille à charge, les fins de mois sont devenues difficiles. J’ai fini par me dire que mon travail, il fallait le créer moi-même. Je me suis dirigé vers la création d’entreprise mais j’ai vite déchanté.

C’est-à-dire ?

Mon rêve, c’était d’ouvrir un restaurant-cabaret et une boutique de prêt-à-porter. Mais j’ai arrêté l’école à 12 ans. Sans connaissance de base en gestion d’entreprise, j’ai vite compris que mon projet n’irait nulle part. Alors, l’année dernière, j’ai décidé de reprendre mes études, en m’inscrivant en baccalauréat professionnel commerce.

Je n’ai pas eu le choix, il fallait ramener de l’argent à la maison

Pourquoi avoir arrêté l’école si tôt ?

Je n’ai pas eu le choix, il fallait ramener de l’argent à la maison. Une petite maison, à Grand-Baie. C’est mon village. J’y suis né, j’y ai grandi. Après l’école primaire, j’ai été au Trinity College, à Port-Louis. Mais j’ai dû arrêter en cours d’année, en Form I, parce qu’il fallait donner un coup de main à mon père. Il travaillait dans la restauration, à La Case Créole, à Grand-Baie. J’ai commencé comme serveur, à 12 ans donc. Petit à petit, le quotidien s’est amélioré. Mon père a réussi à économiser pour ouvrir son propre restaurant, une petite affaire. À 20 ans, il me l’a confiée. Je faisais tourner la boutique, comme on dit. L’année suivante, j’ai fait une rencontre, une Française venue en vacances. Le coup de foudre total. On a décidé de s’installer en France et me voilà parti.

Nous sommes donc au milieu des années 1990, vous débarquez où ?

Près de Lyon, dans le sud-est de la France. Sans diplôme, je me suis dirigé vers le secteur de la grande distribution et j’ai fini par devenir cadre. Jusqu’à mon licenciement, donc, il y a six ans.

Retourner sur les bancs de l’école trente ans après en être parti, ça fait quel effet ?

Je redoutais ce moment. J’avais peur de me retrouver avec des élèves bien plus jeunes que moi. Finalement, tout s’est bien passé. Dans ma classe il y avait toutes les générations. Par contre, certains de mes profs étaient plus jeunes que moi. C’est une sensation un peu… étrange ! (rire)

Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?

La réaction d’amis qui m’ont dit : «Tu perds ton temps, l’école ce n’est plus de ton âge, de toute façon t’as rien avec le bac, tu ne trouveras pas de boulot», ce genre de phrase assassine. Ces gens-là n’ont pas compris ma démarche : ce n’est pas un travail que je suis allé chercher, ni même un diplôme, mais des connaissances. Il y a encore un an, l’économie ou les maths, c’était pour moi un langage extraterrestre. Pareil pour le droit, la gestion. Si je n’avais pas appris tout ce que j’ai appris, je n’aurais jamais pu démarrer mon entreprise.

Vous avez donc comblé les six années d’études vous séparant du bac en une année seulement ?

En dix mois exactement. Je suis quelqu’un qui apprend vite, vous savez. Mais ça n’a pas été facile, loin de là. Le matin je me levais à 5 heures pour réviser avant d’aller en classe. Le soir après le dîner je me replongeais dans mes livres jusqu’à minuit. J’ai travaillé, travaillé… et Grégory, mon fils de 16 ans, m’a beaucoup