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Séjour illégal : Enquête sur un «trafic humain»

16 juillet 2016, 21:57

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Séjour illégal : Enquête sur un «trafic humain»

 

Lundi, 8 heures. Arifur Chowdhury, 29 ans, et Raju Reza Ul Karim, 21 ans, sont encore au lit lorsque qu'on frappe à leur porte. C’est la police… À la suite d’informations reçues, que celle-ci  débarque à la résidence que louent les deux Bangladais, à Quatre-Bornes.

Après avoir remis leur passeport aux policiers, Arifur Chowdhury et Raju Reza Ul Karim sont  emmenés dans les locaux du Passport and Immigration Office (PIO) à la Sterling House, à Port-Louis, pour interrogatoire. Ils ont comparu en cour le même jour. Faute d'être en possession de visa approprié, une charge provisoire de séjour illégal pèse sur eux. Toutefois, les deux Bangladais ne sont pas les seuls cas rapportés aux autorités cette semaine. Au total 15 Bangladais se trouvent au Detention Centre ,sis au quartier général de la National Coast Guard, au Chaland, depuis lundi.

 

Si au début, la police croyait avoir affaire à des étudiants clandestins, au fil de son enquête, elle s'est rendu compte qu'elle pourrait se trouver, aujourd’hui,  devant un cas de «trafic humain». En temps normal, ces 15 jeunes auraient dû déjà être déportés. Ce n’est pas le cas cette fois-ci car le Central Criminal Investigation Department (CCID) qui, selon un haut gradé responsable du PIO, prête main-forte à cette affaire, veut aller jusqu’au bout pour établir s'il s'agit bien de «trafic humain».

Parmi les 15 Bangladais, sept fréquentent une institution scolaire de Quatre-Bornes. Cinq autres établissements de ce genre  seraient aussi impliqués. «De faux documents sont notamment issus à ces étrangers par ces institutions. Pour pouvoir mener à bien cette enquête, nous avons besoin du soutien d’une organisation non gouvernementale qui serait, selon nos renseignements, prête à héberger ces étrangers qui sont en fait des victimes qui se sont fait escroquer», souligne notre interlocuteur.

Ajoutant que le PIO a refoulé, ces derniers mois, des centaines d’étrangers qui ne respectaient pas les critères de base nécessaires. Comme, avoir un hébergement et suffisamment d’argent (100 dollars par jour). Si les Bangladais sont en majorité, il y a des Ghanéens qui viennent comme étudiants mais aussi des Nigérians venus en vacances et qui ne veulent pas retourner dans leur pays. Trois personnes ont été arrêtées, lundi, et placées en cellule policière.

«On n’avait pas de cours» affirment Arifur Chowdhury et Raju Reza Ul Karim, que l’express a rencontrés au siège du PIO hier.Ils sont arrivés à Maurice en août et en octobre 2015 respectivement pour étudier au sein de l’institution quatre-bornaise. «C’est à travers Misbah, un ami, que nous avons eu vent des études proposées par cet établissement, par Facebook. Je lui ai donné mon passeport, ma carte d’identité, mes photos. Il a tout organisé», raconte Arifur Chowdhury.

Misbah, qui a quitté Maurice en avril, est membre de l’agence de recrutement Study Abroad. La même agence qui a organisé le voyage des deux Bangladais contre un paiement de Rs 175 000. «Cet argent qui provient de la vente des terres de nos parents au Bangladesh comprenait le billet d’avion, les frais d’études, un mois de loyer et des repas», poursuit Raju Reza Ul Karim.

Quand ils sont arrivés, la direction de l’institution leur a fait avoir un visa provisoire de trois mois. Cependant, il leur a fallu débourser Rs 73 000 (2 000 dollars américains) additionnelles pour pouvoir commencer les cours. Ces étrangers qui vivent en colocation n’ont bénéficié, par la suite, que de quatre jours de cours, l’année dernière.

«Même si on se rendait à l’école tous les jours, on ne nous dispensait pas de cours. Nous attendions des heures avant qu’on ne nous demande de rentrer. Ça a duré des jours, puis des mois. Entre-temps, nous avions besoin d’argent pour survivre et payer le loyer», fait valoir l’aîné des deux Bangladais. C’est comme cela qu’ils ont trouvé un emploi comme serveur : Arifur Chowdhury dans un restaurant à Bagatelle pendant ces six derniers mois et son ami dans un restaurant quatre-bornais depuis deux mois.

Puis, le visa provisoire de trois mois qui leur avait été octroyé a expiré. Depuis, leur requête pour que celui-ci soit renouvelé n’a jamais abouti. «À chaque fois, le directeur de l’école nous disait que c’est le PIO qui tarde jusqu’au jour où je me suis rendu au bureau du PIO, à Port-Louis. Là, j’ai eu un choc quand une dame m’a annoncé que mon école n’avait jamais envoyé de requête», soutient Arifur Chowdhury. C’est là qu’ils se sont rendu compte qu’ils ont été dupés.

«Nos parents ne savent toujours pas ce qui nous arrive ici. Si je leur raconte, mon père de 66 ans risque de mourir. Il m’a donné beaucoup d’argent pour venir étudier ici afin que je puisse trouver un emploi au sein du gouvernement de mon pays. Si je retourne au Bangladesh sans ce certificat, je ne sais pas ce que je vais faire», relate Arifur Chowdhury au bord des larmes