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Drogues synthétiques: quand les parents fuient des collèges régionaux

19 juillet 2016, 08:00

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Drogues synthétiques: quand les parents fuient des collèges régionaux

 

La drogue synthétique prend-elle de l’ampleur dans les institutions scolaires ? Oui, à en croire l’Acting Senior Chief Executive, Ram Prakash Ramlugun, qui a déposé devant la commission d’enquête sur la drogue, lundi 18 juillet. Au-delà de ce témoignage, les informations glanées par l’express indiquent que des parents sont même allés jusqu’à demander le transfert de leurs enfants de certains collèges régionaux. C’est ce que confirment des sources au sein de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU). Il nous revient qu’il y aurait quelques collèges qui seraient sous surveillance policière.

Dans les milieux concernés, l’on avance que ce phénomène toucherait surtout des collèges régionaux proches de la capitale. «Il y a eu des demandes et l’exercice de transfert a déjà été bouclé le mois dernier. Il n’y a plus de place vacante dans les autres collèges régionaux demandés par les parents», fait-on valoir.

Interrogé sur la présence de drogues synthétiques dans les collèges, Ally Yearoo, président de l’Education Officers' Union (EOU) explique que le fléau existe également dans les collèges nationaux. «J’ai été informé que des établissements pour filles ont également enregistré des cas de consommation de drogues synthétiques», indique-t-il.

Dans un état second

Ally Yearoo fait aussi ressortir que certains enseignants ont même été témoins de plusieurs situations «anormales», avec des collégiens qui ont l’air d’être dans un état second. Puis, qui s’en remettent un quart d’heure après. Le président de l’EOU compte aller déposer à la commission d’enquête sur la drogue.

Au ministère de l’Éducation, une source autorisée déclare qu’il y a bien eu des demandes de transfert. Mais l’on précise qu’officiellement, aucune mention n’a été faite de la prolifération des drogues synthétiques dans les collèges. «Les enseignants de même que les recteurs sont encouragés à rapporter tous les cas suspects au ministère de l’Éducation à travers les zones éducatives. Le ministère travaille en étroite collaboration avec la police afin de combattre la présence de drogues dans les collèges», souligne cette source.

Au niveau de la direction des collèges, l’on confirme des cas suspects liés à la consommation des drogues synthétiques. Mais tous ces cas ne seraient pas rapportés systématiquement au ministère de l’Éducation par les recteurs.

Le principal problème ? Il faut des preuves pour rapporter un «serious incident» au ministère de l’Éducation, explique Soondress Sawmynaden, le président de l’Association des recteurs. Il fait aussi valoir que «le personnel administratif et enseignant des collèges n’a reçu aucune formation pour détecter des cas de consommation de drogues. Pour l’alcool, c’est facile. Il est grand temps que le ministère nous forme dans ce domaine».

 «Une étude pour savoir à quel point les jeunes sont exposés»

«Un pays dépend de sa jeunesse. Les jeunes, ce sont les leaders de demain. Il faudrait éviter au maximum que les jeunes aient accès aux drogues.» C’est ce qu’a déclaré la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, lors de la cérémonie d’ouverture de la quatrième édition de l’«International Conference on Pure and Applied Chemistry», à Flic-en-Flac, lundi matin.

Elle est d’avis qu’il faut une étude afin de déterminer à quel point les jeunes sont exposés à la drogue. Cela, alors que, jeudi dernier, la ministre Dookun-Luchoomun avait déclaré que «s’il y a vraiment des jeunes qui sont en train de se droguer, c’est souvent en dehors de l’école». Les élèves qui ont été retrouvés sous l’influence de la drogue, avait-elle insisté, l’ont consommée «ailleurs».

Un haut cadre contredit la ministre Dookun-Luchoomun

De janvier 2016 à juin 2016, 17 cas de consommation de drogues dans neuf institutions secondaires comprenant les collèges d’État et du privé ainsi que les établissements du Mauritius Institute of Training and Development, ont été rapportés au ministère de l’Éducation. Et ce, alors que 29 cas dans 14 institutions secondaires ont été rapportés en deux ans, soit de janvier 2014 à décembre 2015. Ce sont là les chiffres portant sur la consommation du cannabis et des drogues synthétiques mis en exergue par l’Acting Senior Chief Executive, Ram Prakash Ramlugun devant la commission d’enquête sur la drogue lundi.

Des déclarations qui prennent justement la ministre de l’Éducation, Leela-Devi Dookun-Luchoomun à contre-pied. Face à la presse jeudi, celle-ci avait en effet affirmé que la drogue n’était pas consommée dans l’enceinte des écoles.

«Ces chiffres démontrent l’ampleur que prend la drogue dans les collèges», a ainsi commenté Sam Lauthan, l’un des deux assesseurs de la commission. Est-ce que c’est un nombre alarmant ? «Un seul cas est déjà un cas de trop», a souligné Ram Prakash Ramlugun.

L’Acting Senior Chief Executive a aussi déploré le fait que des parents compliquent la tâche des recteurs et d’autres parties engagées dans ce combat. Lorsqu’un collégien a été surpris en possession de la drogue, «ils peuvent nous accuser de harcèlement. C’est la raison pour laquelle c’est souvent difficile d’avoir plus d’informations sur le type de drogue que ces jeunes consomment».

Qu’en est-il des enseignants ? Sont-ils formés pour identifier les cas de consommation de drogues parmi les collégiens ? C’est ce qu’a souhaité savoir Paul Lam Shang Leen, qui préside la commission. Selon Ram Prakash Ramlugun, il existe des programmes tels que le Capacity Building, qui permettent aux enseignants de mieux cerner leurs élèves et de déceler notamment un changement de comportement. «Les cas sont souvent référés aux psychologues mais il nous manque des ressources à ce niveau», a cependant avoué Ram Prakash Ramlugun.

L’Acting Senior Chief Executive s’est cependant voulu plus rassurant en ce qui concerne la fabrication des drogues synthétiques dans les laboratoires de chimie. «Il n’y a pas eu de cas rapporté

Et ce, même si les substances présentes dans ces laboratoires couplées à des formules accessibles en ligne sont suffisantes pour que ces drogues soient fabriquées, a fait ressortir Ravin Kumar Domun, l’autre assesseur de la commission. Et Ram Prakash Ramlugun d’ajouter que le ministère s’assurera que les collèges rehaussent leur niveau de sécurité.

L’«Acting Senior Chief Executive» du ministère de l’Éducation, Ram Prakash Ramlugun, a déposé devant la commission d’enquête sur la drogue, lundi 18 juillet.