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Pravind Jugnauth : «Il faut prendre des mesures courageuses…»

29 juillet 2016, 08:35

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Pravind Jugnauth : «Il faut prendre des mesures courageuses…»

« Il y a un choix à faire.» Et le choix de Pravind Jugnauth, c’est ce vendredi 29 juillet, dans l’après-midi, lors de la présentation du Budget 2016-17, que nous le connaîtrons. Mais hier déjà, face à la presse, le ministre des Finances a donné une indication. Expliquant notamment que «la taxation est l’un des moyens pour augmenter nos revenus».

Le grand argentier n’a toutefois pas voulu en dire plus. «Il faut attendre la présentation du Budget pour connaître les mesures prises.» Dans la foulée, Pravind Jugnauth a souhaité que la population «comprenne et apprécie la philosophie» de son premier Budget sous la bannière de Lepep – son quatrième, en tout. Et surtout, «pourquoi (il) a pris certaines mesures» (Voir encadré).

Pour certains observateurs et opérateurs économiques, l’introduction de nouvelles taxes semble inévitable. D’ailleurs, depuis l’annonce de la baisse du Repo Rate, font-ils comprendre, cette menace fiscale planait. En effet, le 20 juillet, le Monetary Policy Committee (MPC) a baissé le taux directeur de 4,4 % à 4 %.

Un spécialiste financier s’interroge sur le timing de la réunion du MPC. D’autant plus que dans un communiqué en date du 17 juin, la Banque de Maurice avait indiqué qu’elle avait reporté, à après la présentation du Budget 2016- 17, la réunion du MPC. Réunion initialement prévue le 22 juin. Et un autre opérateur de se demander si la décision de baisser le taux directeur pour réduire le niveau d’endettement des entreprises, tout en les incitant à emprunter, «n’équivaut pas tout simplement à ce que le gouvernement reprenne d’une main ce qu’il donne de l’autre». En d’autres mots, les opérateurs perdront par le biais de nouvelles taxes ce qu’ils auront obtenu grâce à des mesures monétaires.

L’hypothèse de l’introduction de nouvelles taxes, l’économiste Azad Jeetun la balaie d’un revers. «Entre la Banque centrale et le ministère des Finances, il y a une coordination de la politique monétaire et fiscale pour rechercher des objectifs monétaires communs. Je vois difficilement ces deux institutions regarder dans des directions opposées.»

Reste que le dilemme auquel fait face le grand argentier est de relancer l’investissement sans augmenter les dépenses publiques et la dette du pays. Pour Shailen Sreekeessoon, économiste à la State Bank of Mauritius, «le marché domestique est restreint. L’épargne au niveau national a atteint un niveau très bas. Dans ce scénario, relancer la croissance à travers la consommation risque d’être néfaste sur le long terme».

Disponibilité de fonds

Il rappelle que la dette du secteur public se situait à 56,9 % du produit intérieur brut (PIB) au 31 mars. Et que sous la Public Debt Management Act, ce ratio doit être ramené à moins de 50 % du PIB d’ici le 31 décembre 2018. Ce qui implique que le déficit budgétaire doit être contenu à un minimum. Il est estimé 3,5 % du PIB en 2015-16.

N’empêche que le ministre des Finances ne peut prétendre que sa marge de manœuvre est totalement étroite. Surtout avec la promesse indienne d’une donation de Rs 12,6 milliards et la disponibilité d’une multitude de fonds non épuisés. Il faudra toutefois attendre la présentation du Budget 2016-17 pour être fixé sur les projections de ces revenus pour 2016. Ceux relevant de la taxe (revenus fiscaux) sont estimés à Rs 77,8 milliards pour l’année fiscale 2015- 16 et à Rs 97,8 milliards pour celle de 2016-17.

Il va sans dire que le premier Budget de Pravind Jugnauth sous le gouvernement Lepep ne pourra occulter les conséquences du Brexit sur la performance économique du pays, en 2016, et au-delà. Déjà, la MEXA a chiffré le manque à gagner pour le secteur textile à Rs 1,2 milliard, avec 2 500 emplois menacés directement. Conséquence directe du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne : chute de 10 % de la livre sterling par rapport à la roupie.

«Il faut prendre des mesures courageuses et les bonnes décisions», rappelait hier Pravind Jugnauth. En prélude à des annonces pas si populaires ?

Des ajustements de dernière minute possibles

Il se dit «confiant»  du Budget qu’il présentera et «convaincu» des décisions qu’il a prises. C’est un Pravind Jugnauth décontracté et souriant qui a reçu les journalistes hier à son bureau. Le ministre des Finances avait troqué pour l'occasion son costume pour une chemise bleue et un blouson. Il était accompagné de son conseiller Gérard Sanspeur.

À quelques heures de son grand oral, le ministre a indiqué que des ajustements de dernière minute seront faits ce matin, quand le Budget 2015-16 sera présenté au Conseil des ministres. «Cela est déjà arrivé.» Sujet qui fâche : quid d’une éventuelle hausse de la TVA ? Ces derniers temps, nos dépenses ont été plus élevées que nos revenus, note Pravind Jugnauth. «Cette situation ne peut continuer. Au cas contraire, Maurice pourrait se retrouver comme la Grèce et ne pourra plus payer ses dettes.» Raison pour laquelle il prône la discipline. «Il y a plusieurs moyens pour renflouer les caisses de l’État, dont l’investissement, la création d’emplois, plus d’exportations. Mais dans l’immédiat, c’est la taxation.»

De rappeler que l’État a augmenté la pension de vieillesse et aussi donné une compensation salariale. «Il faut trouver un équilibre, insiste Pravind Jugnauth. La population doit prendre en considération la réalité.» Répondant à une question sur la dette publique, le grand argentier a précisé que ce serait impossible d’atteindre le seuil de 50 %, comme le stipule la Public Debt Management Act. Et cette promesse de PravindJugnauth : «Mo pou azir kouma enn minis finans responsab, mo get réalité é mo kontan pran désizion pou amélior bann indikater.» Cela passe, entre autres, par des investissements dans des projets d’infrastructures. Pravind Jugnauth n’a toutefois pas voulu commenter le projet Heritage City. «Atann Bidzé ou pou koné.»