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Honoraires exorbitants : l’ICTA a-t-elle cédé aux «pressions» de Me Trilochun ?

12 août 2016, 22:20

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Honoraires exorbitants : l’ICTA a-t-elle cédé aux  «pressions» de Me Trilochun ?

Avant même les révélations de sir Anerood Jugnauth au Parlement mardi à la suite d’une question de Reza Uteem, le cas Me Kailash Trilochun suscitait la polémique au sein de l’lnformation and Communication Technologies Authority (ICTA). Une lettre anonyme adressée au chef juge mais aussi à différentes personnalités, il y a environ deux semaines, a mis le feu aux poudres. Au sein de cette instance, on s’élevait contre ce que l’on estime être des «pressions» et des «menaces» que Me Kailash Trilochun aurait exercées auprès du board de l’ICTA pour le paiement de ses honoraires.

Nous avons tenté d’avoir la version des membres de ce board. Cependant, d’aucuns se retranchaient derrière l’Official Secrets Act pour déclarer qu’ils ne peuvent rien dévoiler de cette affaire. Me Kailash Trilochun, qui est également cousin et beau-frère du ministre des Infrastructures publiques Nando Bodha, est, lui, resté injoignable pour répondre à de telles allégations.

Toute cette histoire a démarré après que SAJ a révélé au Parlement que Me Kailash Trilochun a touché Rs 19 millions pour avoir représenté l’ICTA dans un procès face à Emtel depuis avril 2016. Cela, alors que «les avocats de Mauritius Telecom ont perçu Rs 7 millions et ceux de Cellplus Rs 5 millions pour ce même procès», souligne cette lettre anonyme envoyée, semble-t-il, par des membres du personnel de l’ICTA qui «croient en la transparence et la bonne gouvernance».

Toujours selon cette lettre, le vendredi 6 mai, Me Kailash Trilochun aurait exigé qu’on lui paie  Rs 1,2 million, faute de quoi il se serait retiré de ce procès dès le lundi suivant. Le délai : le jour même. «Le board de l’ICTA a cédé et a approuvé le paiement», écrivent les auteurs de cette lettre anonyme.

L’avocat aurait récidivé quatre jours après que ce procès est passé en cour en envoyant deux factures totalisant Rs 12 millions. Et là, «il a menacé de poursuivre l’ICTA si cette instance ne s’acquittait pas de ces factures. Le board a cédé pour s’éviter des ennuis. Me Trilochun a même menacé le board pour qu’il ne divulgue pas ce paiement à qui que ce soit», est-il allégué dans la lettre.

Une source au sein de l’ICTA indique pour sa part que les preuves sont là et que tous les documents et reçus sont bien gardés au département de finances de cet organisme. Les membres du personnel de l’ICTA invitent, eux, la Mauritius Revenue Authority, la Financial Intelligence Unit et la commission anticorruption à initier une enquête sur cette affaire.

Les autres frais d’avocats payés par l’État

L’actuel régime a engagé plusieurs hommes de loi du privé depuis 2015. Quels sont les prix pratiqués ? À titre d’exemple, Me Désiré Basset, Senior Counsel, a réclamé Rs 690 000 pour défendre l’Independent Review Panel dans deux affaires. Le conseiller du ministère du Logement et des terres, Robin Appaya touche, lui, Rs 111 150 par mois incluant les allocations de téléphone et de transport.

Fait plus parlant : Geoffroy Cox, QC, l’avocat britannique qui, de 2006 à 2014, a défendu le gouvernement à 26 reprises notamment devant le Privy Council n’a touché que Rs 14,2 millions.

Voici une comparaison des honoraires payés par l’État à quelques avocats et avoués.

Des millions qui choquent même des hommes de loi

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="400" src="/sites/lexpress/files/images/cour_supreme_flouter_exported.jpg" width="700" />
		<figcaption>Des avocats interrogés trouvent &laquo;scandaleux&raquo;&nbsp; et &laquo;révoltants&raquo; les honoraires de Me Trilochun.</figcaption>
	</figure>
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<p>C&rsquo;est le <em>Talk of the day</em> au sein du barreau et du judiciaire : les&nbsp; Rs 19 millions empochées par Me Kailash Trilochun pour défendre l&rsquo;ICTA. <em>&laquo;Révoltant, scandaleux et exagéré&raquo;,</em> ont déclaré les quelques avocats que nous avons interrogés.</p>

<p><em>&laquo;Il a un appétit de Gargantua, ce monsieur-là. Autant de millions, pour un seul procès ? C&rsquo;est contre l&rsquo;éthique. Même si c&rsquo;est légal, il n&rsquo;est pas moral. Autant que je sache, il compte moins de 15 ans de pratique au barreau. C&rsquo;est exagéré. Je ne suis pas jaloux. Mais c&rsquo;est l&rsquo;argent des contribuables qu&rsquo;on gaspille&raquo;,</em> confie un <em>Senior Counsel.</em> Un autre <em>Senior Member</em> du barreau se dit, lui, choqué par de tels honoraires tandis que des avocats de différentes générations ont tenu le même langage : <em>&laquo;Mo pa zalou so kas. Mais c&rsquo;est scandaleux de la part de cet avocat de réclamer&nbsp; Rs 19 millions.&raquo;</em></p>

<p>Un autre de lancer avec ironie : <em>&laquo;Il faudrait que moi aussi je me mette à réclamer des millions pour des affaires. Mo pou vinn ris vit.&raquo;</em></p>

MSCL : «Il ne sera pas engagé  pour des conseils légaux»

<p>APRÈS l&rsquo;épisode de l&rsquo;Information and Communication Technologies Authority,&nbsp; la Road Development Authority (RDA) a vite fait de mettre fin à la collaboration avec Me Kailash Trilochun. Qu&rsquo;en est-il de la Mauritius Shipping Corporation Ltd (MSCL) qui avait également eu recours aux conseils légaux de l&rsquo;avocat si controversé ?</p>

<p>Dans ce milieu, l&rsquo;on fait ressortir que déjà l&rsquo;année dernière, Me Kailash Trilochun avait présidé une réunion à la MSCL pour discuter de la restructuration. Mais le syndicat n&rsquo;était pas content de son comportement durant la réunion. Et avait porté l&rsquo;affaire devant le tribunal. Depuis, cette instance n&rsquo;avait pas eu recours à ses services. <em>&laquo;Il ne sera pas engagé pour des conseils légaux&raquo;</em>, fait-on ressortir.</p>

<p>En fait, c&rsquo;est en juillet 2015 que Me Kailash Trilochun s&rsquo;est retrouvé sous les feux des projecteurs. Plus précisément, lors de la tension entre le Directeur des poursuites publiques, Me Satyajit Boolell, et la police. Le commissaire de police Mario Nobin avait alors eu recours à ses services au lieu de solliciter les avocats du parquet.</p>

<p>Puis, après que Me Subhas Lallah qui conseillait la RDA avait été informé en septembre 2015 que son contrat avait pris fin, c&rsquo;est Trilochun Chambers qui avait été retenu. Après un appel d&rsquo;offres.</p>

<p>D&rsquo;aucuns avaient alors mis en exergue les liens familiaux qui unissaient l&rsquo;avocat et le ministre Nando Bodha. À cette période, le ministre avait soutenu que ses détracteurs voulaient le cibler à travers Me Kailash Trilochun.</p>

<p>Mais il semble bien que même Nando Bodha a fini par ne plus soutenir son beau-frère et cousin après que le montant de ses honoraires a été étalé au grand public. Pour preuve : au lendemain de ces révélations, la RDA, qui tombe sous la tutelle de ce ministère, a vite fait de se défaire de l&rsquo;avocat.</p>

Oolun : «Le board de l’ICTA doit être révoqué»

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="400" src="/sites/lexpress/files/images/krishna_oolun_nk_exported.jpg" width="700" />
		<figcaption></figcaption>
	</figure>
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<p>LA polémique entourant les honoraires de&nbsp; Me Kailash Trilochun n&rsquo;a pas laissé insensible l&rsquo;ancien directeur exécutif de l&rsquo;ICTA Krishna Oolun <em>(photo)</em>. Ce dernier, qui avait été suspendu suivant une affaire portant sur un fraud-tracking system (aucune charge n&rsquo;avait été retenue contre lui par la suite), estime que la première faute dans cette polémique revient au conseil d&rsquo;administration de l&rsquo;ICTA. &laquo;C&rsquo;est le board qui doit être révoqué car les procédures n&rsquo;ont pas été respectées&raquo;, est-il d&rsquo;avis. Il explique que pour tous les services retenus par l&rsquo;organisme, il faut se conformer au Procurement Act qui stipule que tout contrat dépassant Rs 5 millions doit passer par un appel d&rsquo;offres. Or, tel n&rsquo;a pas été le cas pour avoir recours aux services de Me Trilochun.</p>