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Robert-Edward Hart: découvrir l’homme dans son intimité
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Robert-Edward Hart: découvrir l’homme dans son intimité
Taaree Meetun n’a connu Robert-Edward Hart que pendant un an. C’est par l’entremise de son mari Jean, qui était l’intendant du poète, qu’il en a été ainsi. Juste après son mariage, cette habitante de Rivière-des-Anguilles, convertie au catholicisme et baptisée Rose-Marie, vient s’installer dans la dépendance jouxtant «La Nef», maison que l’ami du poète, Emile Labat, a construite de ses mains à partir de coraux puisés du lagon de Souillac, que Robert-Edward Hart chérissait tant.
Jean Meetun nettoie, cuisine et va faire les courses du poète. Rose-Marie est d’abord agréablement surprise par les bonnes manières de Hart et par sa simplicité. «Li pa ti orgueilleux», raconte l’octogénaire qui a encore bon pied, bon œil. La routine quotidienne du poète est quasiment la même: il est sur pied à 5h30 et sort sur la véranda qui fait presque le tour de «La Nef» pour contempler la mer et méditer sous le badamier.
Après sa toilette, il s’enferme dans son bureau et écrit. Le bruit l’empêche de se concentrer. «Li bien kontan zanfan me si zot pas lor laplaz ek fer tapaz, li nek sorti pou gété kisannla pé fer tapaz.» Parfois, il prend une pause et va se dégourdir les jambes sur la plage avant de regagner «La Nef» et se remettre sur sa Corona pour dactylographier tout ce qui lui passe par la tête.
Couche-tard, il ne supporte pas d’être réveillé à quatre heures par le chant du coq et le caquètement des poules nourries par Rose-Marie. Au petit matin, il demande alors à son intendant «datas labous sa kok-la». Il se vexe aussi quand Jean Meetun, envoyé à la boutique, tarde à revenir. Dans un mouvement de colère, il lui intime l’ordre à son retour de «kit mo lakaz pli vit ki to kapav» avant de se radoucir et de l’amadouer.
Si c’est Jean Meetun qui prépare les repas du poète, souvent composés de légumes bouillis – en raison de la gangue de graisse lui entourant le cœur –, et parfois de bœuf rôti, il apprécie le chatini coco qu’il demande à Rose-Marie de lui écraser. C’est aussi vers elle qu’il se tourne lorsqu’il souffre du cœur, désirant qu’elle lui masse le buste.
Bien que solitaire, il reçoit régulièrement des visites – Emile Labat et sa fille Blanche, Marcel Cabon, Malcolm de Chazal, un certain Monsieur Tyack et bon nombre de «mamzel ki vinn visit li é apré zot alé». Il écrit aussi à ses deux sœurs et elles lui rendent alors visite. Son médecin vient hebdomadairement le consulter. Même s’il est de nature enjouée, il éprouve aussi des moments de grande tristesse qui n’échappent pas à Rose-Marie.
Ce n’est pas le visage qu’il présente à Abdool Raouf Fatemamode, 77 ans, le 16 août. Il est adolescent lorsqu’il rencontre pour la première fois Robert-Edward Hart. Issu d’une famille nombreuse, l’adolescent perd très tôt son père et doit aider sa mère qui a neuf bouches à nourrir. Pour s’en sortir, elle plante et vend des légumes. Il l’accompagne dans son porte-à-porte, transportant pour elle le lourd panier. Il se rappelle du poète comme d’un homme «gentil, bien amical, ki rant dan fébles dimounn. Li ti pé asté nou légim».
«Il verra le poète s’atteler à la peinture de son autoportrait (…) et même empoigner son violon pour jouer un air mélancolique.»
Sachant que la mère d’Abdool Raouf Fatemamode tire le diable par la queue, lorsqu’il fait démolir sa cuisine dans la cour de «La Nef», «linn ofer nou tou bann dibwa, so laport, so lafénet, so vitr tou. Linn donn nou sa kado», dit le septuagénaire encore surpris par cet élan de générosité. L’adolescent qu’il était se rappelle de l’affabilité du poète, de son sens de l’humour mais aussi d’une certaine prescience de son destin car il répétait qu’en raison de la condition de son cœur, un jour, il tomberait raide mort.
Et lorsque les Meetun prenaient un jour de congé, le poète demandait à la mère d’Abdool Raouf Fatemamode de laisser l’adolescent dormir chez lui au cas où il serait pris de malaise. C’est au cours de ces soirées que l’adolescent verra le poète s’atteler à la peinture de son autoportrait exposé depuis à «La Nef» et même empoigner son violon pour jouer un air mélancolique.
Samedi dernier, cela a fait seulement la quatrième fois que Rose-Marie Meetun a remis les pieds à «La Nef», soit 62 ans après la disparition du poète. Pour Abdool Raouf Fatemamode, c’était la troisième fois. Une retenue voulue pour ne pas se laisser submerger par tant de souvenirs d’un homme «si attachant».
Jardin de poésies: initier les enfants du Sud aux oeuvres du poète
<p>Belle initiative bénévolement organisée samedi dernier à «La Nef» par Robert Furlong, Jackie Forget et Kavinien Karupudayyan. Ils ont convié une vingtaine d’enfants des Standard IV à VI des écoles primaires du Sud et des enfants à besoins spéciaux de l’école Ruth à découvrir les poèmes de Robert-Edward Hart. Ce <em>Jardin de poésies </em>a non seulement vu la récitation de quelques œuvres du poète par les enfants, Jennifer Luximon et Rachel Arele interprétant une composition musicale de Robert-Edward Hart, mais aussi du slam scandé par son petit-neveu Stefan Hart de Keating, la constitution d’un totem par les enfants sur un pylône téléphonique et un atelier d’aquarelles animé par Yumilah Govinden.</p>
<p>Rose-Marie Meetun et Abdool Raouf Fatemamode ont, eux, évoqué leurs souvenirs du poète. C’était une façon de lui rendre hommage et de faire en sorte que «<em>leur voix sur le seuil</em>» soit «<em>musique</em>» à son cœur là où il se trouve.</p>
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