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Abus sexuels: aucun soutien psychologique à une ado
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Abus sexuels: aucun soutien psychologique à une ado
Elle était âgée de dix ans lorsque son voisin, un sexagénaire, aurait commis des attouchements sur elle. Jeudi 18 août, elle a enfin pu témoigner en cour intermédiaire dans le cadre du procès, racontent les tantes de la jeune fille, aujourd’hui âgée de 14 ans. Cette dernière est traumatisée, soutiennent Lyselle Bonne et Deviane Jokoo. Elles déplorent le fait qu’aucun soutien psychologique n’ait été accordé à l’adolescente.
«Notre nièce est bouleversée», affirment-elles. D’ailleurs, elle a dû se faire violence pour se rendre en cour, jeudi. Selon nos interlocutrices, la jeune fille, qui est en Form IV, devient nerveuse à chaque fois qu’elle doit comparaître devant la justice. À l’idée de faire face à son agresseur présumé, elle est tétanisée, avancent-elles.
«Sa performance à l’école a connu une baisse. Le ministère ne lui a toujours pas fourni de traitement psychologique pour l’aider à surmonter sa peine», dit l’une des tantes, ajoutant que cela aurait pu aider la jeune fille à maîtriser sa peur et sa colère mais aussi à se débarrasser du sentiment de culpabilité qu'elle ressent. «Elle se sent toujours coupable alors qu’elle ne l’est pas, soulignent les deux femmes. On essaie de lui redonner confiance en elle mais cela prendra du temps.»
«Murée dans le silence»
Cette affaire remonte à 2010. L’accusé a nié les allégations faites contre lui. À l’époque, l’adolescente prenait des leçons particulières chez cet employé de la compagnie Rogers, à Highlands. Il avait proposé de l’aider à améliorer ses notes à l’école. C’est ainsi que la mère de la jeune fille avait accepté qu’elle se rende chez lui. Il en aurait alors profité pour abuser d’elle. Il l'aurait également contrainte à visionner des vidéos à caractère pornographique.
La présumée victime se serait murée dans le silence car sa mère aurait fait la sourde oreille lorsqu’elle avait tenté de se confier. Ce n’est que deux ans plus tard qu’elle aurait fait part de son tourment à l’une de ses tantes, qui revenait de Rodrigues. Le cas a ensuite été rapporté à la police.
L’accusé, qui a plaidé non coupable, soutient que c’est un conflit avec ses voisins qui serait à l’origine de l’accusation portée contre lui. Celle-ci est intervenue deux ans après les faits et deux semaines après qu’il s’est brouillé avec eux, a-t-il fait ressortir dans sa déposition à la police. Avant cela, affirme-t il, ils étaient en bons termes. Il ajoute que la jeune fille et son frère avaient l’habitude de venir chez lui, notamment pour voir son fils durant le week-end.
L’accusé est défendu par Me Ashley Huranghee. L’homme de loi fera sa plaidoirie le 17 septembre.
Irrégularités dans l’enquête policiere?
En cour jeudi, l’avocat de l’accusé a mis l’accent sur ce qu’il appelle des «irrégularités» dans l’enquête policière. Faisant notamment ressortir que la déposition d’un proche de la victime n’aurait pas dû être prise en considération. La raison avancée: avant de consigner sa version, la police lui a énoncé les circonstances de l’affaire. D’ailleurs, l’avocat a voulu que cette personne vienne à la barre, mais le magistrat Azam Neerooa s’y est opposé, car celle-ci ne figure pas sur la liste des témoins.
Le manque de formation pour encadrer les victimes décrié
Les chiffres concernant les crimes et délits sexuels ont été publiés par Statistics Mauritius, la semaine dernière. Ils font état de 432 victimes âgées de moins de 16 ans. Mais d’entrée de jeu, Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, psychosociologue et porte-parole de l’organisation non gouvernementale (ONG) Pédostop, avance qu’il y a un fossé entre le nombre de cas rapportés et le nombre réel d’abus sexuels commis sur des enfants.
En effet, les chiffres dont disposent le ministère de l’Égalité du genre et du développement de l’enfant, la police et les ONG ne sont pas les mêmes. Pour la psychosociologue, il est un fait que nombre de victimes préfèrent renoncer en raison du traitement dont elles font l’objet de la part des autorités.
Mélanie Vigier de Latour-Bérenger attribue ce manque d’égards de certains préposés à une absence de formation appropriée. Une grande méconnaissance du sujet entraîne une minimisation du délit et des conséquences sur la victime.
Aussi, avance-t-elle, certaines pratiques pèsent lourd. Le témoignage en cour peut provoquer chez l’enfant de réels troubles, d’autant plus qu’il doit à nouveau faire face à son agresseur et donner des détails de ce qu’il a subi devant plusieurs personnes. Aux yeux de la responsable de Pédostop, cela équivaut à une nouvelle agression.
Or, l’audition des victimes peut se tenir dans une pièce spécialement aménagée pour recueillir les témoignages d’enfants agressés sexuellement: la salle d’audition Mélanie, du nom de la première petite fille dont le témoignage a été recueilli dans ces conditions.
L’ONG Pédostop avait, en 2013, soumis des recommandations en ce sens à l’État. Celles-ci portaient sur la formation appropriée requise pour mieux prendre en charge et encadrer des victimes en vue de leur témoignage, notamment les officiers de police, de la Child Development Unit et aussi des membres d’ONG. Pédostop fait aussi mention de la présence, lors de l’audition, d’un pédopsychiatre, d’un policier ou d’un psychologue ayant les compétences requises.
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