Publicité

Questions à… Marie Noëlle Elissac-Foy : «Il faut lier l’entreprenariat à un vrai projet de société»

29 août 2016, 09:16

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Questions à… Marie Noëlle Elissac-Foy :  «Il faut lier l’entreprenariat à un vrai projet de société»

 

Voilà un an que Smart Moves for Entrepreneurs a été lancé. Quel bilan faites-vous de cette année ?

 Ce qui a commencé comme une idée folle entre un expert-comptable et une consultante en communication est devenu aujourd’hui une plateforme crédible qui regroupe près d’une centaine d’entrepreneurs, de startuppers et de personnes attirées par l’idée d’entreprendre. Smart Moves ré- pond plus que jamais à un besoin essentiel de cette communauté : le networking et le partage d’informations. C’est un espace de parole car entreprendre est souvent une activité où on est seul face aux doutes. Au cours de cette année, nous nous sommes organisés, par nos propres moyens, pour créer ces espaces d’échange, que ce soit via des forums sur la taxe, la logistique ou les Smart Cities, ou par des formations avec d’autres entrepreneurs engagés comme 2016 Pitch-A-Thon ou, plus récemment, par une session d’information sur les mesures du dernier Budget. Nous sommes régulièrement sollicités par des entrepreneurs qui ont besoin d’aide et de conseils. Nous avons également créé des liens avec d’autres groupes d’entrepreneurs du monde entier. Il y a aussi de grosses sociétés (Logidis, Microsoft…) qui nous contactent pour être leur lien avec les entrepreneurs locaux.

Quel constat faites-vous du secteur des petites et moyennes entreprises (PME) depuis votre lancement ?

 C’est de toute évidence un secteur sur lequel on fonde beaucoup d’espoir, mais il y a probablement trop de «capitaines à bord». Ce qui fait qu’aujourd’hui encore, les entrepreneurs se sentent un peu perdus. Mais je pense qu’il faut que l’on se pose les vraies questions. A-t-on une vraie culture entrepreneuriale à Maurice ? Ou est-ce que les termes «entrepreneurs», «startup» sont des «buzz words», une mode sur laquelle l’on veut surfer ?

Il y a un an, le gouvernement avait lancé l’ambitieux projet, «Île Maurice, nation d’entrepreneurs». Plusieurs mesures avaient été annoncées, qui ont été retravaillées au cours de l’année 2015-16 avec la création de MyBiz, la MauBank ou encore le SME Development Scheme et les incubateurs d’entreprises. Ces mesures ont-elles été suffisantes jusqu’ici pour booster les PME et créer une nouvelle génération d’entrepreneurs ?

Non, de toute évidence. Puisqu’aujourd’hui, on en est encore à parler de fusion des différents organismes et d’avoir enfin un interlocuteur principal pour les PME. C’est par cela qu’il aurait peut-être fallu commencer, par éliminer les doublons, mutualiser les ressources humaines et surtout financières. Au final, il faudrait que l’on se retrouve avec un interlocuteur – le ministère des PME, un processus et des outils adaptables à notre réalité entrepreneuriale. C’est là où j’en viens à dire : il ne faudrait pas que le titre d’entrepreneur ne devienne qu’un mot à la mode. On ne crée pas une nouvelle génération d’entrepreneurs en un claquement de doigts ! Ce qui est dommage, c’est que toutes ces mesures ont produit une fausse impression qu’on devient entrepreneur pour profiter des fonds qu’offre le gouvernement. Systématiquement, à Smart Moves, on reçoit des personnes qui n’ont qu’une question : «Kouma fer pou gagn enn loan ?» De plus, tous ces incubateurs (existants et futurs) sont-ils remplis ? Pourra-t-on les remplir ?

Quels sont les manquements qu’il faudrait impérativement revoir pour aider les PME ?

 Je ne vois pas les choses sous cet angle. Il y a dans tous ces beaux discours sur l’entreprenariat, un élément qui manque, à mon humble avis. Il faut pouvoir lier l’entreprenariat à un vrai projet de société. C’est le chainon manquant pour faire émerger cette nouvelle génération d’entrepreneurs. Nous vivons sur une île où nous importons énormément de choses. Entreprendre, c’est produire. Tant que l’on n’a pas un signal fort pour mettre fin aux importations qui tuent lentement les industries locales, on ne donnera pas envie aux Mauriciens d’entreprendre, c’est-à-dire de développer de nouveaux services et produits faits par nous et pour nous.

Quels sont vos projets ?

Smart Moves est une plateforme collaborative et nous multiplions donc les associations et synergies avec d’autres réseaux à Maurice et ailleurs. Nous organiserons, dès que le Budget sera voté, d’autres networkings et sessions d’information. Nous travaillons aussi avec d’autres entrepreneurs sur le lancement de deux importants réseaux à Maurice : Women in Tech Africa et Girls in Tech.