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Fabienne St Louis: «On avait l’impression que les responsables de la délégation étaient en vacances»
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Fabienne St Louis: «On avait l’impression que les responsables de la délégation étaient en vacances»
Si les Jeux olympiques de Rio sont terminés, Fabienne St Louis continue de se battre. Contre son cancer. La maladie n’a nullement entamé la joie de vivre de cette femme, qui a l’âme d’un vainqueur. Et qui n’hésite pas à dire le fond de sa pensée et à égratigner au passage certains dirigeants.
C’est grâce à la BBC que les Mauriciens ont appris que vous étiez atteinte d’un cancer. Ce «scoop», pourquoi ne pas l’avoir donné aux journalistes locaux?
(rires) C’est la BBC qui m’a contactée. Je ne voulais vraiment pas que cela s’ébruite, surtout au début. Même ma famille ne l’a su que très tard. Et puis, je me suis aussi dit que je pourrais surmonter cette épreuve et me préparer pour les Jeux. Je ne voulais pas que mes adversaires le sachent avant ma course.
Mais le reportage en question a été diffusé avant votre course.
Ils ont dû se tromper de date puisque j’avais demandé à ce qu’il soit diffusé après.
Oui, mais comment la BBC a-t-elle eu vent de votre maladie?
Je pense que c’est la Fédération internationale de triathlon qui a dû les aiguiller. Je fais partie de l’International Triathlon Union Development Team et suis donc assez proche de la Fédération. Je leur avais parlé de mon état de santé…
Du coup, plus de monde s’est mis à suivre votre parcours durant les Jeux. Cela a-t-il apporté une dose supplémentaire de stress?
Pas du tout ! Je savais que les gens me suivraient de toute façon et j’ai tout fait pour rester concentrée.
Et comment va la santé depuis?
Beaucoup mieux, merci. J’ai subi deux opérations, on m’a enlevé tous les ganglions cancéreux. Pas de radio ou de chimio, heureusement. Par contre, j’ai eu des problèmes de circulation de sang, mes jambes n’étant plus irriguées correctement. Une autre opération devrait régler le problème (NdlR, jeudi).
Sinon, l’attitude des gens a-t-elle changé à votre égard depuis la diffusion de la vidéo?
Celle des dirigeants oui, mais pas celle des athlètes. Beaucoup m’ont envoyé des messages d’encouragement, ils ont fait preuve de solidarité. Mais comme je suis restée la même, ils n’ont pas changé leur façon d’être vis-à-vis de moi.
Les dirigeants, dites-vous?
Je parle des responsables de la délégation mauricienne à Rio. On avait davantage l’impression qu’ils étaient en vacances…
Ah? Que s’est-il passé?
Il s’est passé qu’ils sont incompétents! Ils ne faisaient absolument rien et ils n’étaient jamais là! Sauf quand il s’agissait de participer à des réunions sans queue ni tête. J’étais la seule à n’avoir ni entraîneur, ni dirigeant qui m’accompagnait. Alors que tous les athlètes sont censés avoir leur entraîneur et un représentant de leur fédération avec eux. J’ai été obligée de me greffer à la sélection estonienne pour avoir un encadrement quelconque à Rio!
Comment ça? Vous n’aviez pas fait de demande pour être accompagnée?
Si ! J’ai même envoyé les photos de mon entraîneur et du président de la Fédération mauricienne de triathlon, qui n’est autre que mon papa. Et ils sont revenus vers moi en disant que la photo de ce dernier n’était pas «conforme» alors que c’était la même qu’on avait utilisée pour les JO de Londres. Pour ce qui est de mon entraîneur, on a tout bonnement refusé de me répondre.
Pensez-vous qu’avec un encadrement adéquat, vous auriez pu finir votre course?
Définitivement. Deux semaines sans encadrement, ça se paie, on accumule du retard. Pendant les premiers jours, j’étais motivée, je me donnais à fond, même toute seule. Mais c’est surtout le manque de soutien moral qui m’a tuée. Si les responsables de la délégation m’avaient proposé un meilleur encadrement, j’aurais sans doute été plus performante.
Tout cela a-t-il à voir avec le fait que vous vivez à plein-temps à l’étranger?
Je ne suis pas la seule à vivre à l’étranger ! Jonathan Drack (NdlR, notre représentant au triple saut) et Heather Arseth (NdlR notre représentante au 100 m nage libre), sont dans le même cas. En plus, je vivais déjà à l’extérieur en 2012 et j’étais quand même bien entourée pour les Jeux de Londres. Qui plus est, je retourne au pays au moins deux fois par an. Je pense surtout que c’est à cause des frottements entre la Fédération de triathlon et le comité olympique mauricien…
Dites-nous en plus.
Je sais juste que ce n’est pas normal de pénaliser une athlète pour une raison qui n’a rien à voir avec elle.
Noémie Alphonse (NdlR, handisport) a été pénalisée parce qu’elle a dit tout haut ce qu’elle pensait tout bas au ministre des Sports. Est-ce que sa suspension temporaire était justifiée?
C’est du n’importe quoi ! Bien sûr qu’elle n’était pas justifiée.
Justement, pensez-vous que l’approche de nos dirigeants face au sport est la bonne?
Si l’on se fie au nombre d’athlètes prometteurs que l’on a et ceux d’entre eux qui arrivent jusqu’aux compétitions internationales, je dirais qu’ils n’ont pas du tout la bonne approche. Beaucoup d’athlètes ont la rage de vaincre, ils ont une envie féroce de réussir mais sans les moyens et sans l’encadrement, ils abandonnent.
Des regrets?
Je suis quand même fière d’être Mauricienne, donc oui et non.
Et si on vous proposait de revenir à Maurice et qu’on vous offrait un poste d’entraîneur?
Non merci ! Surtout pas avec les dirigeants qui sont en place en ce moment…
Et si on vous proposait d’être ministre des Sports?
Peut-être… Je n’ai pas fait d’études en politique ou autre mais why not?
Et en tant que sportive de haut niveau, quelles seraient vos priorités?
Je ne sais même pas par où commencer. Il y a trop de choses à changer!
Parlons de choses plus gaies. Avez-vous rencontré de grands athlètes lors des JO de Rio? Phelps? Bolt?
J’ai rencontré Justin Gatlin, Novak Djokovic, Tyson Gay, Gaël Monfils, entre autres. C’était génial de côtoyer d’aussi grands athlètes! Mais ma plus belle rencontre était celle avec la délégation mauricienne. Je n’avais jamais croisé la plupart d’entre eux avant et franchement, j’ai été conquise. Ce sont vraiment des gens géniaux et on formait une belle famille mauricienne.
Cela n’a pas dû être chose facile de faire face à la dure réalité après ces moments d’euphorie. Quelles sont vos priorités désormais?
Ma santé. J’y suis allée un peu fort avant et pendant les JO. Après les soins médicaux, place au repos.
Qu’en est-il de votre carrière?
Je ne sais pas ce qui m’attend mais je n’arrêterais jamais de pratiquer mon sport. Même si je ne peux plus le faire au plus haut niveau.
Et si vous deviez choisir entre vélo, la natation et la course à pied?
Si je devais vraiment, vraiment, vraiment, choisir, ce serait peut-être la course à pied.
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