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Yacoob Ramtoola: «On n’a pas réclamé  un sou pour Heritage City»

5 septembre 2016, 22:30

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Yacoob Ramtoola: «On n’a pas réclamé  un sou pour Heritage City»

Un an après la nomination de Yacoob Ramtoola en tant que «Special Administrator», nous étions bien partis pour parler du bilan de l’affaire British American Investment (BAI). Mais il a accepté de jouer la carte de la transparence. Évoquant également le rôle de BDO auprès du pouvoir. Ainsi que le projet Heritage City où, dit-il, BDO aurait fait du… «CSR».

Après un an en tant qu’administrateur spécial du groupe BAI, avez-vous pu accomplir votre mission?

Le groupe BAI avait 126 entités: l’assurance, la banque, Iframac, l’hôpital Apollo Bramwell, BA Exchange, etc., ainsi que des investissements minoritaires dans d’autres entreprises. Mon rôle était de transférer les biens du groupe à la National Insurance Company (NIC) et à la National Property Fund Ltd (NPFL). Les biens immobiliers étaient estimés à Rs 7 milliards. À ce jour, nous avons pratiquement fini le transfert des biens immobiliers. Il y avait aussi des biens immobiliers dans le Bramer Property Fund, qui ont été transférés à la NPFL en juin 2016.

Il faut ajouter, à la liste susmentionnée, des investissements dans une banque nommée Century Banking Corporation. Voilà, en gros, c’est le bilan. Il faut comprendre qu’en tant qu’administrateur, mon rôle n’est pas de vendre les biens. Mon rôle est de les transférer à ces deux entités.

Que vous reste-t-il à faire?

On travaille actuellement à réunir ces 126 entités sous un seul groupe afin de procéder à la mise en liquidation. C’est la dernière étape. Il y a des choses à finaliser dans certaines firmes. Par la suite, la Financial Services Commission verra si elle va nommer un liquidateur.

Vous maintenez toujours le chiffre de Rs 11 millions comme honoraires pour cette année de travail?

Oui, tout à fait. Les Rs 11 millions sont uniquement pour le rôle de Special Administrator. Rs 8,5 millions pour l’administration et Rs 2,5 millions qui reviennent à ENS Africa, représentée par Thierry Koenig, qui est notre représentant légal.

Quelles ont été les grosses embûches rencontrées durant cette année?

La plus grosse difficulté était de gérer les employés d’Iframac, de Courts. Le deal avec Courts a pris pas mal de temps. C’était le plus gros challenge. L’autre défi se situait au niveau des relations avec le Receiver Manager. Nous avions des divergences d’opinion. D’après mon mandat, je devais m’organiser pour qu’il y ait un maximum d’argent afin de rembourser les détenteurs du Super Cash Back Gold (SCBG) et donc, je pensais que l’argent de la banque devait aller à la NPFL. Ces différends nous ont conduits en cour. Il y a eu des échanges d’affidavits.

Il faut aussi dire qu’on s’est heurté à un autre problème: la perception des gens. Le rôle du Special Administrator n’était pas bien compris. Je dois transférer et non vendre. Mais la NPFL et la NIC ont demandé à BDO de les accompagner pour la vente de certains biens, comme pour Britam, au Kenya. Il y a donc eu la perception que c’est le Special Administrator qui a vendu.

En même temps, il aurait été difficile de ne pas avoir cette perception. Vous êtes l’administrateur et BDO est le «Transaction Adviser» pour le compte de la NPFL ou de la NIC. Est-ce une pratique normale?

Ils ont demandé à la firme BDO de les aider en tant que Transaction Adviser. Ce n’est pas le rôle de l’administrateur. Mais vu que, comme administrateur, j’ai un full knowledge de ces entités, c’était un avantage pour la NPFL et la NIC parce que je pouvais mettre ces entités en avant et les vendre.

Cette pratique ne pose-t-elle pas un problème de conflit d’intérêts?

Il n’y a aucun problème. Mon rôle est de transférer et la NPFL demande à BDO d’aider à la vente. La firme a les compétences pour le faire.

Quand vous dites «la NPFL demande l’aide de la BDO», BDO est quand même payée pour faire cela, non?

C’est différent. Le rôle de l’administrateur est défini par la loi. Maintenant, si la NPFL nous demande de vendre des biens, c’est un tout autre assignment. S’ils nous demandent de vendre les actions de Britam, BDO le fait. C’est un problème de perception. Vu qu’on a travaillé sur la NPFL, nous avons les connaissances nécessaires pour faciliter une vente des biens.

Mais la NPFL aurait pu retenir les services d’une autre firme…

Oui, mais la procédure aurait été plus longue. Ayant travaillé sur le dossier, nous étions bien conscients qu’il y avait des échéances à respecter, par exemple, pour le remboursement des détenteurs du SCBG. Il fallait lever des fonds. Et il fallait faire très vite.

Donc c’est pour une question pratique que la firme BDO a été choisie à chaque fois comme  «Transaction Adviser»?

Je prends l’exemple de BA Exchange. Notre équipe a travaillé dessus pendant cinq ou six mois. Qui connaît BA Exchange mieux que nous? On connaît toutes ses forces et on peut miser dessus pour trouver un client.

Le leader de l’opposition dit qu’on nous sert «du BDO à toutes les sauces». C’est vrai qu’on a l’impression de vous voir absolument partout (Apollo Bramwell, DP World, Heritage City...).

C’est une perception. On a toujours travaillé sur des projets d’envergure, que ce soit avec ce gouvernement ou avec un autre. Et on va continuer. On a travaillé sur le projet Airport Terminal Operations Limited (ATOL) et avec Airports of Mauritius Ltd (AML) sous l’ancien régime. On a travaillé pour la Financial Services Commission sur un gros Ponzi à l’époque. Le gouvernement estime qu’il a besoin de notre expertise et sollicite nos services. On a même travaillé avec le leader de l’opposition sur le projet du Sugar Investment Trust, où il y avait 80 000 salariés actionnaires.

N’empêche que vous avez même fait le montage financier pour Heritage City…

On a fait le montage financier pour Heritage City. Mais n’est-on pas censé parler de la BAI?

On y reviendra, mais parlons du rôle de BDO.

Oui, on travaille avec l’État, mais ce n’est pas la première fois.

Attendez, on entend parler de BDO dans beaucoup de dossiers, mais on voit surtout des membres de BDO accompagner le ministre Bhadain…

Non...

Comment ça, non?

Mais dites-moi quand et comment?

Vous savez qu’au Parlement par exemple, un des membres de la firme s’est déjà assis là où sont d’habitude les conseillers des ministres…

S’il y a des questions parlementaires qui ont trait à un document sur lequel on a travaillé, peut-être que, dans ce cas-là, on était présent. Étant donné qu’on pouvait fournir des éléments. C’est parce qu’on fait un travail professionnel.

Et sur Heritage City?

Il faut comprendre que pour Heritage City, on n’a jamais pris de letter of engagement. On l’a fait parce qu’on pensait que c’était un projet d’intérêt national.

Bénévolement?

Oui, on n’a rien perçu comme honoraires…

Mais vous faites du «Corporate Social Responsibility» (CSR)…

Oui, c’était du CSR. Parce qu’il le faut. Ce projet est d’intérêt national. Il n’y a pas un sou qui a été reversé à BDO pour ce projet.

Pas encore, vous voulez dire, parce que le projet a avorté?

Nous avions prévu de ne pas prendre d’argent pour plancher sur l’aspect financier du projet. Si, demain, le projet va de l’avant et que le board de Heritage City décidait de retenir nos services pour d’autres travaux, c’est avec plaisir que nous accepterions. Mais pour le moment, les travaux faits sont gratuits.

Et vous faites ça souvent?

Souvent, nos clients viennent chez nous et nous demandent de faire des assessments. Pour ce travail, nous ne prenons pas d’argent. À la lumière de ce que nous faisons, le client voit s’il veut nous retenir. Le travail peut prendre une semaine, mais il n’est pas rémunéré.

Je ne vous dis pas que c’est toujours le cas; ça dépend de l’envergure des projets. Les autres firmes professionnelles travaillent de la même manière.

Attendez. Quelqu’un de BDO avait aussi accompagné le ministre à Dubaï. Le voyage était-il aux frais de BDO?

Bon, pour pouvoir comprendre le projet, il a fallu le faire. On a du travail à faire à Dubaï en général. Il se trouve que le ministre était là-bas, on fait le travail de notre client.

C’est une coïncidence…

On va régulièrement à Dubaï. On a un bureau qui s’y trouve. Mais pour Heritage City, je répète, on n’a rien touché et nos frais n’ont pas non plus été remboursés. BDO estime que ce projet était d’intérêt national. On y croyait…

Vous y croyez toujours?

J’y crois toujours, oui. Personnellement, oui. Dans quelle forme? Ça, on ne sait pas, mais moi, j’y crois.

Revenons aux biens de la BAI. Où en sommes-nous avec la vente de Britam?

La décision de vendre revient à la  NPFL. La BAI du Kenya est listée en Bourse et notre rôle était de transférer cette firme sous la  NPFL. La procédure de transfert veut qu’on passe par la Stock Exchange du Kenya. Au lieu de vendre à la NPFL, puis que la NPFL revende à quelqu’un d’autre, c’était plus facile d’effectuer la vente directement, avec l’autorisation de la NPFL.

Donc, il y a des exceptions…

Il y a des exceptions dans ce cas précis, parce que s’il fallait faire des demandes de transferts, cela aurait pris plus de temps. Il faut aussi comprendre que la NPFL avait reçu une offre d’une entreprise sud-africaine. Un accord avait même été signé entre le potentiel acquéreur et la NPFL. Comme la transaction est assez importante, la firme sud-africaine devait faire un due diligence au Kenya. Mais l’entité au Kenya ne voulait pas avoir un partenaire sud-africain. Elle voulait avoir des gens du Kenya.

Nous avons alors négocié avec les actionnaires du groupe. La vente a été faite avec le groupe d’actionnaires. Ils ont déjà payé. L’argent a été reversé dans un compte Escrow. La somme a été transférée à la NPFL et a servi au remboursement des détenteurs du SCBG.

Qu’en est-il des biens de  Global Capital?

Global Capital est une entité basée à Malte, dans laquelle la BAI a des actions. La vente de ces actions va dépendre de la valeur de l’entité Global Capital. Des propositions de rachat des actions ont été rejetées. On considérait que les propositions n’étaient pas suffisantes.

Statu quo au niveau de Global Capital alors…

Oui. Je sais qu’il y a des litiges avec les actionnaires de Global Capital en ce moment.

Concernant la vente de la NIC, vous savez où nous en sommes?

Il faudra demander à la NIC. Je lis des choses dans les journaux. La NIC est une entité où il y a 120 000 ou 140 000 policyholders. Il y a une direction, les auditeurs et l’entité est gérée professionnellement. Je suis certain qu’elle a de la valeur. C’est le cas pour la MauBank. Si vous me demandez ce qui se passe à la MauBank et à la NPFL, je ne peux pas le savoir.

Vu que vous êtes au courant de ce qui se passe à la NPFL…

Là c’est différent. J’ai eu affaire à la NPFL.

On en vient à Apollo Bramwell. L’hôpital n’était pas sous administration mais placé sous la tutelle de la NIC Healthcare Ltd. On apprend que BDO était le «Transaction Adviser» pour la vente… C’est pour les mêmes raisons citées plus haut?

Exactement. BDO est le Transaction Adviser. Il fallait préparer la Data Room. On a publié des avis dans les journaux afin que les intéressés puissent faire leurs propositions. BDO a donné six différentes options de rachat. Et on a eu trois offres : Ciel Healthcare, Lenmed de l’Afrique du Sud et Omega Ark. On a fait un rating et Omega Ark était troisième. Omega Ark était la seule entreprise à avoir offert de racheter le bâtiment et les opérations. Le ministre des Finances vient de donner des précisions au Parlement.

Est-ce normal de lancer un appel d’offres en proposant six options, de donner le titre de «Preferred Bidder» à Omega Ark puisqu’il propose le rachat total et immédiat et puis, en cours de route, on décide qu’on préfère avoir un contrat de gestion?

Pourquoi a-t-on donné différentes options ? C’était pour avoir un maximum de propositions. Si on avait donné une seule option, celle de vendre le bâtiment et la gestion, on n’aurait eu qu’Omega Ark, tandis que là, on a pu comparer. L’offre de Ciel était de Rs 250 millions pour le mangement contract et Lenmed avait proposé un partenariat.

On n’a rien changé en cours de route, puisque l’offre d’Omega Ark reste la plus intéressante. Pour le management contract, Omega Ark avait proposé Rs 650 millions. Si on n’avait pas accepté cette offre, qu’est-ce que les gens auraient dit ? Si on devait recommencer l’exercice ? Pensez-vous que ces deux autres firmes auraient poussé leur offre jusqu’à Rs 650 millions ? Un nouvel exercice aurait coûté plus de temps. Qui aurait financé l’hôpital durant tout ce temps ?

Mais BDO, en tant que «Transaction Adviser», ne connaît pas la situation financière de la NIC…

Je ne suis pas à la NIC. Et tout dépend de l’offre finale. Si on était parvenu à avoir les  Rs 2,5 milliards placées comme valeur dans les comptes de la NIC pour Apollo Bramwell, il n’y aurait pas eu de problème. S’il y avait une proposition plus forte que les Rs 2,5 milliards, évidemment, la NIC aurait reassessed son bilan.

On ne comprend toujours pas comment Omega Ark, qui n’a pas encore payé, a pu investir l’hôpital, faire un «rebranding» et changer les contrats.

Je crois comprendre que le repreneur n’attend que les documents pour finaliser le deal. Plus on tarde pour la reprise, plus la situation de l’hôpital empire. Là, Omega Ark injecte de l’argent pour le paiement des salaires. Si on n’avait pas fait cela, la NIC Healthcare aurait eu une ardoise de  Rs 25 millions peut-être.

La NIC Healthcare n’est pas sous administration…

Oui, mais pour les besoins pratiques, durant trois-quatre mois, les employés étaient toujours sous l’ancienne entité Bahel. Nous n’avions pas changé le contrat des employés pour les passer sous la NIC Healthcare. Il nous aurait fallu, par la suite, refaire un autre contrat pour qu’ils passent sous Omega Ark. Les employés auraient été traumatisés. Il faut penser au moral des gens. On est là pour trouver des solutions, on regarde le côté pratique de la chose.

C’est quoi le délai pour finir  les travaux?

Le target, c’est mi-octobre. Initialement, on avait prévu de terminer notre devoir dans quatre mois. J’aurais pu, comme Special Administrator, faire mon devoir et en finir. Je transfère et je termine. Mais j’ai fait du damage control, j’ai fait attention aux employés, j’ai attendu qu’on trouve des acquéreurs pour Courts, etc. Si j’avais fait mon travail strictement, j’aurais pu déjà le terminer. Mais en tant que firme professionnelle, je ne peux pas ne pas prendre en compte la souffrance des gens. Ce n’est pas dans notre façon de faire.

Et vous maintenez que, jusqu’ici, l’affaire BAI n’a rien coûté aux contribuables?

Jusqu’à présent, non. Pas un sou. Il n’y a pas eu d’allocation budgétaire pour rembourser les détenteurs du SCBG.