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Documents historiques: les saintes colères du Père Laval
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Documents historiques: les saintes colères du Père Laval
Tout le monde en prend pour son grade. Quand Jacques-Désiré Laval prend sa plume, il n’épargne ni les possédants, ni le clergé de l’époque. Il ne cache rien. Surtout pas son découragement quand il se retrouve seul, pendant cinq ans, à travailler jusqu’à l’épuisement. Sa mission: sauver les âmes d’environ 70 000 à 80 000 Noirs, entre les années 1841 et 1864.
Jacques-Désiré Laval, une figure emblématique, mais avant tout un homme. Voilà ce qui ressort du recueil de lettres du missionnaire, patiemment compilées et mises en contexte par Bernard Hym, prêtre et directeur du pèlerinage. L’ouvrage de près de 400 pages, Cœur à cœur avec le Père Laval à travers ses écrits, sera lancé le mercredi 7 septembre, juste avant la nuit qui voit affluer des milliers de Mauriciens au caveau du bienheureux.
Toutes ces lettres sont conservées aux Archives générales de la congrégation du Saint-Esprit en France. Il existe 475 pages, recopiées à partir des originaux, au moment du procès de béatification de Jacques-Désiré Laval. «Le moment où tout ce qui le concerne est vérifié», précise Bernard Hym. Ces copies peuvent également être consultées aux Archives spiritaines à Sainte-Croix.
Ces lettres sont un témoignage de première main de la société mauricienne du milieu du XIXe siècle. Par-delà les siècles, Jacques-Désiré Laval nous fait un cours d’histoire. Lui, le prêtre français, est arrivé à temps, car le «gouvernement anglais ne veut pas que (l’évêque William Collier) emploie des prêtres français; de sorte que me voilà seul pour ces pauvres gens». Plus loin, il souligne: «L’anglais ne sert à rien, on parle le français et une espèce de patois qu’on appelle créole; c’est un français corrompu. Je l’entends maintenant assez bien et commence un peu à le parler.»
Si le recueil de lettres démarre en 1835 – année où Jacques-Désiré Laval entre au séminaire – la plus criante est la première lettre qu’il écrit après son arrivée à Maurice. À 38 ans, le missionnaire a du vécu. Il a été médecin pendant cinq ans, il avait un projet de mariage, qui ne s’est pas concrétisé. C’est un homme relativement aisé qui fait une croix sur les biens matériels. C’est d’ailleurs une autre question qui traverse ses lettres: faire don légalement de ses biens à sa congrégation.
Que possède Jacques-Désiré Laval? La première lettre nous renseigne. «Les terres que je possède à Croth, c’est du bien patrimonial, il y en a 4 arpents, 30 ou 40 perches estimées à 3 600 francs.»
Il a tout quitté pour «cette pauvre île Maurice», écrit-il le 22 février 1842. «Pauvre», à cause des mœurs et des préjugés de couleur. Des anciens maîtres d’esclavages devenus leur employeur, il note: «Je trouve beaucoup d’opposition de la part des Blancs, qui voient d’un œil d’envie qu’on ne fait aucune distinction, dans la maison de Dieu, de couleur et de condition, et plusieurs maîtres refusent de laisser leurs pauvres domestiques assister aux instructions (...) Je ne suis pas trop bien auprès des Blancs, moi qui ne veux m’occuper que des Noirs.» On saura par la suite que des jeunes viendront semer le trouble à la cathédrale et l’attendre avec un gourdin.
À propos des Noirs, il écrit: «Il n’y en a presque pas de mariés à l’église. Ils se quittent et se reprennent plusieurs fois (...) il y a un luxe et une vanité qui passent l’imagination.»
Ses collègues n’échappent pas à son sens critique. «Ce sont des prêtres qui sont venus là pour gagner de l’argent et pour s’amuser (...) Cependant en voilà trois d’interdits et de chassés (...) C’est incroyable tout le scandale qu’ils ont donné dans cette pauvre île.» Plus loin, une note de bas de page reviendra aussi sur le cas du prêtre expulsé pour pratique illégale de la médecine, parce qu’il a pratiqué une césarienne sur une femme morte en couches, pour baptiser son enfant.
Le missionnaire ne voit pas non plus d’un bon œil la concurrence des Anglicans. «Nous avons par malheur ici beaucoup de ministres protestants et des écoles de la secte des méthodistes, qui font beaucoup de mal et qui attirent tous les enfants de ces pauvres Noirs.» Cela dans des écoles... gratuites.
Bien que parfois répétitives, ce corpus de lettres, sur lequel Bernard Hym a travaillé pendant 20 ans, est une mine d’informations sur l’île Maurice du Père Laval.
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