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Kailash Trilochun: «Bodha préfère son ministère à son beau-frère»

11 septembre 2016, 22:30

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Kailash Trilochun: «Bodha préfère son ministère à son beau-frère»

Il  nous a accueillis dans sa demeure princière pour nous faire des confidences. Nous en avons profité pour lui poser des questions indiscrètes. Vous êtes prévenus, pour tout comprendre, il faudra parfois lire entre les lignes…

Qu’avez-vous fait des Rs 19 millions ? Êtes-vous allé chez le coiffeur ?

Votre question est mal placée. Je n’ai pas travaillé seul sur ce dossier. Tous les avocats ont dû être rémunérés. Il ne faut pas compter sur moi pour vous dire en public ou en privé combien ces avocats ont touché. Cette somme inclut la taxe à valeur ajoutée. Il y aussi l’income tax et les frais. Il y a les honoraires de mes confrères et de mes consœurs. Soyez «fair».

Reformulons. Il  reste combien des  19 millions après les frais ?

Selon le code de déontologie des avocats, je ne peux pas parler des honoraires de mes confrères. Et non, mo pann al kot kwafer…

Cela se voit…

Il faut mettre fin à cette polémique autour des Rs 19 millions. Il y a eu cinq parties impliquées dans cette affaire. Il serait juste d’effectuer une comparaison. Combien les avocats des  autres équipes ont-ils touché ? Il faudrait savoir, par exemple, si une équipe d’avocats a empoché plus de  Rs 100 millions… Est-ce que la somme de Rs 19 millions est beaucoup ou peu en comparaison ?  Avan pintir enn portré, mo krwar ki li inportan ki gagn sa bann  répons-la.

Nous avons essayé mais personne ne parle. Aiguillez-nous. Donnez-nous des noms et des chiffres.

Allez poser ces questions aux avocats qui sont impliqués dans cette affaire. Il faut savoir dans quelles circonstances j’ai pris celle-ci. Si j’ai défendu  Rs 1,2 milliard ou Rs 1,6 milliard, que sont Rs 20 millions à côté ? Selon le code de déontologie, j’ai le droit de demander jusqu’à 10 % de la somme qui est en jeu. Et 10 % de Rs 1,2 milliard, cela fait  Rs 120 millions…

Justement, quelle est la plus grosse somme que vous ayez réclamée en  termes d’honoraires ?

Une fois encore, vous touchez à mes honoraires. Je pratique une profession où, par obligation, je ne peux pas dire combien j’ai touché. Est-ce que j’ai eu plus ou moins ? Eskiz mwa. Mo pa kapav dir ou !

Pravind Jugnauth vous a comparé à un rottweiler lors d’un congrès à Bel-Air, vendredi. Avez-vous reçu la visite de la MSAW depuis?

Kisann-la ? Ah d’accord. Un vieil adage dit ceci : lalang péna lézo. Li bat kouma li anvi. J’ai écouté Monsieur Pravind  Jugnauth. Quand il fait ses déclarations et ses allusions, je laisse aux journalistes, des «opinion-makers», et au peuple mauricien qui n’est pas imbécile, le soin de tirer leurs propres conclusions.

«On dit que c’est moi qui ai commandité l’agression de Bhanooduth Beeharee. On n’arrête pas de me parler de Rs 19 millions. Please, on my knees again.  I beg you. Stop this. Do it as it should be done! Posez-vous la question :  Ki konpagni privé pé imprim lalwa sak lané ? Komyé kass linn gagné ? Zordi, mwa mo per pou mo fami !»

Pravind Jugnauth était présent lors de la réunion du 6 avril au bureau du Premier ministre, alors qu’il n’était pas ministre. Dites-nous un peu plus.

Cette réunion s’est tenue dans des circonstances extraordinaires. J’avais réclamé Rs 12 millions pour une équipe d’avocats pour trois affaires : quand l’on passe par la première instance, pour faire appel et pour le Privy Council. J’avais demandé qu’il  en soit ainsi à cause de l’envergure de l’affaire. Il fallait l’énergie et les ressources nécessaires. Cela demandait beaucoup de sacrifices pour ma santé et pour ma famille… C’est dans un moment de crise que cette rencontre a eu lieu. Lors de celle-ci, il a été décidé que c’est moi qui allais prendre le dossier et sir Anerood Jugnauth a clairement  fait comprendre qu’il n’a jamais donné d’instruction quant à ma révocation. Le State Law Office a représenté  l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) pendant 16 ans et pendant tout ce temps, il n’a pas estimé qu’il était dans une situation conflictuelle. En février, alors que l’affaire était fixée pour mai, il s’est retiré alors qu’il y avait Rs 1,2 milliard en jeu…

Tout cela ne nous dit pas ce que Pravind Jugnauth faisait à cette réunion…

Il faut le lui demander. Aujourd’hui il prétend que c’est le Premier ministre qui l’a invité. Il est intervenu sur un seul sujet qui n’a rien à voir avec l’affaire en question. Je préfère ne pas en parler. Pendant toute la réunion, il demeurait silencieux. Il n’a pas participé à la décision en ce qui concerne les honoraires.

Oui, mais vous avez attendu qu’il y ait des problèmes pour révéler qu’il était présent à ladite réunion. Dans quel but  ?

Je n’allais pas faire ces révélations s’il n’y avait pas eu le fameux «fou déor» de SAJ.  J’ai dû  rétablir  les faits. Pravind Jugnauth a dit que tout cela, c’était des faussetés. Pravind Jugnauth et SAJ ont menti. C’est vrai qu’on n’avait pas parlé de payer Rs 19 millions. Je les avais mis en garde contre le paiement en heure. C’était une affaire fixée pour une durée de six semaines, mais elle allait dépasser cette période. Ils m’ont dit que si l’affaire prenait fin en un jour, il fallait nous payer juste pour cette période. Suivant cette logique, ils ont donc préféré opter pour un  hourly rate.

Mais finalement, ça leur a coûté plus cher. Peut-être dois-je comprendre que c’est le président de l’ICTA qui a eu tort… J’ai même entendu dire que j’ai menacé des personnes pour qu’on me paie. Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Il faut avoir le courage de dire la vérité.

Vous avez eu une autre réunion, le  13 mai, au Sun Trust, avec Pravind Jugnauth. C’était pour boire une tasse de thé ?

J’ai dû me battre contre mon propre client pour accéder à des documents afin de le défendre. Des fonctionnaires ont écopé d’avertissements. On leur a demandé s’ils avaient eu la permission de travailler avec Kailash Trilochun. Ma réunion avec Pravind Jugnauth était très positive. Il a pu résoudre une bonne partie de nos difficultés en donnant les instructions nécessaires pour obtenir ces documents. Il ne faut pas se demander maintenant pourquoi Pravind Jugnauth donnait des instructions. À ce moment-là, il a fait ce qu’il fallait.

Mais il n’était pas ministre…

Quand une personne a mal à la tête, même si on n’est pas médecin, on lui propose un remède de grand-mère. Si c’est efficace, tant mieux.

Vous dites que Pravind Jugnauth ment. Dans un congrès, il a dit que vous débitez des faussetés… Qui dit vrai ?

Je le repète, lalang pena lezo. Li bat kot li anvi. Si Pravind Jugnauth ment, il faut lui demander pourquoi il le fait. Je vous ai présenté les faits. Je crois en Dieu. Il connaît la vérité. La vérité finit toujours par triompher.

Roshi Bhadain a lui aussi initié une  enquête pour connaître la vérité…

Si l’enquête a trait à ma personne, c’est très bien. Au-delà de la politique, je reconnais ses compétences, il reconnaît les miennes. Roshi Bhadain et moi sommes très amis. Si l’enquête en question prouve que Kailash Trilochun a commis une erreur, il doit infliger les sanctions nécessaires.

Il était également présent lors de la réunion avec le Premier ministre.

Il a apporté une dimension légale à la discussion. Pravind Jugnauth avait dit que lors de la discussion, ils avaient évoqué un prix raisonnable. C’est Roshi Bhadain qui l’a dit, en fait. Mais ils avaient insisté pour un hourly rate.

Pourquoi avoir repoussé votre arrivée à Maurice ?

Tout ce que l’on a pu raconter à ce propos, moi, je trouve cela très très drôle. Monsieur Jugnauth a dit qu’il avait envoyé des messages pour que je soumette ma démission quand il y a eu des allégations contre moi. Je n’étais pas au pays. Allez demander à Monsieur Jugnauth par quel moyen il a communiqué avec moi. A-t-il envoyé quelqu’un pour me parler ?  Personne ne m’a demandé de démissionner !

Vous insinuez donc qu’il a menti ?

Ce n’est pas le Premier ministre qui a dit cela,  mais Pravind Jugnauth. Et aussi Showkutally Soodhun. Leurs versions sont fausses. Qu’ils viennent prouver que quiconque était venu me parler ou s’il y a un courriel à ce sujet. Si c’est par téléphone qu’on m’a contacté,  qu’on dévoile le numéro.

On a comme l’impression que vous insinuez que l’on ourdit un complot contre vous. Est-ce qu’on a tort ?

Mon avis c’est que les avocats du State Law Office doivent se contenter de représenter le gouvernement. Il y a beaucoup de choses qui se sont produites lorsque j’ai affirmé que j’allais donner une conférence de presse, avec un syndicaliste, pour dénoncer tout cela. Je dis qu’il y a complot. Il y a pire que ce complot. C’est quand mes amis journalistes m’ont  bâillonné, nu, sur un poteau, pour me lapider. On dit que c’est moi qui ai commandité l’agression de Bhanooduth Beeharee. On n’arrête pas de me parler de Rs 19 millions. Please, on my knees again. I beg you. Stop this. Do it as it should be done ! Posez- vous la question : ki konpagni privé pé imprim lalwa sak lané ? Komyé kass linn gagné ? Zordi, mwa mo per pou mo fami !

Et quel genre de relation entretenez-vous avec Bhanooduth Beeharee ?

Au début, c’était bien. Mais je n’ai jamais vu autant d’incompétence. Quand j’avais commencé, du côté de l’ICTA, il  voulait remercier les avocats proches du Parti travailliste. J’ai dit non. C’était le premier conflit. Il voulait ensuite faire partir les directeurs sous le couvert de la «loi». Il y a une série des révélations que je pourrais faire… Allez demander à Messieurs Jugnauth et Bodha si je ne leur ai pas parlé des problèmes à l’ICTA. Je n’ai pas donné d’instruction pour agresser le président. Il ne faut pas me coller cette étiquette de «beau-frère du ministre» sur le dos !

On allait y venir. Comment va Nando Bodha ? Vous avez eu de ses nouvelles récemment ?

Je suis extrêmement déçu par son attitude. Il a dit en public qu’il avait demandé au président de la Road Development Authority de me révoquer et il a agi dans l’illégalité. De quel droit peut-il donner des instructions à un président ? Il a cassé un contrat qui a des implications civiles et pénales. Son heure viendra, lui aussi. Ce n’est pas Monsieur Bodha qui m’a permis d’avoir ce poste.

Mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas mon beau-frère et que je ne l’aime pas. Quand on fait une erreur, il faut l’admettre.  C’est à cause de la pression qu’il l’a commise. Il aime son portefeuille ministériel plus que son beau-frère.

Vous regrettez d’avoir fait campagne pour l’alliance Lepep?

J’ai beaucoup de respect pour SAJ. Mais il n’est plus en mesure de diriger le pays. Il n’a plus de force. Il a fait son temps. Pravind Jugnauth avait le potentiel de faire extrêmement bien. Son point faible, c’est qu’il est le fils de SAJ. Ce n’est pas parce qu’il m’a blessé que je dirai qu’il ne peut plus le faire. Il faut lui donner l’occasion de faire ses preuves. Tout le monde avait fondé beaucoup d’espoir en l’alliance Lepep en 2014. Je suis triste que cette dernière ait laissé passer une chance extraordinaire. Je suis triste pour mon pays.

Inside story

<p>Samedi matin. Direction&nbsp; Morcellement Anna, à Flic-en-Flac. Le portail annonce la couleur. Château Fort d&rsquo;André, peut-on y lire, en lettres d&rsquo;or. Comment ça André ? Nous sommes venus voir Kailash Trilochun&hellip; La bâtisse, et ses trois niveaux en pierre taillée, est imposante, elle en jette. Sans parler du bois, qui n&rsquo;a rien à voir avec des planches MDF, on vous le dit tout de suite. Tout ça doit bien valoir une petite fortune, se dit le for intérieur tout haut.</p>

<p>À l&rsquo;accueil, un Monsieur en casquette. Pas de rottweiler en vue. Mais des poules &laquo;likou touni&raquo;, papa bouc, maman bouc, bébé bouc. La piscine n&rsquo;est pas olympique mais presque. De quoi en tout cas accueillir les nombreuses personnes que l&rsquo;on rencontre à l&rsquo;étage; poupou, enfants, amis, avocats, voisins, grand frère et d&rsquo;autres personnes qu&rsquo;on ne pourra mentionner ici, &laquo;clause de confidentialité&raquo; oblige&hellip; &laquo;Mo lakaz péna laport ek laklé (NdlR : on confirme, même les toilettes n&rsquo;en ont pas). Li ouver pou tou dimounn&raquo;, lâche le maître des lieux, qui fait une apparition bollywoodienne. Bouclettes au vent, kurta sur le dos, jeans, pieds nus. Les bougies sont allumées, les bâtons d&rsquo;encens apaisent un peu les &laquo;tensions&raquo;. Le jus de grenadine bien frappé aussi.</p>

<p>Pourquoi avoir convoqué des journalistes après des réponses &laquo;sek-sek&raquo; au téléphone et les mails restés sans réponse ? &laquo;<em>Votre directeur des pulications</em> (NdlR, Nad Sivaramen) <em>avait écrit un édito intitulé</em> &lsquo;Time to eat&rsquo;. <em>Je l&rsquo;ai trouvé intellectuellement extrêmement virulent. Kan dimounn kozé, li bizin konn dimounn-la avan (&hellip;) Kapav mo fot ousi sa, mo pann asé kominiké. Samem monn apel zot</em>.&raquo; Séquence émotion. Il nous parle de sa vie, de ses misères, de ses galères. Il a été, apprend-on, vendeur de jouets, de cotomili, de bred sousou, plus jeune. Et a travaillé dans un garage pour joindre les deux bouts alors qu&rsquo;il était en Angleterre. &laquo;<em>Mais n&rsquo;écrivez pas ça, je ne veux pas attirer de la sympathie</em>.&raquo; Dans ce cas, il ne fallait peut-être pas nous raconter tout ça.</p>

<p>Le personnage n&rsquo;a pas de savate mais il a de la verve. In English: &laquo;<em>People have lost lives to have the right to enjoy </em>(&hellip;) &raquo; Enjoyons l&rsquo;interview. Pendant laquelle Me Trilochun gesticule, articule, parfois sans nous donner le temps de placer une virgule. Les choses les plus sacrées pour lui ? La famille et Dieu. Des morceaux de discours mystiques &ndash; décidément à la mode ces temps-ci &ndash; plus tard, on nous invite à goûter à des pizzas au feu de bois. Cuites dans le four que notre hôte a fabriqué lui-même, précise-t-il. &laquo;<em>Tou pier ou trouvé isi mo mem inn tayé. Mo kontan swagn zanimo, planté, mo kontan amenn enn lavi sinp</em>.&raquo;</p>

<p>Ce qui ne sera pas simple, en revanche, c&rsquo;est de digérer les informations fournies off the record, on the record, off the record, etc., sur des dossiers brûlants, chauds, tièdes. La suite de ce feuilleton dans les jours qui viennent.</p>