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Geeta Mardaymootoo: pour que le suicide ne soit plus une fatalité
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Geeta Mardaymootoo: pour que le suicide ne soit plus une fatalité
Geeta Mardaymootoo est bien dans sa peau et bien dans sa vie. Cette esthéticienne, mariée et mère d’un enfant, vit à Tranquebar où se trouve aussi son salon d’esthétique. En sus de ses compétences professionnelles, ce qu’elle a pour elle, c’est un certain sens de l’empathie. De plus, c’est un fait connu que les confidences sont plus propices dans les salons de coiffure et d’esthétique. «Je suis à l’écoute de mes clientes. Souvent, elles évoquent leurs soucis personnels, leurs peines de cœur et autres problèmes de couple. J’écoute et lorsque je suis interpellée, je donne des conseils. C’est déjà arrivé que l’une d’elles évoque l’idée du suicide. À force d’écouter et d’essayer de conseiller, j’ai senti qu’elles sortaient de chez moi soulagées. Et moi, je me sens légère lorsque j’ai pu leur faire oublier leurs idées noires», raconte-t-elle.
Elle s’est portée volontaire pour faire de l’écoute à Befrienders Mauritius en 2011. Mais l’idée de le faire lui trottait dans la tête depuis le milieu des années 90. «Le Dr Ibhoo Mansoor, fondateur de Befrienders Mauritius, était un ami qui venait chez moi. Lorsqu’il a fondé Befrienders Mauritius, sachant que j’étais à l’écoute de mes clientes en difficulté, il m’a proposé d’être volontaire. J’ai trouvé l’idée intéressante mais j’ai pris du temps, surtout que je venais d’avoir un enfant.»
Ce qui la pousse à se décider, c’est le fait qu’avec des clientes de passage, elle n’a pas la possibilité de s’enquérir pour savoir si cela va mieux. Elle se dit qu’avec Befrienders Mauritius, il est plus probable qu’elle pourra faire ce type de suivi auprès de personnes désespérées. En 2011, elle contacte l’association qui l’accepte comme volontaire et celle-ci lui fait suivre des cours d’écoute active pendant dix semaines avant qu’elle ne soit habilitée à la pratiquer.
Porter ce titre signifie mettre trois heures par semaine à la disposition de la ligne verte de Befrienders Mauritius, dont le centre se trouve à Beau-Bassin. Si elle ignore l’âge des appelants qui sont aussi bien des hommes que des femmes, elle est à même d’évoquer leurs problèmes. Ce sont souvent des personnes en souffrance en raison d’une rupture sentimentale, d’amours contrariées, de solitude liée à l’âge avancé ou au handicap, qui téléphonent. «Lorsque quelqu’un appelle, on l’écoute et à un moment, on lui demande si elle a déjà pensé au suicide. Dans bien des cas la réponse est négative mais la personne ajoute qu’elle a du mal à gérer ses problèmes.»
À la fin, elle demande toujours à l’appelant s’il veut parler encore ou désire être rappelé. Si la réponse est positive, elle note son prénom et son numéro de téléphone et rappelle. Elle ne lâche pas le morceau tant qu’elle n’entend pas le soulagement dans la voix de son correspondant téléphonique.
Le cas le plus désespéré (…) est celui d’une mère de famille en pleurs qui racontait que son fils trentenaire, déçu en amour, avait déjà préparé la corde pour se pendre.
Le cas le plus désespéré auquel elle a été confrontée est celui d’une mère de famille en pleurs qui racontait que son fils trentenaire, déçu en amour, avait déjà préparé la corde pour se pendre. Si la maman a eu la présence d’esprit de mettre son fils en contact avec un psychologue, le poids de ces menaces lui pesait. «Je l’ai longuement écoutée. Elle a vidé son sac. Je lui ai demandé si elle voulait que je la rappelle ou que je la réfère à Life Plus où des psychologues de la Sécurité sociale peuvent prendre son cas en charge. Lorsqu’elle a raccroché, elle était plus calme.»
De ses correspondants téléphoniques anonymes, elle déclare aussi avoir noté qu’il y a souvent une accumulation de problèmes non gérés dans leur existence. Et qu’à un moment, une dose supplémentaire de souffrance fait déborder le vase.
Et elle, comment décompresse-t-elle ? «Nos cours nous ont appris à comprendre les problèmes des autres sans pour autant les endosser. Lorsque j’ai des cas difficiles qui me fatiguent, je fais un debriefing avec un collègue Cela m’aide à évacuer.» Que retire-t-elle de ces trois heures de volontariat ? «Je me sens utile. J’ai le sentiment d’avoir fait reculer une personne se trouvant au bord d’un précipice et de l’avoir mis sur la bonne voie.»
Qu’en pensent les siens ? «Ma famille est fière de moi. J’estime que c’est un temps bien mis à contribution…»
Le nombre de personnes incapables de gérer leurs problèmes en hausse
<p>À écouter José Émilien, volontaire à <em>Befrienders Mauritius</em> depuis 2006, qui préside aussi les destinées de cette organisation depuis mars 2015, le nombre de personnes en souffrance et incapables de gérer leurs problèmes est en hausse. Sur la soixantaine de volontaires enregistrés auprès de l’ONG, une trentaine d’entre eux se relaie au centre pour faire de l’écoute active. <em>«Nous recevons en moyenne 80 appels de détresse par mois»</em>, confie le président de cette ONG qui tient sa fibre sociale de sa grand-mère, une travailleuse sociale de qui il était extrêmement proche.</p>
<p>Mais il y a aussi des périodes de pointe. <em>«En ce moment, avec le problème de frais d’examens, nous recevons bon nombre d’appels d’étudiants qui sont déboussolés et qui disent que leur avenir est brisé.»</em> Autre période chaude pour les volontaires, les fins janvier-début février lorsqu’arrivent les résultats des examens du School Certificate et du Higher School Certificate de Cambridge. Également lors de fêtes comme celles de Divali ou les célébrations de fin d’année, Befrienders Mauritius reçoit davantage d’appels. <em>«Cela dénote une souffrance liée à la solitude.»</em> Finalement, à l’issue de catastrophes naturelles comme des inondations, le standard de Befrienders Mauritius sonne davantage.</p>
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