Publicité
Escroquerie: plumé pendant plus d’un an par une «ado» de 53 ans
Par
Partager cet article
Escroquerie: plumé pendant plus d’un an par une «ado» de 53 ans
«Elle m’a tout pris.» Quatre ans après les faits, il est toujours aigri. C’est sous le couvert de l’anonymat que ce jeune homme a accepté de parler à l’express. En 2012, alors qu’il était âgé d’une vingtaine d’années, il s’est amouraché d’une adolescente de 17 ans, qui disait fréquenter un collège privé à Réduit. Et leur relation, c’est à travers le téléphone qu’ils l’ont menée. Jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il avait, en fait, affaire à une femme de 53 ans!
Il y a deux semaines, «l’adolescente» Kamaleeka Neerunjun a écopé d’une peine d’emprisonnement de six mois. Peine qui a toutefois été commuée en travaux d’intérêt général. Depuis, le jeune homme, qui travaille dans une compagnie privée, est animé d’un sentiment d’indignation. «C’est injuste. Elle représente un danger pour les autres personnes qui pourraient se faire arnaquer, comme moi je l’ai été naïvement.»
Que s’est-il donc passé, il y a quatre ans? Il n’oublierait jamais ce mois de mars 2012. Il reçoit un SMS disant «éna léson tanto?» C’est à partir de ce moment-là que sa vie va basculer. Il répond au message, indiquant à la personne concernée qu’elle s’est trompée de destinataire. Les deux jeunes commencent à communiquer via SMS. En fait, Kamaleeka Neerunjun, qui exerce comme cuisinière à Grand-Baie, se fait passer pour Reema, une adolescente de 17 ans.
«Elle avait une belle voix, voire une voix jeune. Je ne me doutais pas qu’il s’agissait d’une femme beaucoup plus âgée.» Il soutient que Reema lui avait parlé d’un ancien petit ami qui avait trouvé la mort dans un accident et qu’elle avait besoin d’un ami pour la soutenir. Au fil de leurs fréquentes conversations téléphoniques, naissent des sentiments amoureux. Du moins, chez le jeune homme. «Je voulais la voir, la connaître personnellement.» Mais Reema lui dit que «sa tante» viendra d’abord le rencontrer. «J’avais accepté.»
La tante s’est pointée au rendez-vous. Sauf que c’était en fait Kamaleeka Neerunjun. Elle lui avait montré la photo d’une jeune fille. «Elle m’avait dit que c’était sa nièce Reema et je me suis dit qu’elle était belle.»
«Selon elle, il fallait qu’on se débarrasse des ‘movézer’ sur nous avant qu’on puisse se rencontrer. Sinon, cette relation risquait de ne pas durer à cause de ces présences surnaturelles.»
La «tante» de Reema devait, par la suite, de nouveau prendre contact avec lui. Ils se sont vus à la gare du Nord, Port-Louis. Kamaleeka Neerunjun lui réclame une certaine somme d’argent, évoquant une affaire de sorcellerie. «Selon elle, il fallait qu’on se débarrasse des movézer sur nous (NdlR, Reema et lui) avant qu’on puisse se rencontrer. Sinon, cette relation risquait de ne pas durer à cause de ces présences surnaturelles.» C’est ainsi qu’en plusieurs occasions, le jeune homme devait lui remettre de l’argent, d’un montant total de Rs 400 000. Pour ce faire, il s’endette, contractant un emprunt bancaire de Rs 500 000.
Ces agissements ont duré pendant plus d’un an. Pour expliquer pourquoi elle ne pouvait le rencontrer, Reema disait à son amoureux transi que ses parents étaient très conservateurs et qu’ils n’accepteraient pas qu’ils se voient avant le mariage. «Li ti pé ploré ar mwa, dir mwa li éna problem familial ek finansié. Mo ti rant dan so zwé é mo ti pé avoy larzan a traver so ‘matant’. Li ti déklar so lamour pou mwa é nou ti éna lintansion marié. Mo ti éna konfians», lâche-t-il, amer.
Notre interlocuteur raconte qu’il avait même accompagné Kamaleeka Neerunjun dans une bijouterie, à Flacq, pour acheter une «bague d’arrêt». De préciser qu’en plusieurs occasions, il avait remis des bijoux en or à la «tante» de Reema, en vue du mariage. Union qui devait avoir lieu une fois que le couple se serait débarrassé de tous les «movézer» et que Reema fêterait ses 18 ans.
Lors d’une énième rencontre dans un restaurant de la capitale, le jeune homme remet un ordinateur portable à la «tante» de sa dulcinée. C’était, dit-il, pour qu’ils puissent communiquer à travers Skype. Mais devant le refus de Reema de le voir, il commence enfin à douter qu’il y a anguille sous roche. Entre-temps, Kamaleeka Neerunjun rédige de fausses lettres d’amour pour dissiper ses doutes, en vain.
«Mo prézant mo exkiz ek monn servi larzan-la pou asté bizou, pou lev rasion.»
Sachant que la «tante» de Reema habite Triolet, il décide de se rendre sur place, en apportant avec lui la photo de la jeune fille. Mais en présentant celle-ci à plusieurs habitants de la région, il tombe des nues en apprenant que la «tante» habite seule. «J’ai décidé de la prendre la main dans le sac lorsqu’elle m’a demandé Rs 10 000. On a fixé un rendezvous et je lui ai demandé de m’attendre. Mais je n’étais pas seul. La police m’avait accompagné.»
C’était le 31 octobre 2013. Kamaleeka Neerunjun est arrêtée sous plusieurs accusations d’escroquerie. Cette mère de famille est passée aux aveux, indiquant qu’elle avait dans un premier temps demandé un téléphone cellulaire. Elle a également admis avoir mené le jeune homme en bateau pour lui soutirer de l’argent. Cette somme était utilisée pour régler les factures d’électricité, d’eau et pour acheter de la nourriture. «Mo prézant mo exkiz ek monn servi larzan-la pou asté bizou, pou lev rasion», avait-elle affirmé dans sa déposition à la police.
Elle a été condamnée le mercredi 14 septembre à une peine d’emprisonnement, Kamaleeka Neerunjun pourrait toutefois ne pas être enfermée. C’est le 26 octobre que le Probation Officer déposera son rapport devant la cour pour indiquer si elle est apte à faire des travaux d’intérêt général. «C’est révoltant qu’elle ne soit pas emprisonnée après ce qu’elle m’a fait subir. C’était de la torture mentale», lâche notre interlocuteur.
Le regret, la honte, la colère… Il dit avoir tout perdu et qu’il doit faire face aux reproches de ses parents qui ne comprennent pas comment il a pu placer sa confiance en une personne qu’il n’avait jamais rencontrée. Bien que le jeune homme, qui est désormais dans la trentaine, veuille reconstruire sa vie, il estime qu’il lui faudra encore du temps pour se remettre de cette histoire. D’ailleurs, il ne s’est toujours pas marié et déplore le fait de ne pas avoir récupéré son argent. «L’Asset Recovery Unit ne m’a jamais rien remis.»
Publicité
Les plus récents