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Sanjay Brambodary: un non-voyant qui a plus d’un tour dans son panier
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Sanjay Brambodary: un non-voyant qui a plus d’un tour dans son panier
On est à Bambous. Pour rencontrer quelqu’un qui manie le rotin comme pas deux. La particularité de cet artisan? Il est non-voyant. Mais à voir les meubles qu’il fabrique, on se dit qu’il n’y a rien à jeter au panier.
Sanjay Brambodary, 59 ans, est bâti comme une armoire à glace. Ça tombe bien, il en fabrique, mais en rotin, bien entendu. «Parfwa gagn komann dépi lotel.» On parlera d’oseille un peu plus tard. On attendra peut-être que le gros toutou – installé dans son panier en rotin, cela va de soi – cesse d’aboyer.
Son maître est tombé dans le panier de la vannerie un peu par dépit. Il avait 15 ans quand il a quitté l’École des aveugles, soit le centre Loïs Lagesse. «Monn rod travay dan lizinn, monn fer planter, mékanisien bisiklet, vann piksidou, mé pa ti rési débat kouma bizin…» Alors, sur les conseils d’un voisin avisé, il a tâté du rotin. Depuis, il fait feu de tout bois, histoire de vivre de son métier.
Sa force, sa Dame de fer à lui, c’est Gina, 47 ans. Elle est également non-voyante. Leurs chemins se sont croisés alors qu’ils étaient adolescents. L’histoire d’amour dure depuis 28 ans. À quand des noces en rotin? «Mo bra drwa sa», confie Sanjay avec un sourire. Un bras droit qui lui donne un coup de main de temps en temps quand il y a une commande pressée à honorer.
Ensemble, ils ont quatre enfants, âgés entre 14 et 23 ans. «Enn pé swiv kour HR Management, enn lot inn gagn bours avek MCB. Dé lot-la lékol», entonnent mari et femme, pas peu fiers de leurs enfants qui ont, eux, été épargnés par la cécité.
Pour pouvoir subvenir aux besoins de sa petite famille, Sanjay est debout aux aurores, dès 5h30 en fait. Après le petit-déjeuner avec les proches, il se rend à son atelier, annexé à sa maison. Pendant que le rotin «fait trempette», ce qui le rendra plus malléable, la scie sauteuse, le marteau, la perceuse et la pince entrent en action. De quoi clouer le bec aux sceptiques. «Monn blésé plizier fwa, mé aster monn abitié. Kan ou éna volonté, tou ou kapav fer.»
Pour la rime en «er», comment se porte le chiffre d’affaires? Très bien, apparemment. Car les vases, les lits, les sofas, les buffets, les berceaux et autres meubles façonnés par Sanjay se vendent entre Rs 35 pour les petits paniers et Rs 50 000 pour les canapés. Montants desquels il faut soustraire le prix de la matière première, les produits utilisés pour les finitions, les travaux, comme le découpage du bois, qu’il faut sous-contracter.
«Éna mwa kapav travay ziska Rs 100 000, mé éna mwa kapav travay zis Rs 600.» Le tout, c’est de savoir faire des économies, d’éviter de faire comme les paniers percés. Cela, Sanjay l’a bien compris. Ce qui lui a permis de construire sa maison et son atelier en dur.
Finalement, le fait d’être aveugle est-il un atout? Pas forcément, rétorque le vannier. S’il est vrai que cela attise la curiosité et suscite la sympathie des gens, il y a des clients qui font la sourde oreille, qui portent des œillères. «Mo ti pas par enn kontrakter. Enn kliyan lotel kan ti tann dir mo aveg inn rod dékomann li.» Mais la personne en question n’a pu rester insensible au talent de l’artisan. Et a finalement changé d’avis.
Le rêve du vannier, désormais? Il en a plein le panier. Parmi eux, agrandir son atelier. Mais aussi, et surtout, aider les autres non-voyants qui, comme lui, ont du mal à trouver du travail. En leur apprenant les ficelles du métier. Cela, afin qu’ils puissent «tini lor zot lipié mem si zot aveg».
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