Publicité

Me Pete Weatherby : «Le système des charges provisoires mène aux ‘careless lock-up’»

3 octobre 2016, 14:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Me Pete Weatherby : «Le système des charges provisoires mène aux ‘careless lock-up’»

Me Pete Weatherby, Queen’s Counsel, à Maurice pour représenter Vomanen Arekin, se confie sur le système judiciaire mauricien et le respect des droits de l’Homme.

Vous vous êtes déplacé du Royaume-Uni pour représenter un individu accusé de trafic de drogue et qui sera jugé lundi (NdlR : aujourd’hui). Quel est votre rôle dans ce procès ?

Me Erickson Mooneapillay et moi-même, nous défendons Vomanen Arekin, qui est soupçonné de possession et de trafic de drogue. Je dois m’assurer que ses droits sont respectés lors du procès.

Comme vous avez eu l’occasion de côtoyer les membres du barreau mauricien, quel regard portez-vous sur le système judiciaire à Maurice ?

Le système judiciaire à Maurice est basé sur le système anglais, où l’appel d’un jugement se fait devant le Conseil privé de la reine. Donc le système est pratiquement le même que celui du Royaume-Uni.

Vous vous êtes spécialisé dans les droits de l’homme. Expliquez-nous ce concept.

Je suis Senior Counsel et Queen’s Counsel, mais je me suis bien spécialisé en droits de l’homme. Cela implique la protection de la vie et de la liberté d’un individu, ainsi que sa liberté de pratiquer une religion et même son droit à un procès équitable.

Comment s’assurer qu’un accusé bénéficie d’un procès équitable ?

Tout d’abord, je pense que les avocats doivent pouvoir effectuer leur travail librement, sans restriction et, le plus important, c’est que l’État doit fournir des fonds aux avocats pour assurer la défense des accusés. On m’a dit que le financement des hommes de loi à Maurice est très faible. Or si vous ne disposez pas d’un système de financement correct, ce sera plus difficile d’obtenir un procès juste.

Comment qualifiez-vous la façon dont un procès est mené à Maurice ?

Il existe une différence clé entre mon pays et le vôtre. Je remarque qu’à Maurice, cela prend énormément de temps pour intenter un procès à une personne. La raison étant qu’il faut déposer une accusation provisoire avant de pouvoir décider si le suspect fera face à un procès. Au Royaume-Uni, la charge provisoire n’existe pas. Il suffit que la poursuite ait reasonable suspicion pour pouvoir procéder à une arrestation. Et si l’individu est arrêté, il fera automatiquement face à un procès.

Est-ce que le système des charges provisoires porte préjudice au suspect ?

Oui, car le suspect reste en détention, pendant des mois, voire des années, jusqu’à ce que le Directeur des poursuites publiques décide d’abandonner les charges. La police place une personne en état d’arrestation sans proper safeguard. C’est-à- dire il n’y a pas eu de contrôle judiciaire approprié qui mène à un careless lock-up.

Êtes-vous d’avis qu’il faut adopter un système robuste pour éviter cette situation ?

Si l’on n’est pas sûr qu’un suspect fera face à un procès, je crois qu’un système robuste est nécessaire.

Comment expliquez-vous qu’un suspect qui passe aux aveux dans un premier temps qui revienne sur sa version des faits se disant victime de brutalité policière ?

C’est comme ça dans tous les pays. Il y a des suspects qui sont réellement victimes de brutalité policière, et dont la police a fabriqué des confessions. C’est difficile de démêler le vrai du faux dans ce cas.

Mais quelle est la solution ?

J’avais posé cette question cinq ans de cela. Il n’y a pas de solution définitive, mais on peut se fier aux enregistrements vidéo des interrogatoires. Lorsque cette méthode a été pratiquée au Royaume-Uni, il y a eu une baisse considérable d’allégations de brutalité policière. Je pense que celles-ci connaîtront une baisse de 90 % si cette méthode est utilisée à Maurice.

Que pensez-vous du fléau de la drogue à Maurice ?

Je sais qu’il y a une commission antidrogue à Maurice. Mais le gouvernement et les politiciens doivent comprendre qu’il faut davantage investir dans l’éducation et la réhabilitation que  focaliser sur l’importation et l’exportation de drogue. Les lourdes peines d’emprisonnement aux trafiquants de drogue n’empêchent pas pour autant le trafic. Si on accorde la rémission aux anciens détenus, ils pourront se réhabiliter et servir le pays.

Mais cela n’encourage-t-il pas les trafiquants de drogue ?

Si les détenus répondent positivement à l’exercice de réhabilitation, ils doivent pouvoir bénéficier d’une rémission. Les politiciens pensent que la population s’intéresse à une peine d’emprisonnement maximale pour les trafiquants de drogue, mais c’est faux. Ce qu’elle souhaite, avant tout, c’est d’éliminer le trafic de drogue au pays.